"Mbua ka henda kata,mbingu yi widi". Or,l'homme est un apprenti dont la douleur est le maître et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert. Seul l'amour pour les faibles te rapprochera de Dieu à condition que tu sois sans peur devant tes ennemis,adroit et que tu dises toujours la vérité même si cela te vaudra la vie.
samedi 22 novembre 2008
lundi 20 octobre 2008
L'EVOLUTION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Introduction:
- Sacralisation historique de la loi (conception «rousseauiste» consacrée par l’article 6 de la
Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 érigeant la loi, «expression de la volonté
générale», en acte irrésistible, irréprochable, incontestable et inconditionnelle) en France qui
explique les difficultés rencontrées pour l’instauration d’un authentique contrôle de
constitutionnalité (première réalisation sous l’Empire avec le Sénat et durant la IVe
République avec le Comité constitutionnel qui ne fut saisi qu’une fois; proposition du «Jurie
Constitutionnaire» de Sieyès).
- Généralisation des Cours constitutionnelles dans tous les pays démocratiques (sauf en
Grande-Bretagne qui ne possède pas de Constitution écrite).
- Phénomène de «constitutionnalisation» du Droit.
I) Le Conseil constitutionnel, simple régulateur de l’activité et de l’équilibre des pouvoirs
publics
A) Le gardien du respect de la séparation des pouvoirs
1) Le régisseur des relations Exécutif-Législatif en tant que «canon braqué sur
le Parlement» (décisions des 6 novembre 1962, 30 juillet 1982 et 2 septembre
1992) et l’interprète-gardien de la Constitution (décisions des 13 décembre
1985 et 19 janvier 2006)
2) Le garant de l’indépendance de la juridiction administrative (décisions des
22 juillet 1980 et 23 janvier 1987)
3) Le protecteur de la souveraineté nationale (décisions des 30 décembre 1976,
22 mai 1985, 9 avril 1992, 2 septembre 1992, 23 septembre 1992, 31 décembre
1997, 20 mai 1998, 10 juin 2004 et 19 novembre 2004)
B) Le juge électoral
1) L’élection présidentielle (article 58 de la Constitution du 4 octobre 1958 et
jurisprudence concurrentielle avec le Conseil d’Etat: décisions du Conseil
constitutionnel des 21 janvier 1981, Krivine, 6 avril 1995, Durand, et 14 mars
2001, Hauchemaille, et CE Ass. 6 mai 1966, Dame Chaix: le Conseil
constitutionnel accepte, par exception, de se reconnaître compétent
relativement au contentieux des actes préparatoires de cette élection lorsque
l’irrecevabilité opposée à la requête «risquerait de compromettre gravement
l’efficacité de son contrôle de ces opérations, vicierait le déroulement général
des opérations électorales, porterait atteinte au fonctionnement normal des
pouvoirs publics»)
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2) Les élections parlementaires (article 59 de la Constitution de 1958 et
jurisprudence concurrentielle avec le Conseil d’Etat: décisions du Conseil
constitutionnel des 8 juin 1995, Bayreute, 16 mai 1997, Meyet, 20 septembre
2001, Hauchemaille, et CE 14 juin 1963, Bellot, CE 3 juin 1981, Delmas, CE
Ass. 12 mars 1993, Union nationale écologiste et Parti pour la défense des
animaux, CE Ass. 26 mars 1993, Parti des travailleurs, et CE Sect. 14
septembre 2001, Marini)
3) Les consultations référendaires (article 60 de la Constitution de 1958 et
jurisprudence concurrentielle avec le Conseil d’Etat: décisions du Conseil
constitutionnel des 20 décembre 1960, Le Regroupement national et Centre
républicain, 25 juillet 2000, Hauchemaille I, 23 août 2000, Hauchemaille II, et
CE 1er septembre 2000, Larrouturou)
II) Le Conseil constitutionnel, nouveau gardien des droits fondamentaux
A) La protection des particuliers
1) L’extension du «bloc de constitutionnalité», les techniques du juge (erreur
manifeste d’appréciation, réserves d’interprétation, censure «virtuelle»), et la
diffusion des principes à valeur constitutionnelle et des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République mais le contrôle a
posteriori (décision du 25 janvier 1985) mais le refus d’une question
préjudicielle d’inconstitutionnalité (au risque de permettre la diffusion de lois
liberticides et inconstitutionnelles telle celle du 15 novembre 2001 relative à la
sécurité quotidienne)
2) La jurisprudence constitutionnelle (décisions des 16 juillet 1971, 12 janvier
1977, 18 janvier 1995, 27 juillet 1994, etc.) et le phénomène de
«constitutionnalisation» du Droit (contrairement à l’article 66 alinéa 2 de la
Constitution de 1958 attribuant la fonction de protection de la liberté
individuelle au juge judiciaire)
B) La protection de la minorité parlementaire
1) L’extension de la saisine du Conseil aux parlementaires par les révisions
constitutionnelles du 29 octobre 1974 (dans le cadre de l’article 61 de la
Constitution de 1958) et du 25 juin 1992 (dans le cadre de l’article 54 du même
texte)
2) La jurisprudence du Conseil constitutionnel en tant que contribution au
statut de l’opposition parlementaire (éviter que «l’opposition ait juridiquement
tort parce qu’elle est politiquement minoritaire») et l’évolution de la saisine du
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Conseil (d’une instrumentalisation par l’opposition parlementaire à
l’émergence d’une authentique «culture de constitutionnalité»)
Il sied par ailleurs de noter la consécration du contrôle concret, introduit par la modification constitutionnelle du 23 juillet 2008 (art nouveau 61-1 C), afin de garantir davantage les droits fondamentaux.
dimanche 7 septembre 2008
Discours sur l'état de la Nation de 2008 du chef de l'Etat du Congo
Message sur l’état de la Nation 2008
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, président du Congrès,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Missions
diplomatiques,
Distingués Invités,
Chers Compatriotes,
Dans un an, aura lieu l'élection du Président de la République. Le présent message sur l'état de la Nation est, pour cette raison, le dernier du septennat. Aussi, sans faire le bilan du mandat, il en donnera, à tout le moins, un aperçu global.
Mesdames et Messieurs,
Il y a onze ans, notre pays a connu la plus terrible commotion de sa jeune histoire; il a connu la médiocrité la plus vile et la plus honteuse; il a connu l'abaissement que, pour rien au monde, il ne méritait : la guerre civile qui a failli ébranler les fondements et les fondations mêmes du Congo en tant que Nation.
Mais, heureusement, la logique du suicide collectif et de l'anéantissement général a été vaincue. Le Congo s'est remis promptement sur les rails de la raison et de l'espérance. Au regard des efforts déployés par le gouvernement et de la générosité prodiguée par le peuple pour que notre pays retrouve stabilité, respectabilité et dignité, nous pouvons, avec honneur et fierté, lever la tête.
N'y a-t-il pas eu des faiblesses dans notre marche et dans notre action ? N'y a t-il pas eu des ombres au tableau ? Oui, sans aucun doute. Aucune œuvre humaine n'étant, par essence, parfaite. Cependant, nous avons ensemble parcouru un chemin appréciable que nous allons maintenant revisiter.
Pour mémoire, je me dois de rappeler une évidence que chacun sait : au lendemain de la guerre civile de 1997 qui nous a conduit au bord de l'abîme, le Congo était, pour l'essentiel, un amas de ruines, un tas de cendres sur lesquelles il fallait tout reconstruire, bâtir de nouveau. C'est la formidable entreprise que le gouvernement soutenu, par le peuple, a engagée, patiemment, avec courage et abnégation, palier par palier.
Le premier palier est celui qui touche aux responsabilités politique et de souveraineté dont l'Etat est investi et qui sont ses raisons d'être. Responsabilités qu'il a l'obligation d'assumer. Conditions primordiales et préalables qu'il a l'obligation de garantir :
- la paix, la sécurité et l'ordre public;
- la libre circulation des personnes et des biens ;
- les libertés publiques et individuelles ;
- la vie des institutions ;
- l'Etat de droit ;
- la justice ;
- la vie démocratique ;
- la défense nationale ;
- et la diplomatie, que nous évoquerons en dehors de ce chapitre.
Nous pouvons affirmer, et nous le faisons sans ambages, que, tout au long de cette période, le gouvernement a assumé ses responsabilités politique et de souveraineté sans défaillance.
La paix et la sécurité règnent. La libre circulation des personnes et des biens est effective. Les libertés publiques et individuelles sont garanties. La cohésion nationale se renforce chaque jour davantage.
Pour tout dire, le combat pour la paix, la sécurité, la stabilité et la réconciliation nationale doit son succès aux moyens multiples que la Nation s'est donnés. Au nombre de ces moyens, nous pouvons mentionner :
- l'organisation, en janvier 1998, du Forum pour la réconciliation, l'unité, la démocratie et la reconstruction du Congo ;
- la signature, en novembre et décembre 1999, des Accords de Cessez-le-feu et de cessation des hostilités ;
- la tenue, en avril 2001, du Dialogue national sans exclusive ;
- la mise en œuvre, avec l'appui des partenaires internationaux, du Programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants dont les effets, à ce jour, sont : la collecte de plus de dix mille (10.000) armes légères et de petit calibre ; le ramassage de plus de six mille engins explosifs ; la réinsertion socio-économique de plus de vingt mille (20.000) ex-combattants.
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs,
La reconstruction politique et institutionnelle de la République a figuré au nombre des priorités du renforcement de la citoyenneté.
Adoptée le 20 janvier 2002, la Constitution qui régit actuellement notre Etat et la loi n°21-2006 du 21 août 2006 sur les partis politiques posent les bases de la restructuration de l'espace public national.
La gestion des responsabilités publiques est fondée sur le principe de la séparation et de la collaboration harmonieuse des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Aux termes de la loi fondamentale du 20 janvier 2002, elle est assurée - outre le Président de la République, clé de voûte des institutions - par les organes constitutionnels actuellement en place :
Le Parlement que vous constituez. Haut lieu de l'expression démocratique, l'Assemblée Nationale et le Sénat connaissent un fonctionnement régulier; la
Cour constitutionnelle, la Haute cour de justice, le Conseil économique et social, le Conseil supérieur de la liberté de communication, le Médiateur de la
République, la Commission Nationale des Droits de l'Homme, la Cour des
Comptes font partie des autres pièces de l'architecture institutionnelle de la Nation.
Monsieur le Président du Congrès,
Comme chacun de nous le sait, la justice est la principale mission de souveraineté.
Gardienne des libertés, garante de l'Etat de droit, elle est inséparable de la notion même d'Etat. C’est à ce titre que le Pouvoir judiciaire dans notre pays assume, avec responsabilité, son indépendance, condition sine qua non de sa crédibilité.
Ainsi, dans le but d'assurer une meilleure administration de la justice, plusieurs tribunaux sont érigés sur l'ensemble du territoire national.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature contribue à renforcer davantage le processus de moralisation du corps judiciaire.
Notre foi dans une société de justice a eu pour corollaire la sauvegarde et la promotion de tous les droits, de toutes les libertés publiques et individuelles, dans les limites des lois et règlements de la République.
Ainsi, depuis onze ans, au Congo : aucune prison n'a enregistré de détenu politique ; aucun journaliste n'a été condamné ni emprisonné ; aucune association à caractère politique, philosophique, culturel ou religieux, créée et exerçant ses activités conformément aux lois et règlements de la République, n'a été interdite.
Mesdames et Messieurs,
La paix conditionne la qualité de la vie et l'ensemble des activités économiques et sociales. Le rôle primordial de l'Etat est de la maintenir, de la garantir. L'Etat congolais, je le dis avec assurance, s'est acquitté et s'acquitte correctement de cette responsabilité grâce à l'efficacité de nos forces de défense et de sécurité.
Ce n'est pas, tant s'en faut, une appréciation complaisante. Le Congo, on ne le dit pas assez, est, aujourd'hui, en Afrique, un des pays les plus sûrs au plan sécuritaire. La palme en revient naturellement aux forces armées congolaises, à la police et à la gendarmerie nationales qui méritent l'hommage et la reconnaissance de la Nation.
C'est dans ce contexte que le Congo en reconstruction a relancé le processus démocratique, garantissant au peuple souverain la plénitude de ses moyens dans le libre choix de ses gouvernants. Ces six dernières années, le gouvernement a procédé à l'organisation : d'un scrutin présidentiel ; de deux élections législatives; de deux élections locales; et de trois consultations sénatoriales.
Mais cette action du gouvernement n'a été rendue possible que par ce que l'Etat, la puissance publique, anéanti par la guerre civile, a été réhabilité dans ses responsabilités fondamentales.
En octobre 1997, l’Etat avait cessé d'exister : plus d’administration ; plus d'écoles ; plus d'hôpitaux, plus d'électricité, plus d’eau, plus de banques, bref ; plus rien. Chacun de nous en est témoin. Il fallait donc reconstruire l'Etat au plus
vite, le reconstruire prioritairement, parce que lui seul est le régulateur de l'ensemble des pouvoirs et des Institutions. Parce que c'est lui qui fixe, au mieux des intérêts de tous, les règles de la vie en commun.
Aujourd'hui, on peut dire que l'Etat est rétabli dans son existence et dans sa permanence. Mieux, il se transforme et se dynamise notamment avec la politique de décentralisation que le gouvernement a mise en œuvre depuis quelques années.
La décentralisation est l'une des plus grandes réformes du septennat. Nous sommes convaincus qu'elle apportera à notre pays et aux collectivités locales des changements positifs considérables.
Nous reconnaissons cependant que l'arsenal législatif et réglementaire du processus de décentralisation qui demande à être renforcé par d'autres textes, doit aussi être accompagné par le transfert effectif des compétences et autres moyens dans les domaines de la santé et de l'enseignement publics, du commerce, de l'artisanat, des affaires sociales, de la protection civile, des travaux publics, etc. En la matière, il s'agit à terme, de faire du département et de la commune les véritables socles sur lesquels l'administration centrale doit s'appuyer pour promouvoir le développement socioéconomique du pays.
Mesdames et Messieurs,
La Force Publique, cet autre attribut essentiel de la souveraineté; est aussi au centre du vaste chantier de la reconstruction nationale. Afin de renforcer ses capacités opérationnelles, j'ai promulgué cinq ordonnances qui portent sur :
- l'organisation générale de la défense nationale ;
- l'organisation et le fonctionnement des Forces Armées
Congolaises ;
- l'organisation et le fonctionnement de la Gendarmerie nationale ;
- l'organisation militaire du territoire ;
- le statut général des militaires et gendarmes.
En matière de sécurité et de maintien de l'ordre, des actions conséquentes ont été engagées dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de formation des cadres et agents de police ; de la réorganisation des services de police ; du lancement du processus d'identification des citoyens ; de la construction et de la réhabilitation des infrastructures.
Voilà, Mesdames et Messieurs,
L’édifice politique, institutionnel et de souveraineté tel que nous l'avons reconstruit ensemble en dix ans, patiemment, sereinement. Il y a encore à faire, sans aucun doute. L'enseignement principal que l'on doit ici tirer est qu'il n'y a que dans une nation de paix, de stabilité et de liberté où s'édifient l'Etat de droit et la démocratie, que le peuple a véritablement rendez-vous avec le développement et le bien-être.
Le deuxième palier,
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, c'est l'économie.
Déstructurée par des troubles socio-politiques récurrents, l'économie congolaise connaît depuis quelques années un regain d'activités qui autorise de réels espoirs. Les efforts du gouvernement sont, pour l'essentiel, orientés vers la stabilisation et la croissance de notre économie que nous voulons durables.
Notre satisfaction est que, dans l'ensemble, les voyants sont au vert.
Le taux de croissance réel moyen du produit intérieur brut prévu cette année est de l'ordre de 9%, contre 3,7%en 1998.
La reprise des relations avec nos partenaires au développement a eu pour résultat la conclusion, en décembre 2004, du Programme économique et financier de trois ans avec le Fonds Monétaire international et la Banque mondiale, appuyé par les ressources de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance (FRPC). La mise en oeuvre jugée satisfaisante de ce Programme a permis d'atteindre en mars 2006 le Point de Décision de l'initiative en faveur des
Pays Pauvres Très Endettés (PPTE).
Depuis, le cap est maintenu, dans la rigueur et l'exécution des réajustements nécessaires, avec pour objectif final : le Point d'Achèvement de l'initiative PPTE afin que le Congo puisse obtenir un retraitement favorable de sa dette extérieure.
De même, des accords bilatéraux ont été conclus avec les pays créanciers, membres du Club de Paris.
L'accord signé, en novembre dernier, avec les créanciers membres du Club de
Londres, prévoit l'annulation de 80% de la dette privée extérieure du Congo. Grâce aux efforts réalisés, tant au niveau des paiements que dans le cadre des négociations avec les bailleurs de fonds, l'encours de notre dette publique représente, cette année, 45%du produit intérieur brut, contre 367,8% en 1998.
Le Congo a signé en début de cette année avec l'Union Européenne, la stratégie de développement - pays comportant un programme indicatif national de plus de 60 milliards de francs CFA orientés vers les infrastructures de base et le développement sanitaire.
Des accords de partenariat ont été également conclus par notre pays avec la Banque Africaine de Développement pour la période 2008-2010, et avec la République Française pour la période 2008-2012.
La normalisation des rapports du Congo avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux est, en fait, la conséquence de la politique de redressement économique et du renforcement de la bonne gouvernance en vigueur depuis dix ans, ainsi qu'en témoignent les mesures ci-après :
- la mise en place de l'Agence Nationale d'investigation financière ;
- l'adoption par le gouvernement de son plan d'action de gestion des finances publiques ;
- le renforcement des mécanismes en vue d'assurer davantage de transparence dans la gestion des ressources pétrolières ;
- l'installation de la Cour des comptes et de Discipline Budgétaire ;
- la création d'un organisme national et d'un observatoire national de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude ;
- la restructuration et la modernisation du secteur bancaire ;
- l'élaboration en cours de la stratégie de restructuration du secteur des assurances.
Notre pays a aujourd'hui terminé l'élaboration de son Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, version finale. Confectionné selon des procédures largement participatives ayant associé toutes les forces vives de la Nation, ce document servira de référence pour les politiques économiques et financières du Congo, et de base programmatique de nos politiques de développement.
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Depuis dix ans, la production nationale de pétrole, notre principale ressource, se maintient à un niveau supérieur à 80 millions de barils par an. Pour cette année, l'estimation prévisionnelle est de l'ordre de 93 millions de barils. Cette tendance positive s'explique essentiellement par les effets d'une politique rationnelle de gestion de ce secteur.
Celle-ci est basée principalement sur:
- l’exigence d’exercer une prise en main conséquente du secteur pétrolier ;
- la promotion dynamique du domaine minier congolais ;
- la diversification des partenaires ;
- le renforcement des mécanismes de contrôle.
La traduction concrète de cette politique a fait bénéficier au pays d'importants acquis, notamment : la création, en avril 1998, de la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) ; la remise en service, en mars 2000, de la Congolaise de Raffinage (CORAF), après trois ans d'arrêt technique ; la privatisation en octobre 2001, du secteur aval pétrolier; la création de l'Agence de régulation de l'aval pétrolier; l'attribution de treize permis de recherche et huit permis d'exploitation.
Au plan de la recherche :
Longtemps limité au bassin côtier, l'activité pétrolière connaît ses débuts dans le bassin intérieur de la Cuvette où des travaux exploratoires sont réalisés par l'association SNPC- Pilatus sur le permis Ngoki, un des neuf blocs de ce bassin. De nouveaux champs offshore tels Azurite, Awapalakou, Ikalou-Ikalou et Lianzi font actuellement l'objet des travaux de développement.
Dans le domaine de l'exploitation, il y a la mise en production de nouveaux champs telMOHO-BILONDO. Le pétrole, comme chacun le sait, est d'un apport très significatif au budget de l'Etat. Cette réalité nous commande, aujourd'hui, de faire face à deux impératifs:
- d'abord, la nécessité de relever les grands défis de notre secteur pétrolier, tels : le développement de l'offshore profond, l'exploration du bassin de la Cuvette congolaise, l'extension et la modernisation de la CORAF, la valorisation du potentiel gazier, etc. ensuite, la prise en compte réelle de l'urgence de la survie économique du pays après l'épuisement du pétrole.
Dans cette perspective, tout est mis en œuvre pour assurer le développement et la promotion des secteurs hors pétrole de l'économie nationale.
L'Agriculture, en premier.
Bien que la situation alimentaire de notre pays, caractérisée par des déficits importants, demeure toujours préoccupante, le Gouvernement a jeté des bases solides en vue de redonner au secteur agricole sa place dans l'économie nationale. La réorganisation du secteur agricole a été amorcée avec le Programme de Redressement Economique et de Sécurité Alimentaire (PRESA), financé par l'Union Européenne.
Installé dans les zones touchées par les conflits sociaux de 1997 et 1998, ce programme a permis de relancer la production agricole et quelques élevages porcins, ovins, caprins et avicoles. D'autres programmes et projets soutenus par les organismes internationaux ont vu le jour. Il s'agit précisément :
- du Programme d'Urgence Agricole de 1999 à 2002 ;
- du Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire lancé en 2003 ;
- du Programme National pour la Sécurité Alimentaire ;
- du Programme de Développement Agricole pour la période 2004-2013 ;
- du Projet de Développement Rural (PRODER) ;
- du Projet de Développement Agricole et de Réhabilitation des Pistes Rurales.
Face à la flambée des prix constatée sur les produits de consommation courante en général et sur les denrées alimentaires en particulier, le
Gouvernement a initié un Programme d'Actions Agropastorales à moyen terme 2008-2009.
Enfin, suite à la problématique actuelle de la sécurité alimentaire, d'importantes mesures ont été prises, et portent sur l'exonération à l'importation de tous les intrants et matériels agricoles, la réduction ou la suppression de plusieurs taxes sur les produits de première nécessité.
Le domaine de la pêche et de l'aquaculture s'efforce, avec assurance, de sortir de son état embryonnaire pour apporter sa contribution au développement de l'économie nationale et à la lutte contre la dépendance alimentaire. Pour y parvenir, l'activité de ce secteur a été soutenue, entre autres, par le Programme pour les Moyens d'Existence Durable dans la Pêche (PMEDP), les projets communautaires et institutionnels, ainsi que le volet pêche du Projet de Développement Rural (PRODER).
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais rappeler à l'ensemble de notre peuple que le Congo demeure un pays à vocation agricole. L'agriculture reste la première de nos priorités. C'est notre planche d'indépendance et de liberté.
C'est pourquoi, au moment où la question de la sécurité alimentaire se pose à l'échelle du monde avec gravité, j'en appelle à toutes les forces vives de la nation afin qu'elles s'engagent résolument dans la bataille de l'agriculture, celle qui nous assurera l'autosuffisance alimentaire, et garantira notre liberté. Cette bataille vitale, nous devons, à tout prix, la gagner.
A la jeunesse, l’avenir du Congo, j'affirme que notre pays n'a de réel avenir que dans l'agriculture. Voilà qui m'amène à renouveler mon mot d'ordre d'hier : « une école, un champ », « une école, un jardin » afin qu'à compter d'aujourd'hui, les jeunes du Congo se familiarisent avec leur avenir et se l'approprient. Ce mot d'ordre remis, au goût de l'actualité doit entrer en application dès la rentrée prochaine.
En ce qui concerne le domaine forestier, le Congo s'est engagé dans une politique volontariste de gestion durable des ressources forestières et de développement de l'économie nationale, marquée notamment par :
- l'adoption et la mise en œuvre du nouveau Code forestier depuis 2000, et qui a pu intéresser trente deux (32) entreprises ;
- l'augmentation constante de la production industrielle du bois toutes filières confondues, d'un million trois cent mille mètres cubes en 1998 à un million huit cent mille mètres cubes en 2007.
L'aménagement des forêts constitue l'un des axes prioritaires de la gestion durable des ressources forestières et fauniques. Aujourd'hui, treize (13) Unités forestières d'aménagement (UFA) et dix sept (17) Unités forestières d'exploitation (UFE) qui couvrent respectivement plus de six millions (6.000.000) et plus de deux millions (2.000.000) d'hectares, sont concernées par l'élaboration ou la mise en œuvre des plans d'aménagement.
L'obtention, par certaines sociétés forestières, de la certification des bois, indice de gestion durable et rationnelle, conforte le leadership de notre pays dans ce domaine en Afrique.
Dans le domaine de la conservation de la biodiversité, le Congo possède aujourd'hui un réseau d'aires protégées couvrant trois millions six cent cinquante mille hectares, soit 11,6%du territoire national, contre un million six cent quatre vingt mille hectares, soit 5,4% en 1998. Ce réseau compte actuellement trois parcs nationaux, six réserves de faunes, deux domaines de chasse, quatre sanctuaires à gorilles et chimpanzés.
Conscient du rôle que joue la forêt d'Afrique Centrale dans l'équilibre écologique de notre planète, le Congo s'implique, avec les autres pays de la sous-région, dans la gestion concertée de ce patrimoine commun. Pour faire face à ces enjeux de développement, deux dynamiques sont en cours, à savoir : la
Commission des Forêts d'Afrique Centrale et le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo.
Pour traduire l'engagement de notre pays dans la gestion transparente et responsable des ressources forestières, le Congo est aujourd'hui en négociation avec l'Union Européenne, en vue de signer un Accord de partenariat volontaire dans le cadre du processus d'application des Législations Forestières, de la Gouvernance et des Echanges Commerciaux. Cet Accord garantira ainsi l'accès au marché européen des bois congolais.
L'institution des structures spécialisées comme le Service de Contrôle des
Produits Forestiers à l'Exportation et le Service National des Inventaires et
Aménagement des Produits Forestiers et Fauniques vise un objectif à la fois écologique et économique : renforcer la capacité de notre pays dans la surveillance et la maîtrise des exploitations du bois, la connaissance des potentialités et la conservation de la biodiversité.
Mesdames et Messieurs,
Les mines solides, réputées secteur à haute intensité de main d'oeuvre et à forte valeur ajoutée, s'affirment comme un axe important dans le processus de diversification de l'économie nationale.
Ainsi, de nombreux projets miniers sont, actuellement, en cours de développement. Il s'agit :
- des gisements de fer de Zanaga-Bambama et Zanaga-Madzoumou dont l'exploitation sera l'oeuvre des promoteurs sud-africains et britanniques ;
- des gisements de fer des Monts Avima, dans la Sangha, et de Mayoko, dans le
Niari, auxquels sont intéressés des partenaires australiens ;
- de la reprise imminente de l'exploitation des gisements de polymétaux (cuivre, plomb, zinc, etc.) de Mfouati et Boko-Songho, dans la Bouenza, grâce aux investissements de la filiale congolaise d'une société américaine ;
- de la relance prochaine de l'exploitation des polymétaux des environs de Mindouli et Mpassa, dans le Pool, par une société chinoise ;
- du grand projet de production de la potasse et de magnésium, dans le Kouilou, prévu pour être lancé cette année par la société MagnésiumAlloy.
Après la réintégration de notre pays dans le schéma de certification du processus de Kimberley pour le commerce des diamants bruts, l'heure est à l'organisation de la filière de production artisanale de diamants bruts. Sont principalement visées : les zones censées avoir un fort potentiel diamantifère dans la Likouala, la Cuvette-Ouest, le Niari et la Lékoumou.
Détruit, lui aussi, par les conflits armés de la fin des années 1990, le secteur industriel hors pétrole se place désormais sous la bannière de la relance. Cette dynamique est soutenue par : un nouveau cadre juridique et institutionnel ; des mesures spécifiques incitatives à l'investissement privé, à la promotion des projets intégrateurs et pourvoyeurs d'emplois.
Depuis 2002, l'on note, de ce fait, un regain d'activités industrielles. Celui-ci est marqué à la fois par l'extension de quelques industries ayant survécu aux destructions et par la création de nouvelles unités.
Les investissements ainsi réalisés se chiffrent à environ 132 milliards de
Francs CFA. Les domaines qui retiennent particulièrement l'attention sont :
- la filière eaux minérales dont le volume de production a augmenté de 77%entre 2002 et 2006 du fait de l'activité de trois opérateurs ;
- la filière farine ;
- la filière sucre dont la production de cette année avoisinera 70 mille tonnes contre 55 mille tonnes en 2002, pour un investissement global de 12,5 milliards de Francs CFA ; la filière boissons dont le niveau d'investissement s'évalue à environ 48 milliards de Francs CFA entre
2002 et 2007 ;
- la filière ciment avec la réhabilitation de la cimenterie de Loutété d'une capacité de 220 mille tonnes par an, et la construction d'une deuxième cimenterie à Madingou, d'une capacité de 500 mille tonnes par an, extensible à 800 mille tonnes ; enfin, la filière des produits laitiers, celle des produits métallurgiques, métalliques et mécaniques, de même que l'industrie de transformation du bois concourent, toutes, à la dynamique de restauration du tissu industriel national.
Il est à noter qu'au cours de la période sous revue, le montant des investissements consentis par les acteurs du secteur privé national hors pétrole et de l'artisanat s'élève à plus de mille milliards de Francs CFA. Le nombre des déclarations de création d'entreprises dépasse quinze mille (15.000), dont 97% dans les domaines du commerce général et des services.
A propos du commerce et des affaires, le gouvernement s'est attelé, durant les dix dernières années :
- à assainir leur environnement grâce à des dispositions légales et réglementaires conséquentes ; à améliorer l'urbanisme commercial ; à participer aux négociations commerciales régionales et internationales, notamment : l'Accord de Partenariat Economique entre l'Afrique Centrale et l'Union Européenne ; le Programme de DOHA (Organisation Mondiale du Commerce) ; l'AGOA, loi américaine sur la croissance et les opportunités d'affaires en Afrique (notre pays y a été élu) ; récemment le gouvernement a pris des mesures de lutte contre la flambée des prix des produits de consommation courante.
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Chers Compatriotes,
C'est dans cet environnement économique favorable, dans cet environnement de paix et de sécurité que se mène, sans relâche, l'ambitieuse entreprise de modernisation et de reconstruction physique du pays.
Intégrant ou non le programme dit de municipalisation accélérée, lancé en 2004, les grands travaux portant sur les infrastructures de base modifient notablement le Congo.
Dans le secteur routier, le traitement régulier du réseau routier national, long de
17.300 km, a donné lieu, en dix ans, aux travaux d'aménagement et de bitumage de mille vingt-sept (1027) Kilomètres de routes ; de réouverture, de réhabilitation ou d'entretien de 6.496 Kilomètres de routes.
Actuellement, l'action du Gouvernement est portée sur la poursuite de la réalisation des ouvrages ci-après :
- route Obouya - Boundji - Okoyo - Lekety - Frontière Gabon;
- tronçon Owando-Makoua-Mambili ;
- voiries urbaines de Brazzaville voiries urbaines de Nkayi ;
- route Ngo-Djambala-Lékana ;
- route Brazzaville-Kinkala-Gambari ;
- enfin, la route lourde Pointe-Noire - Brazzaville. Les travaux d'aménagement et de bitumage qui s'exécutent déjà entre Pointe-Noire et Dolisie nous révèlent que la réalisation de cette doublure du CFCO est une véritable bataille contre la nature, une oeuvre titanesque. Par exemple : la traversée de la mythique forêt du Mayombe nécessite des terrassements et des remblais de 50 mètres.
Le même effort de désenclavement physique du pays se poursuit à travers la construction et la réhabilitation des ports et aéroports. Ainsi, l'aéroport d'Ollombo, le nouveau visage qu'offrent les aéroports de Pointe-Noire, de Dolisie, d'Owando et d'Impfondo font partie des acquis de ce processus, il est de même de la construction en cours de la deuxième piste, de la nouvelle aérogare de l'aéroport international de Maya-Maya.
Le double défi de l'accès à l'eau potable et à l'énergie électrique demeure entier.
Le Gouvernement s'en préoccupe. Des solutions durables sont en train d'être mises en œuvre. Dans le secteur de l'eau, après le renforcement du système d'approvisionnement en eau potable à Pointe-Noire, dans les quartiers périphériques de Brazzaville, ainsi que dans d'autres localités de l'arrière pays, l'effort du Gouvernement est actuellement orienté vers l'exécution des projets ci-après :
- la réhabilitation à Brazzaville de l'usine d'eau potable de Djiri et la construction d'une deuxième usine sur le même site ;
- l'amélioration de la production d'eau potable à Brazzaville par la pose des
pota bloc ;
- la poursuite de la construction des systèmes d'approvisionnement en eau potable des chefs-lieux des districts du département du Niari.
Dans le secteur de l'énergie, après la révision de la centrale hydroélectrique de Moukoukoulou d'une capacité de 74 mégawatts ; après la réhabilitation des systèmes d'alimentation électrique de nombreux chefs lieux de départements et de districts, le Gouvernement s'emploie à finaliser les ouvrages ci-après :
- la construction de la centrale hydroélectrique d'Imboulou de 120 mégawatts ;
- la construction des lignes électriques à haute tension, attenantes à la centrale hydroélectrique d'Imboulou, notamment Imboulou-Ngo ; Ngo-Brazzaville ; Ngo-Gamboma-Oyo-Owando ; Ngo-Djambala ; Obouya- Boundji-Ewo ;
- la construction de la centrale électrique à gaz de 300 à 450 mégawatts à Pointe-Noire ;
- la réhabilitation du réseau de transport d'énergie électrique à haute tension entre Brazzaville et: Pointe-Noire ;
- la réhabilitation des postes de transformation à haute tension de : Tsiélampo, Mindouli, Mongo-Kamba et Ngoyo ;
- le doublement de la capacité de la centrale à gaz de Djeno de 25 à 50 mégawatts et la fiabilisation de l'alimentation en gaz de cette centrale ;
- la réhabilitation de la centrale hydroélectrique du Djoué.
Par ailleurs, de nouveaux édifices publics contribuant à l'amélioration du cadre de travail de nos agglomérations urbaines ont été construits.
Dans cette optique, ont été érigés à Brazzaville : la Maison de la radio et de la télévision, le siège du ministère des Affaires étrangères, le siège du Conseil économique et social, le siège de la Société nationale des pétroles du Congo et, dans les tout prochains jours, celui de la Cour constitutionnelle.
En dehors de la nécessité d'assurer le développement, des communications physiques et d'œuvrer à la réalisation du boulevard énergétique, la modernisation du Congo suppose aussi d'autres exigences, parmi lesquelles : la relance de toute la chaîne des transports dans le cadre d'une cohérence intermodale permettant à l'ensemble du système des transports d'assumer ses missions. Le Plan National des Transports a été conçu à cet effet. II guide l'ensemble des activités liées aux transports terrestre, aérien, fluvial et ferroviaire ; il y a également le désenclavement du pays en matière de télécommunications.
A ce propos, outre l'expansion remarquable de la téléphonie mobile en ces dix dernières années, deux grands projets d'avant-garde se mettent progressivement en place. Ce sont : le projet de couverture nationale en télécommunications, fruit du partenariat stratégique conclu avec la République Populaire de Chine ; le projet fibre optique. Ici, l'ambition maintes fois affirmée est de gagner, à tout prix, le pari de l'accès du Congo à la société de l'information, à travers le développement et la promotion des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication.
Avant de passer au troisième palier,
Celui concernant le social et l'éducation, je voudrais dire, en toute responsabilité, que notre détermination à transformer le Congo, à changer le Congo ne souffrira jamais ni de défaillance ni de distraction. Les réalisations déjà entreprises aux plans des infrastructures de base et de l'aménagement urbain, que chacun peut voir à travers le pays, sont pour nous des motifs d'encouragement: Pointe-Noire a indubitablement changé ; Dolisie s'est métamorphosée ; Impfondo et Owando ne sont plus ces gros villages de jadis. Demain, Brazzaville, bénéficiaire de deux éditions de la municipalisation accélérée, sera simplement transfigurée.
Ce ne sont pas de simples mots, ce ne sont pas des discours, ce sont des actions concrètes portées par une volonté puissante et indéfectible. Volonté qui a entre autres pour socle, le Schéma National d'Aménagement du Territoire que le Gouvernement a adopté il y a deux ans, et qui fait l'objet d'une exploitation approfondie afin d'aboutir à la mise en valeur équilibrée de l'ensemble de notre espace national et de l'armature urbaine.
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs,
Chers Compatriotes,
L'impératif de la renaissance du Congo, mission et devoir de salut national qui nous engager tous, a pour finalité : l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens. C'est le défi social.
En vue de maintenir et de consolider la paix sociale, le gouvernement conclu, en juillet 2001, un pacte social avec l'ensemble des partenaires du monde du travail. Celui-ci rend obligatoire et nécessaire le dialogue social.
Depuis, aucun mouvement de quelque nature que ce soit, n'est venu perturber, outre mesure, tel ou tel secteur de l'activité nationale.
Je saisis donc la présente occasion pour saluer et féliciter tous les partenaires sociaux pour leur sens élevé de responsabilité.
Je les exhorte à préserver dans cette voie de la sagesse dont dépend le bien être de chacun et de tous.
Parlons à présent de notre système de santé pour dire qu'il sort, peu à peu, de l'état de délabrement dans lequel il a été plongé à la suite des conflits armés.
Les efforts engagés en direction de ce secteur concernent principalement:
- la réhabilitation du Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaville (CHUB), amorcée dans le cadre du Programme d'actions prioritaires 2007- 2009, d'un coût global de 20milliards de Francs CFA ;
- la rénovation et la construction, à Brazzaville, des hôpitaux périphériques de Talangaï, Makélékélé, Mpissa, Tsiémé, ainsi que l'hôpital des Armées Pierre MOBENGO et l'hôpital mère-enfant Blanche Gomez ;
- la réhabilitation, la modernisation et la construction des établissements sanitaires dans les villes de Pointe-Noire, Dolisie, Impfondo, Owando et Oyo ;
- l'exécution du programme élargi de vaccination ;
- la création d'une nouvelle centrale d'achat des médicaments.
Afin de mettre des soins de qualité à la disposition de tous, à moindre coût, une étude portant sur l'Assurance-maladie est en cours.
La lutte contre le paludisme et la pandémie du Sida a donné lieu à des mesures de gratuité de traitement pour les enfants de zéro à quinze ans et leurs mères, pour le cas du paludisme ; l'accès gratuit au dépistage et aux antirétroviraux, pour ce qui est du Sida.
La santé étant liée à la population, je voudrais ici dire que notre pays connaît aujourd'hui beaucoup mieux l'effectif de sa population grâce aux données fournies par le Recensement Général de la population et de l'habitation effectué avec l'appui du Fonds des Nations Unies pour les Activités en matière de
Population (FNUAP).
Au terme de cette vaste opération, la population du Congo se chiffre à trois millions six cent quatre vingt quinze mille cinq cent soixante dix neuf (3.695.579) habitants. Ce qui, par rapport à 1984, représente un taux de croissance conséquent de 2,92%.
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Chers Compatriotes,
L'école, notre école aura été, à l'instar des autres secteurs sociaux, l'une des grandes victimes du chaos qui a assombri le pays. Fort heureusement, depuis, notre système éducatif se remet, progressivement, de l'état de sinistre. Au nombre des signes qui caractérisent ce rétablissement certain, on peut mentionner :
- la fin définitive des perturbations du calendrier scolaire et académique ;
- l'acquisition de treize mille (13.000) tables-bancs, 500 mille manuels scolaires, etc.;
- la résolution progressive du lancinant problème du déficit des enseignants grâce aux importants recrutements opérés à la Fonction publique ;
- la construction de nouveaux établissements scolaires ;
- l'octroi des avantages particuliers, primes et indemnités supplémentaires aux personnels enseignants ;
- le traitement régulier des situations administratives du personnel ; de l'éducation ;
- la relance des activités d'alphabétisation des adultes et d'éducation de base non formelle dans 191 centres ouverts sur l'ensemble du territoire national.
Nous saisissons la présente occasion pour témoigner la reconnaissance de
la Nation à l'endroit de nos différents partenaires dont l'appui, au travers de divers projets et programmes, à la réhabilitation du système éducatif congolais reste déterminant. C'est le cas, par exemple, du Projet d'Appui à l'Education de Base (PRAEBASE).
Dans ce contexte, notre Université n'est pas restée en marge de la dynamique de la relance du système éducatif, comme l'attestent :
- la mise en place, dans plusieurs établissements universitaires, du système
Licence-Master-Doctorat recommandé par les Recteurs des universités de la sous-région C.E.M.A.C. ;
- l'installation du campus numérique ;
- le lancement, dans un avenir proche, des travaux de construction de la
Grande Bibliothèque Universitaire d'une capacité d'accueil estimée à plus de mille (1.000) lecteurs ;
- le lancement, à court terme, des études de faisabilité des pôles universitaires départementaux ; etc.
La formation qualifiante est un des grands défis de notre système éducatif. La majorité de nos jeunes arrive sur le marché du travail sans aptitudes professionnelles spécifiques, sans qualification. Si nous voulons développer l'activité nationale dans son ensemble, tous secteurs confondus, nous devons dispenser aux jeunes Congolaises et Congolais une formation réellement qualifiante. C'est l'une des conditions du développement. Aucun pays au monde ne s'est développé sans femmes et sans hommes qualifiés. Les pays émergents comme l'Inde en sont des exemples. La refondation de notre système éducatif doit prendre en compte cet impératif.
La politique nationale en matière de recherche scientifique et d'innovation technologique commence à porter des fruits. En effet, concernant la recherche en foresterie, les résultats obtenus placent actuellement le Congo dans le peloton de tête en matière d'amélioration génétique des espèces forestières tropicales et de plantations clonales d'eucalyptus hybrides.
De même, dans le domaine de la recherche biomédicale, des résultats très importants ont été enregistrés sur la résistance aux médicaments, la chloroquine notamment, du Plasmodium falciparum, parasite responsable du paludisme.
Au sujet des logements sociaux, il y a lieu de dire que les différents chantiers y relatifs avancent normalement. Les premiers logements disponibles sont sur le point d'accueillir leurs occupants.
Les dispositions, ainsi que j'avais déjà eu à le déclarer ici même, sont prises pour en faciliter l'accès aux couches de la population à revenu modeste.
La création de la Banque de l'Habitat et le lancement du Fonds National de l'Habitat permettront d'accompagner cet effort.
La réforme de notre système de sécurité sociale se poursuit en même temps que s'opère la restructuration du mode de gestion financière des Caisses de Retraite. D'ores et déjà, la mesure relative à la simplification des procédures d'admission à la retraite est entrée en vigueur cette année.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
La lutte contre le chômage, notamment celui des jeunes en quête du premier emploi, se mène avec détermination. Ici comme dans bien d'autres domaines, l'ampleur du mal est telle qu'il faut inscrire, dans la durée, les effets escomptés des actions qui sont entreprises actuellement. Néanmoins, les premiers résultats nous donnent ce qui suit :
- environ vingt mille (20.000) nouveaux agents ont intégré la Fonction publique, depuis 2005 ;
- plus de deux mille (2.000) nouveaux emplois ont été crées dans les différentes filières industrielles ;
- plus de dix mille (10.000) emplois ont été générés par la transformation industrielle du bois ;
- environ cinq mille (5.000) emplois sont offerts chaque année par l'exécution du programme de municipalisation accélérée et plusieurs autres par les grands travaux d'équipement de base, le cas du barrage hydroélectrique d'Imboulou avec ses 1600 emplois ;
- près de dix-sept mille (17.000) offres d'emploi ont été rendues disponibles par la relance du secteur privé, toutes branches d'activités confondues.
Les effets conjugués de la dévaluation du franc CFA, du blocage et de l'abattement des salaires des agents de l'Etat, intervenus, de façon cumulative, en 1994 et en 1995, ont fortement contribué à la dépréciation du panier de la ménagère.
Préoccupation majeure du Gouvernement, l'amélioration du pouvoir d'achat de nos concitoyens fait l'objet d'un traitement et d'une attention proportionnels au niveau atteint par la dynamique du redressement et de la relance de l'économie nationale.
Ainsi, grâce aux efforts consentis, grâce à l'embellie relative observée au niveau de la conjoncture économique nationale et des finances publiques, nous avons été amenés à prendre une série de mesures relatives au soutien du pouvoir d'achat.
Il s'est agi des mesures suivantes :
- la levée de l'abattement de l'ordre de 27,5% du salaire de base des fonctionnaires, en vigueur depuis 1995 ;
- le relèvement des minima sociaux et de l'âge légal d'admission à la retraite ;
- la suppression des taxes dans le secteur des transports ;
- la réduction ou la suppression des taxes à l'importation sur les produits de première nécessité, dont certaines denrées alimentaires et certains matériaux de construction;
- la suppression des frais scolaires au niveau de l'enseignement public ;
- la gratuité des manuels scolaires au niveau de l'enseignement de base ;
- le paiement, chaque année, des arriérés des salaires dus aux agents de l'Etat ;
- l'octroi des primes particulières aux personnels de la santé ;
- le paiement des bourses des étudiants ;
- la régularisation de la paie des pensions de retraite.
Au total, pour la seule année 2008, le salaire du fonctionnaire a connu une amélioration de l'ordre de 17,5%, après une progression de 5% l'an respectivement en 2006 et 2007.
Mesdames et Messieurs,
La culture, expression du Moi individuel et collectif, fait partie des chantiers de la renaissance nationale : nous avons le devoir de la promouvoir en l'apportant au cœur de la Cité !
C'est ainsi que, dans le cadre de la décentralisation, il est envisagé l'ouverture des musées d'Arts et d'Histoire ; l'érection d'œuvres monumentales dénommées «monuments du septennat»; la construction entre autres du Palais de la Culture, projet inscrit au titre des travaux de la municipalisation accélérée de Brazzaville.
Le projet de loi portant orientation de la politique culturelle que vous examinerez en temps opportun, consacre 0,1 % du budget de l'Etat à la promotion culturelle et artistique.
Je voudrais à nouveau souligner que, le Festival Panafricain de Musique, ce grand rendez-vous de la musique africaine et de la diaspora dont la septième édition a lieu en 2009, offre à notre pays l'occasion d'exercer sa communication et sa diplomatie par la magie de la culture et des arts. A la Jeunesse africaine, il crée l'opportunité de renforcer l'unité du continent.
En raison de cette double fonction, j'ai instruit le Gouvernement de tout mettre en œuvre afin que, désormais, l'organisation de ce grand événement culturel soit à la hauteur des attentes.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Facteur de l'épanouissement individuel, catalyseur de l'unité nationale, le sport occupe une place de choix dans l'action gouvernementale et dans les cœurs de nos concitoyens. Au cours de la décennie finissante, l'une des priorités du Gouvernement concernant ce secteur aura été la modernisation des infrastructures sportives notamment à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et
Owando.
Parallèlement à cet effort de restauration des installations sportives, nos athlètes ont, autant que faire se peut, porté haut le flambeau de la Nation à l'occasion des différentes manifestations sportives au double niveau africain et mondial.
Le sacre, l'année dernière, au championnat d'Afrique de football junior de notre équipe nationale, les Diables rouges juniors, est à mettre au crédit de la politique du renouveau sportif engagé ces dix dernières années.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
L'une des responsabilités principales de souveraineté de l'Etat, je l'ai dit plus haut, ce sont les relations extérieures. Les Congolais doivent être fiers de leur diplomatie.
Elle mérite un hommage particulier parce que grâce à son action efficiente, elle a œuvré avec succès à ramener le Congo dans le concert des Nations où sa voix est entendue.
Sur la base de la confiance et du crédit qui lui sont faits, notre pays a assumé:
- de 2001 à 2007, la présidence de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (C.E.E.A.C) ;
- la présidence pendant deux années consécutives de la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale (C.E.M.A.C) ;
- la présidence de l'Union Africaine de 2006-2007.
Sur cette même base, il a été élu :
- membre du Comité pour la mise en oeuvre du Nouveau partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) ; membre à part entière de la Conférence
Internationale sur la Paix, la Sécurité et le Développement dans la Région des
Grands Lacs ; membre non permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies de janvier 2006 à janvier 2008.
Notre engagement au sein de l'Union africaine a valu à notre pays, en février 2005, l'organisation du sommet sur les forêts du Bassin du Congo.
Le «Pacte de Non Agression» adopté par l'Union africaine en juillet 2004 a été initié et proposé par le Congo.
Dans le cadre de l'implication positive de la diplomatie congolaise pour le traitement des questions d'intérêts sous-régional et régional, le Congo prend et a pris une part active dans le règlement des conflits, notamment :
- au Darfour où notre compatriote, Rodolphe ADADA est Représentant Spécial à la fois du Secrétaire Général de l'ONU et du Président de la Commission de l'Union Africaine ;
- à Sao Tomé et Principe, le Congo a été le chef de file dans le règlement de la crise de ce pays ;
- en Côte d'ivoire, en tant que médiateur et co-président du Groupe de Travail International (G.T.I.) ;
- en République Centrafricaine, le Congo a mis à la disposition de la Force Multinationale de la CEMAC (FOMUC) des contingents militaires pour participer au maintien de la paix dans ce pays frère.
Je voudrais enfin mentionner qu'au plan bilatéral, le Congo a élargi sa carte diplomatique par l'établissement des relations diplomatiques et l'ouverture des ambassades.
S'agissant des relations diplomatiques, les Accords ont été signés avec les pays ci-après :
- en Afrique, le Botswana et le Kenya ;
- en Europe, l'Ukraine, la Turquie, l'Irlande, la Lituanie, la Croatie et la Slovénie ;
- en Amérique, la Colombie, le Vénézuela, le Paraguay, et le Costa Rica.
L'ouverture de nouvelles ambassades par le Congo concerne les pays suivants :
- en Afrique: le Maroc, la Libye, le Nigeria, le Tchad et, très, récemment, en Guinée Equatoriale ;
- en Amérique, le Brésil.
Monsieur le Président du Congrès,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Chers Compatriotes,
Voilà l'état général de notre pays tel que façonné par le peuple Congolais, à l'aune de la Nouvelle espérance, notre projet de société.
Il va sans dire que beaucoup reste à faire. Nous le savons. Nous le savons parce que, en dépit de notre volonté et de notre détermination, en dépit de nos légitimes attentes et impatiences, il ne nous est pas possible de tout faire en une fois. Le développement est une entreprise de longue haleine, un processus qui nécessite du temps, de la durée.
Inscrivons-nous donc dans la durée pour permettre au Congo de poursuivre sereinement sa marche vers son essor et sa prospérité. Ainsi, en ce temps où nous commémorons l'indépendance nationale, nous prendrons une part plus grande encore à l'avenir et au destin de notre pays.
Maintenant que les premiers jalons du développement sont posés, que les premiers obstacles sont levés, que les règles de l'action sont fixées, que les perspectives sont ouvertes, élevons-nous au-dessus de nos divisions afin que dans l'unité et le travail, nous conduisions notre cher beau pays vers les hautes cimes du progrès et de la grandeur.
Bonne fête de l'indépendance à tous.
Vive le Congo !
Vive la République !
samedi 12 juillet 2008
CONGRESSIONAL RESEARCH SERVICE
CRS Report for Congress
Received through the CRS Web
Order Code RL32773
The Global Peace Operations Initiative:
Background and Issues for Congress
Updated June 25, 2005
Nina M. Serafino
Specialist in International Security Affairs
Foreign Affairs, Defense, and Trade Divison
The Global Peace Operations Initiative: Background
and Issues for Congress
Summary
The Administration developed the Global Peace Operations Initiative (GPOI)
as a multilateral, five-year program with U.S. contributions of some $660 million
from FY2005 through FY2009. Its primary purpose is to train and equip 75,000
military troops, a majority of them African, for peacekeeping operations by 2010.
GPOI is supporting an Italian training center for gendarme (constabulary police)
forces in Vicenza, Italy, scheduled to open in the fall of 2005. GPOI will also
promote the development of an international transportation and logistics support
system for peacekeepers, and is encouraging an information exchange to improve
international coordination of peace operations training and exercises in Africa. In
June 2004, G8 leaders pledged to support the goals of the initiative.
GPOI incorporates previous capabilities-building programs. From FY1997-
FY2005, the United States spent just over $121 million on GPOI’s predecessor
program that was funded through the State Department Peacekeeping (PKO) account
(the Clinton Administration’s African Crisis Response Initiative , i.e., ACRI and its
successor, the Bush Administrations’s African Crisis Operations Training i.e.,
ACOTA). Through ACRI/ACOTA, the United States trained some 16,000 troops
(and is currently training another 1,000) from nine African nations - Benin,
Botswana, Ethiopia, Ghana, Kenya, Malawi, Mali, Mozambique and Senegal.
Another $33 million was provided from FY1998-FY2005 to support classroom
training of 31 foreign militaries through the Foreign Military Financing account’s
Enhanced International Peacekeeping Capabilities program (EIPC).
In its last days, the 108th Congress appropriated just over $100 million in
FY2005 funding the GPOI programs. The bulk of this funding was contained in
Section 117 of Division J (“Other Matters”) of the Consolidated Appropriations Act
for FY2005 (H.R. 4818/P.L. 108-447). This section provided authority,
notwithstanding any other provision of law except the Leahy Amendment, for the
transfer of up to $80 million from the Department of Defense budget to the State
Department PKO account. Division D of the bill (Foreign Operations appropriations)
contained almost $22 million more in the ACOTA and EIPC accounts that are now
subsumed under GPOI.
For FY2006, the Bush Administration is requesting $114 million in State
Department PKO funds for GPOI. Over the next year, the Administration is expected
to expand the geographical scope of GPOI. The State Department and DOD are
consulting to select new participants. Training for South African troops, which had
already been decided upon, is expected to begin later in 2005
Three possible issues for the 109th Congress are: (1) Is the current level of GPOI
funding appropriate; (2) Will the Administration’s choice of FY2006 recipient
countries reflect Congressional perceptions of U.S. foreign policy interests; and (3)
Can the State Department exercise sufficient control and oversight of private
contractors? This report will be updated as events warrant.
Contents
Background . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
GPOI Purposes and Activities . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Foreign Response and Contributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Action in the 108th Congress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Issues for the 109th Congress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Is the Current Level of GPOI Funding Appropriate? . . . . . . . . . . . . . . . 7
Will the Administration’s Choice of FY2006 Recipient Countries
Reflect Congressional Perceptions of U.S. Foreign Policy
Interests? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Can the State Department Exercise Sufficient Control and
Oversight of Private Contractors? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Action in the 109th Congress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Authorization . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Appropriations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1 The term “peacekeeping” is used generically here. It covers the range of activities referred
to elsewhere as peace operations and stability (or stabilization) operations.
2 The State Department’s Peacekeeping Operations account (i.e., PKO, also known as the
“voluntary” peacekeeping account) funds U.S. contributions to peacekeeping efforts other
than assessed contributions to U.N. peacekeeping operations. U.N. assessed contributions
are funded through the State Department’s Contributions to International Peacekeeping
Account (CIPA).
The Global Peace Operations Initiative:
Background and Issues for Congress
President Bush’s FY2006 budget request of February 8, 2005, seeks $114.4
million for the second year of the Global Peace Operations Initiative (GPOI). The
Administration launched the five-year (FY2005-FY2009) $660 million initiative in
mid-2004 as a means to alleviate the perceived shortage worldwide of trained
peacekeepers and “gendarmes” (police with military skills, a.k.a. constabulary
police), as well as to increase available resources to transport and sustain them.
While the United States has provided considerable support to implement several
peace processes and to support peacekeepers in the field from a variety of budget
accounts for well over a decade, it has provided relatively little funding to build up
foreign military capabilities to perform peacekeeping operations.1
The United States has previously provided peacekeeping capacity-building
assistance to foreign militaries primarily under two programs, the African
Contingency Operations Training and Assistance program (ACOTA) and its
predecessor program, and the Enhanced International Peacekeeping Capabilities
program (EIPC). Both ACOTA and EPIC have been subsumed under the GPOI
budget line.
The GPOI budget is (as ACOTA was) part of the Foreign Operations
Appropriations Peacekeeping (PKO) account, also known as the “voluntary”
Peacekeeping account, under the Military Assistance rubric. The PKO account
funds activities carried out under Section 551 of the Foreign Assistance Act of 1961,
as amended (FAA).2 Section 551 authorizes the President to provide assistance for
peacekeeping operations and other programs to further U.S. national security interests
“on such terms and conditions as he may determine.” (This provides some flexibility
to the President, but is not tantamount to the discretion that he can exercise when
funding is provided “notwithstanding any other provision of law.”)
CRS-2
3 Ugandan troops were trained briefly under ACRI. That training was halted because of
Ugandan involvement in the conflict in the Democratic Republic of Congo.
4 This includes communications packages, uniforms, boots, generators, mine detectors,
Global Positioning Systems (GPS), and medical and water purification equipment.
5 Information from a State Department official and Col. Russell J. Handy, USAF, Africa
Contingency Operations Training Assistance: Developing Training Partnerships for the
Future of Africa. Air and Space Power Journal, Fall 2003, as posted online at
[http://www.airpower.maxwell.af.mil/airchronicles/apj/apj03/fal03/handy.html].
6 Current training packages include Command and Staff Operations Skills, Command Post
Exercises (i.e., exercises, often computer-bases, of headquarters commanders and staff) and
Peace Support Operations Soldier Skills field training, according to a State Department fact
sheet.
7 MPRI and Northrup Grummon Information Technology (NGIT) are both qualified to bid
for State Department contracts. According to a State Department official, many of the
trainers provided by the private contractors are military retirees or reservists.
Background
Since 1996, the United States has provided field and staff training to develop
military capabilities for peacekeeping through the African Crisis Response Initiative
(ACRI) and its successor program, ACOTA. Under ACRI/ACOTA, the United
States has trained some 16,000 troops and is currently training another 1,000 from
nine African nations — Benin, Botswana, Ethiopia, Ghana, Kenya, Malawi, Mali,
Mozambique, and Senegal.3 (The number of those trained include a limited number
of gendarmes who received the same training as the others.) Training for South
African troops is expected to begin later in 2005. Both programs have also provided
non-lethal equipment.4 ACRI provided training in traditional peacekeeping skills
where there is an existing cease-fire or peace accord. The more muscular ACOTA,
initiated in 2002, has also provided training in the skills needed for African troops
to perform peacekeeping tasks in more hostile environments, including force
protection, light-infantry operations and small-unit tactics.5 ACOTA also put greater
emphasis on the “train the trainer” aspect.6 Initially, under ACRI, U.S. soldiers
provided field training and oversaw classroom training provided by private
contractors.7 Because of the demand for U.S. soldiers in Iraq and Afghanistan,
private contractors also began to conduct field training.
Funding for ACRI, which like ACOTA was provided under the State
Department’s Peacekeeping Operations (PKO) account, totaled $83.6 million during
its six fiscal years (FY1997 - FY2002). (Additional support for ACRI was provided
through the Foreign Military Financing program.) ACOTA was funded at $8 million
in FY2003, $15 million in FY2004, and $14.88 million for FY2005.
Other support for classroom training of foreign militaries is provided through
the EIPC, a “train the trainer” program which began in FY1998. EIPC provides
assistance to selected countries — some 31 to date — by designing and implementing
a comprehensive, country-specific peacekeeping and humanitarian assistance training
and education program to enhance a nation’s institutional structure to train and
deploy peacekeepers. EIPC funding, which is provided under the Foreign Military
CRS-3
8 For more information on this topic, see CRS Report RS22031, Peacekeeping and Post-
Conflict Capabilities: The State Department’s Office for Reconstruction and Stabilization.
9 The United States European Command (EUCOM) held two previous “clearinghouse”
meetings in May and December 2004.
Financing Program, has totaled about $33.3 million, including an estimated $1.79
million in spending in FY2005.
GPOI Purposes and Activities
In his September 21, 2004 address to the opening meeting of the 59th session of
the U.N. General Assembly, President Bush asserted that the world “must create
permanent capabilities to respond to future crises.” In particular, he pointed to a need
for “more effective means to stabilize regions in turmoil, and to halt religious
violence and ethnic cleansing.” A similar rationale prompted the Clinton
Administration to formulate the ACRI training program in 1996 and underlies the
current search for new strategies and mechanisms to prevent and control conflicts.8
To accomplish these ends, GPOI, has three major goals:
! Train some 75,000 troops worldwide, with an emphasis on Africa,
in peacekeeping skills by 2010. (The number is the total to be
trained by all participating countries, according to a State
Department official.) The State Department is working with DOD
to extend the training to nations from Asia, Europe, and Latin
America.
! Support Italy in establishing a center to train international gendarme
(constabulary) forces to participate in peacekeeping operations (see
section below); and
! Foster an international deployment and logistics support system to
transport peacekeepers to the field and maintain them there.
Through GPOI, the State Department also is promoting the exchange of information
among donors on peace operations training and exercises in Africa. This is to be
accomplished through donors meetings which will serve as a “clearinghouse” to
facilitate coordination. The first of these State Department meetings was held in
Washington, D.C. on October 7-8, 2004.9
For many analysts, continued efforts to improve the peacekeeping skills of
African and other military forces is an important step towards controlling the
continent’s devastating conflicts. In the mid-1990s, several developed nations
provided most of the peacekeepers. The perception that developed nations would not
be able to sustain the burden indefinitely, as well as the perception that the interests
of those nations in Africa were not sufficient to ensure needed troop commitments
there, led international capacity-building efforts to focus on Africa.
CRS-4
10 Gendarme/constabulary forces are trained in both military and policing skills, but are less
heavily armed than soldiers. According to the Clinton Administration’s Presidential
Decision Directive 71 (PDD-71), constabulary tasks include the regulation of peoples’
movements when necessary to ensure safety; interventions “to stop civil violence, such as
vigilante lynchings or other violent public crimes” and to “stop and deter widespread or
organized looting, vandalism, riots or other mob-type action;”and the dispersal of “unruly
or violent public demonstrations and civil disturbances.” (Text: The Clinton Administration
White Paper on Peace Operations, February 24, 2000, pp 9-10.) Constabulary forces often
can deploy more rapidly than other international civilian police because they usually deploy
as “formed units” (i.e., in previously formed working groups) instead of as individuals. They
also are often equipped with their own communication and logistical support. See CRS
(continued...)
Impetus for GPOI came from the Department of Defense (DOD), where officials
in the Office of Special Operations and Low-Intensity Conflict (SO/LIC) worked
with the State Department for over a year and a half to develop the proposal.
Officials in SO/LIC’s section on peacekeeping developed the plan as a means to
expand and improve the ACOTA program - with more and better exercises and more
equipment - as well as to extend the program beyond Africa to other parts of the
world. The availability of peacekeeping training may encourage more countries to
participate in peacekeeping operations, enable current donors to provide a greater
number of troops, and increase the number of countries which potentially could serve
as lead nations, according to some analysts.
As of the end of December 2004, almost 25,000 of the nearly 58,000 military
personnel who were participating in the current 17 U.N. peacekeeping operations
were from the 22 African troop-contributing nations. (African nations provided over
half of the military personnel — roughly 24,000 of 47,000 — in the seven U.N.
peacekeeping operations in Africa.) Africa’s military contribution to UN
peacekeeping at the end of 2004 was over double that at the end of 2000; five of the
top ten African contributors, who provided some 98% of the military contribution,
received training under the ACRI/ACOTA program. African contributions to the
U.N. international civilian police pool (CIVPOL) remained just about the same over
those four years: 1,213 in December 2004 (of a total of 6,765 from all nations)
compared to 1,088 in December 2000.
African militaries also participate in regional peacekeeping operations under the
auspices of the Economic Community of Western African States (ECOWAS) and the
African Union (AU). (The first ECOWAS peacekeeping mission was deployed to
Liberia in 1990. Subsequent missions were deployed to Liberia once again, Guinea
Bissau, Sierra Leone, and most recently the Côte d’Ivoire. The AU deployed its first
peacekeepers to Burundi in 2003 and Sudan in 2004. All missions but Sudan
eventually became U.N. operations.) Both organizations are trying to develop an
African stand-by peacekeeping force, comprised of contributions from five regional
organizations, by 2010. Under GPOI, the United States will work to enhance and
support the command structures and multilateral staff of ECOWAS and the AU.
In addition, attention has recently been focused on the need to develop more
“gendarme” capabilities, i.e., specialized units of police with military skills to handle
temporary hostile situations such as unruly crowds.10 Several countries have such
CRS-5
10 (...continued)
Report RL32321, Policing in Peacekeeping and Related Stability Operations: Problems and
Proposed Solutions. p 34.
11 G8 refers to the “Group of 8” major industrialized democracies: Canada, France,
Germany, Italy, Japan, Russia, the United Kingdom and the United States. G8 heads of state,
plus representatives from the European Union, meet at annual summits.
12 Text available at [http://www.g8usa.gov/d_061004c.htm].
13 Texts available at [http://www.g8.gc.ca/2002Kananaskis/kananaskis/afraction-en.pdf] and
[http://www.g8.gc.ca/AFRIQUE-01june-en.asp].
14 According to Carabinieri officials interviewed by the author, as of mid-November 2004,
some 1,300 carabinieri were deployed in missions to Iraq, Afghanistan, Eritrea, Albania,
and Palestine.
forces, i.e., the Italian carabinieri, the French gendarmerie, and the Spanish Guardia
Civil, among others, which in the United States are referred to as constabulary forces.
Foreign Response and Contributions
G8 leaders11 endorsed the GPOI goals (above) at their June 2004 summit
meeting at Sea Island, GA, adopting an “Action Plan on Expanding Global
Capability for Peace Support Operations.”12 (This was actually the third G8 Action
Plan concerning peacekeeping in Africa. In June 2002, the G8 Summit at
Kananaskis, Canada, adopted a broad Africa Action Plan that contained sections on
conflict resolution and peace-building efforts. The more specific Joint Africa /G8
Plan to Enhance African Capabilities to Undertake Peace Support Operations was
developed over the next year and presented at the June 2003 Summit at Evian-lesbaines,
France.13) As indicated by the GPOI “clearinghouse” concept, several G8
countries already have significant programs in Africa. In addition to the United
States, France and the United Kingdom (UK) conduct bilateral training programs
with African militaries. Germany and the UK provided the assistance necessary to
launch the regional Kofi Annan International Peacekeeping Training Center in
Ghana, which opened in 2004; the European Union and other countries, most
prominently Canada, Italy, France and the Netherlands, have also assisted the Center.
In his September 2004 speech to the United Nations, President Bush referred to
Italy as a joint sponsor of GPOI, because it co-sponsored with the United States the
Sea Island G8 peacekeeping action plan. Italy also had moved to establish a school
for training gendarme forces even before the United States Congress had provided
funding for U.S. support for the school. Italian carabinieri, which are widely viewed
as a leading model and have played a prominent role in providing constabulary forces
to peacekeeping and stabilization operations,14 have established the Center of
Excellence for Stability Police Units (COESPU) at Vicenza. Italy is providing not
only the facility, but also most of the staff for the “train the trainer” program, and
hopes to begin classes in the fall of 2005.
CRS-6
15 By coincidence, the section number for the “Leahy Amendment” in P.L. 108-447,
Division D, is 551, the same as the number of the FAA section that provides the presidential
authority governing the foreign operations PKO account.
Action in the 108th Congress
Although the initiative had long been in the works, President Bush approved
GPOI in April 2004, two months after the FY2005 budget request was submitted to
Congress in February. To fund the $100 million initiative, the Administration
proposed that 80% be taken from the DOD budget; the remaining 20% was the
ACOTA request in the State Department budget. The Armed Services committees
did not back GPOI; its strongest support seemed to come from Senate foreign affairs
authorizers and appropriators. The House version of the FY2005 DOD authorization
bill, H.R. 4200, as passed May 20, 2004, did not authorize GPOI funding, but Section
1213 requested a Presidential report on it. The accompanying House Armed Services
Committee report (H.Rept. 108-491) expressed concern that GPOI would divert
funds from U.S. troops.
The Senate initially took no action on, but then supported, GPOI funding. The
Senate Armed Services Committee version of the FY2005 DOD authorization bill,
S. 2400, contained no funding authorization. An amendment (S.Amdt. 3200),
submitted by Senator Inhofe, sought to authorize $100 million for GPOI, but was not
acted upon during floor action in June 2004. However, in September action on its
version of the FY2005 Foreign Operations Appropriations bill (S. 2812, S.Rept. 108-
346), the Senate provided authority for DOD to transfer funds to the State
Department PKO account. No amount or purpose was specified, although the
provision was intended for GPOI.
At the end of 2004, Congress provided GPOI funding in action on the
Consolidated Appropriations Act for FY2005 (H.R. 4818/P.L. 108-447). Section 117
of Division J (“Other Matters”) provided that “$80 million may be transferred with
the concurrence of the Secretary of Defense” to the Department of State
Peacekeeping Operations account. The authority is provided notwithstanding any
other provision of law, except section 55115 of Division D (the Foreign Operations
appropriations section of the bill), i.e., the “Leahy Amendment” which prohibits the
training of military units credibly accused of gross violations of human rights. (A
State Department official said that the “notwithstanding” language was requested to
provide an exemption from FAA Section 660, which limits U.S. assistance for the
training of foreign police.)
Division D of H.R. 4818/P.L. 108-447 contains the $20 million in State
Department PKO funding for ACOTA and the nearly $1.8 million in EPIC funding
that are now subsumed under GPOI,. This brings total GPOI fund to a little over
$100 million if the Secretary of Defense concurs with the transfer of the entire $80
million.
CRS-7
16 The Foreign Assistance Act of 1961, as amended, Section 660 provides that, with certain
exceptions, “none of the funds made available to carry out this Act, and none of the local
currencies generated under this Act, shall be used to provide training or advice, or provide
any financial support, for police, prisons, or other law enforcement forces for any foreign
government or any program of internal intelligence or surveillance on behalf of any foreign
government within the United States or abroad... .” None of the exceptions apply in this
case, according to the State Department official.
Issues for the 109th Congress
The Bush Administration’s request for $114.4 million for GPOI in its FY2006
foreign operations budget request raises three possible major issues for Congressional
consideration of this request. These are:
Is the Current Level of GPOI Funding Appropriate? The
Administration’s FY2006 request constitutes an increase of $18.2 million in the PKO
account funding. However, the request for the overall budget account of which PKO
is a part, i.e., Military Assistance, is $130.7 million less than FY2005 estimated
spending. (Military Assistance also contains Foreign Military Financing (FMF) and
International Military Education and Training (IMET) funds.) While there seems
widespread agreement that the increased participation of African and other militaries
in peacekeeping is desirable, some Members may question whether a significantly
increased U.S. contribution to train and equip them is essential, given European
assistance for these same purposes. Cuts in FMF and IMET may be of concern to
some members. Others may wish for greater funding, especially for gendarme
training, which may receive only a small part of GPOI funding.
Will the Administration’s Choice of FY2006 Recipient Countries
Reflect Congressional Perceptions of U.S. Foreign Policy Interests?
Given the expectation that several new countries will be selected for military training
in FY2006, some Members may desire to influence the choice of new participants.
Members may also wish at least to be apprised of the countries from which gendarme
units will be trained, in part by U.S. trainers, at the Italian gendarme center at
Vicenza, Italy. If GPOI is funded in FY2006 through the State Department PKO
account, as requested, its activities would be subject to all provisions of law, unlike
the FY2005 activities, which can be conducted “notwithstanding any other provision
of law” save the Leahy amendment human rights requirements.
Members may wish to consider whether new limitations, on the one hand, or
exceptions or waivers on the other, tailored for GPOI, may be warranted. The State
Department is expected to request some form of legislative mechanism to allow
funding for the Italian gendarme school, according to a State Department official, as
FAA Section 660 prohibits assistance to train or support police forces.16
Can the State Department Exercise Sufficient Control and
Oversight of Private Contractors? Because of the need for a large number of
U.S. soldiers to train Iraqi and Afghani national armies, private contractors are likely
to provide the bulk of military training to GPOI participants. Although private
contractors can offer advantages, such as specialized local knowledge, in training
CRS-8
situations, occasional problems have arisen with the use of military and police
contractors abroad. Members may wish to consider whether the State Department
can enforce appropriate professional standards and a code of conduct.
Action in the 109th Congress
Authorization
The Senate version of the State Department authorization bill for FY2006 and
FY2007 (S. 600, S.Rept. 109-35), as returned to the calendar April 26, 2005, would
authorize $114.4 million for FY2006 and such sums as may be necessary for FY2007
for GPOI. The House International Relations Committee version (H.R. 2601) was
marked up in early June but is not yet available.
Appropriations
The House FY2006 Foreign Operations appropriations bill, H.R. 3057, as
reported by the House Appropriations Committee on June 24, contains $96.4 million
for GPOI, according to a congressional source. (The amount was not specified in the
bill. The accompanying report, H.Rept. 109-152, was not available as of the date of
this update.)
dimanche 29 juin 2008
Ordonnances sur les SMP (législation suisse)
Ordonnance
sur l’engagement d’entreprises de sécurité privées
par la Confédération
(Ordonnance sur l’engagement d’entreprises de sécurité, OESS)
du 31 octobre 2007
Le Conseil fédéral suisse,
vu l’art. 182, al. 2, de la Constitution1,
arrête:
Section 1 Dispositions générales
Art. 1 Objet et champ d’application
1 La présente ordonnance fixe les conditions minimales applicables à l’engagement
d’entreprises de sécurité privées lorsque la loi autorise la Confédération à leur
confier des tâches de protection.
2 Elle s’applique à toute autorité fédérale (autorité) qui délègue l’exécution d’une
tâche de protection à une entreprise de sécurité privée en Suisse ou à l’étranger.
Art. 2 Définitions
On entend par:
a. entreprise de sécurité privée: une entreprise exerçant une activité dans le
domaine de la sécurité, telle que la surveillance de biens mobiliers ou immobiliers,
la protection de personnes ou le transport de sécurité de biens ou de
valeurs;
b. personnel de sécurité: le personnel d’une entreprise de sécurité privée qui
exécute la tâche de protection que l’autorité a déléguée à cette entreprise.
Art. 3 Base légale
L’autorité ne peut déléguer l’exécution d’une tâche de protection, y compris l’usage
de la contrainte et de mesures policières, à une entreprise de sécurité privée que s’il
existe une base légale suffisante.
RS 124
1 RS 101
Ordonnance sur l’engagement d’entreprises de sécurité RO 2007
5226
Art. 4 Législation sur les marchés publics
Lorsqu’une autorité délègue une tâche de protection à une entreprise de sécurité
privée, les art. 32 à 39 de l’ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés
publics2 s’appliquent.
Section 2 Exigences
Art. 5 Exigences concernant l’entreprise de sécurité privée
1 Avant de recourir aux services d’une entreprise de sécurité privée, l’autorité
s’assure que cette dernière remplit les exigences suivantes:
a. elle offre des garanties suffisantes concernant le recrutement, la formation et
la surveillance du personnel de sécurité;
b. sa réputation et son sérieux sont suffisamment attestés, notamment par la
mise en oeuvre d’un code de conduite, son expérience sur le terrain, des références
ou son affiliation à une association professionnelle;
c. elle est solvable;
d. elle dispose d’un mécanisme de contrôle interne adéquat, qui garantit que
son personnel respecte les normes de comportement qui sont de mise et est
sanctionné par des mesures disciplinaires en cas de manquement;
e. elle est autorisée à exercer une activité dans le domaine de la sécurité
conformément à la législation applicable;
f. elle a conclu une assurance responsabilité civile pour un montant correspondant
au risque encouru.
2 L’autorité consulte le préposé à la sécurité de son département.
3 Lorsque l’autorité recourt aux services d’une entreprise de sécurité privée pour
l’exécution d’une tâche de protection à l’étranger, la conclusion d’une assurance
responsabilité civile n’est pas obligatoire si elle entraîne des frais disproportionnés.
4 L’al. 1 ne s’applique pas lorsque la protection ou la garde d’ouvrages militaires est
assurée par des personnes engagées à cet effet par contrat conformément à l’art. 6,
al. 2, let. b, de l’ordonnance du 2 mai 1990 sur les ouvrages3.
Art. 6 Formation
1 L’autorité s’assure que le personnel de sécurité a reçu une formation adéquate
compte tenu de la nature du contrat et portant en particulier sur les points suivants:
a. comportement à adopter avec des personnes opposant de la résistance ou
ayant un comportement violent;
b. usage de la force physique;
2 RS 172.056.11
3 RS 510.518.1
Ordonnance sur l’engagement d’entreprises de sécurité RO 2007
5227
c. usage de moyens auxiliaires et d’armes lorsque la tâche de protection à exécuter
exige un tel équipement;
d. évaluation des atteintes à la santé résultant de l’utilisation de la force et premiers
secours;
e. droits fondamentaux, protection de la personnalité et droit de procédure;
f. lutte contre la corruption.
2 Elle tient compte notamment des standards de formation policière de l’Institut
suisse de police.
Art. 7 Situations particulières à l’étranger
1 L’autorité peut exceptionnellement recourir aux services d’une entreprise de sécurité
privée qui ne remplit pas complètement les exigences prévues à l’art. 6, lorsqu’aucune
entreprise de sécurité privée remplissant ces exigences n’est disponible
au lieu d’exécution du contrat et que la protection des bâtiments ou des personnes à
l’étranger ne peut être assurée autrement.
2 Elle s’efforce d’obtenir de l’entreprise de sécurité privée qu’elle remplisse les
exigences de l’art. 6 dans les meilleurs délais en prévoyant des mesures appropriées
dans le contrat.
3 La durée du contrat est de six mois au plus.
Art. 8 Contrainte et mesures policières
1 L’autorité règle dans le contrat:
a. si et dans quelle mesure la tâche de protection exige l’usage de la contrainte
et de mesures policières conformément à la loi;
b. les moyens auxiliaires et les armes dont peut faire usage le personnel de
sécurité;
c. les mesures policières dont peut faire usage le personnel de sécurité.
2 Lorsque la tâche de protection est exécutée à l’étranger, le personnel de sécurité
n’est pas habilité à faire usage de la contrainte et de mesures policières.
3 Par contrainte policière, on entend l’usage à l’encontre de personnes:
a. de la force physique;
b. de moyens auxiliaires, tels que les menottes et d’autres liens et les chiens de
service;
c. d’armes, telles que les matraques et les bâtons de défense, les substances
irritantes et les armes à feu.
4 Par mesure policière, on entend:
a. la rétention de personnes pour une courte durée;
b. la fouille de personnes et de leurs effets personnels;
Ordonnance sur l’engagement d’entreprises de sécurité RO 2007
5228
c. la fouille de locaux et de véhicules;
d. le séquestre de biens.
5 L’usage de la contrainte et des mesures policières est régi par les dispositions
spécifiques du droit fédéral.
Art. 9 Equipement du personnel de sécurité
1 L’autorité prévoit dans le contrat si le personnel de sécurité doit porter une arme
pour réagir dans une situation de légitime défense ou d’état de nécessité.
2 Les dispositions spécifiques à la légitime défense et à l’état de nécessité sont
réservées.
Art. 10 Equipement du personnel de sécurité à l’étranger
1 Le personnel de sécurité n’est en principe pas armé lorsque la tâche de protection
est exécutée à l’étranger.
2 Lorsque la situation à l’étranger exige exceptionnellement que le personnel de
sécurité porte une arme pour réagir dans une situation de légitime défense ou d’état
de nécessité, l’autorité le prévoit dans le contrat.
3 Le chef du département compétent est informé lorsque le contrat prévoit le port
d’une arme à feu.
4 Les prescriptions des autorités étrangères en matière d’armes applicables au lieu
d’exécution du contrat sont réservées.
Art. 11 Autorisations du port d’armes et du recours à des moyens auxiliaires
Lorsque le contrat prévoit le port d’armes ou le recours à des moyens auxiliaires,
l’autorité vérifie que le personnel de sécurité dispose des autorisations nécessaires
selon la législation applicable.
Art. 12 Identification
L’autorité veille à ce que le personnel de sécurité soit identifiable dans l’exercice de
sa fonction et ne puisse être confondu avec le personnel d’une autorité.
Art. 13 Contrôle de l’autorité
L’autorité veille à contrôler régulièrement la bonne exécution du contrat.
Art. 14 Contenu du contrat
1 Le contrat conclu avec l’entreprise de sécurité privée prévoit que cette dernière est
tenue de:
a. fournir des renseignements concernant l’exécution du contrat sur demande
de l’autorité;
Ordonnance sur l’engagement d’entreprises de sécurité RO 2007
5229
b. communiquer à l’autorité l’identité du personnel de sécurité mis à sa disposition;
c. établir un rapport d’activités à l’intention de l’autorité;
d. remplacer immédiatement le personnel de sécurité ne disposant pas des
connaissances nécessaires ou entravant l’exécution du contrat;
e. communiquer immédiatement à l’autorité toute circonstance susceptible
d’entraver l’exécution du contrat;
f. communiquer immédiatement à l’autorité tout acte accompli par le personnel
de sécurité en cas d’usage de la contrainte ou de mesures policières ou en
cas de légitime défense ou d’état de nécessité;
g. communiquer immédiatement à l’autorité que les exigences concernant
l’entreprise de sécurité privée et la formation ne sont plus respectées;
h. obtenir l’accord écrit de l’autorité avant toute sous-traitance d’une tâche de
protection.
2 Il prévoit une clause pénale en cas d’inexécution du contrat.
Art. 15 Contrat-type
1 Le Département fédéral de justice et police établit un contrat-type pour les contrats
exécutés en Suisse.
2 Le Département fédéral des affaires étrangères établit un contrat-type pour les
contrats exécutés à l’étranger.
3 Les deux départements se consultent préalablement.
4 Les contrats-types sont accessibles en ligne.
Art. 16 Communication aux préposés à la sécurité des départements
L’autorité communique au préposé à la sécurité de son département:
a. une copie du contrat conclu avec l’entreprise de sécurité privée;
b. les problèmes rencontrés lors de l’exécution du contrat.
Section 3 Dispositions finales
Art. 17 Modification du droit en vigueur
L’ordonnance du 27 juin 2001 sur la sécurité relevant de la compétence fédérale4 est
modifiée comme suit:
Art. 3, al. 3
Abrogé
4 RS 120.72
Ordonnance sur l’engagement d’entreprises de sécurité RO 2007
5230
Art. 18 Disposition transitoire
1 La présente ordonnance s’applique aux contrats conclus avec une entreprise de
sécurité privée après son entrée en vigueur.
2 L’autorité adapte les contrats conclus antérieurement, au plus tard dans les trois ans
à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.
Art. 19 Entrée en vigueur
La présente ordonnance entre en vigueur le 1er décembre 2007.
31 octobre 2007 Au nom du Conseil fédéral suisse:
La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey
La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz
LES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES
Rapport du Conseil fédéral
sur les entreprises de sécurité et les entreprises militaires
privées
(donnant suite au postulat Stähelin 04.3267 du 1er juin 2004.
Entreprises privées chargées de tâches de sécurité)
du 2 décembre 2005
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Donnant suite au postulat Stähelin du 1er juin 2004 intitulé «Entreprises privées
chargées de tâches de sécurité», nous vous soumettons le présent rapport pour
information.
Nous vous prions d’agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs,
l’assurance de notre haute considération.
2 décembre 2005 Au nom du Conseil fédéral suisse:
Le président de la Confédération, Samuel Schmid
La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz
6 3 2
Aperçu
Le présent rapport a pour origine le postulat Stähelin 04.3267 du 1er juin 2004
«Entreprises privées chargées de tâches de sécurité», qui charge le Conseil fédéral
de présenter une vue d’ensemble de ses organes de conduite chargés de la politique
de sécurité concernant l’origine, les interventions et les méthodes des entreprises de
sécurité privées qui oeuvrent dans le domaine du monopole de la puissance publique.
Le rapport doit en particulier déterminer si le droit suisse et le droit international
suffisent pour relever les défis actuels. Le rapport examine également les problèmes
soulevés par la motion Wyss 04.3748 du 16 décembre 2004 «Recours de la Suisse à
des entreprises militaires et de sécurité privées. Encadrement légal». Cette motion
demande au Conseil fédéral de légiférer sur les entreprises militaires et les forces de
sécurité privées mandatées par la Confédération pour des missions à l’étranger,
ainsi que sur l’engagement d’anciens officiers et de hauts fonctionnaires suisses par
de telles entreprises. Enfin, le rapport présente les mesures que la Suisse entend
prendre au niveau international. Ces mesures tiennent également compte de la
motion Wyss 04.3796 du 17 décembre 2004 «Entreprises militaires et de sécurité
privée. Application des règles internationales». Cette intervention demande au
Conseil fédéral de veiller à ce que la Suisse s’engage, au niveau international, en
faveur d’une réglementation qui fixe les responsabilités des entreprises militaires et
des forces de sécurité privées en matière de respect du droit international humanitaire
et des droits de l’homme.
Rappelons que le monopole de la puissance publique est l’un des attributs essentiels
de l’Etat moderne. La privatisation de tâches de sécurité, si elle ne peut a priori être
exclue, remet en question le fondement même de l’Etat ou du moins sa légitimité.
Elle ne peut donc s’envisager que pour des tâches marginales. La délégation de
tâches publiques à des particuliers dans le domaine de la sécurité se heurte également
à des limites strictes, même si elle ne va pas aussi loin que la privatisation,
puisque les tâches déléguées n’échappent pas entièrement à la responsabilité de
l’Etat. Il ressort d’une enquête effectuée auprès de l’administration fédérale que les
cas de délégations de tâches à des entreprises de sécurité privées restent assez
limités au niveau fédéral. Le Conseil fédéral est toutefois disposé à examiner
l’opportunité de régler de manière générale les critères que les entreprises de
sécurité doivent remplir pour que la Confédération puisse leur confier un mandat et
les points minimaux à régler dans le contrat y relatif. Actuellement, ces questions
sont largement laissées au pouvoir d’appréciation des Etats mandants.
Le rapport examine par ailleurs dans quelle mesure le droit cantonal soumet les
entreprises de sécurité à une surveillance étatique. Le Conseil fédéral invite à cet
égard les cantons à harmoniser leurs législations. Des démarches dans ce sens sont
d’ailleurs en cours puisque la Conférence des commandants des polices cantonales
de Suisse (CCPCS) a élaboré des dispositions modèles à ce sujet. Le rapport donne
également un aperçu des dispositions fédérales qui peuvent s’appliquer aux activités
des entreprises de sécurité privées.
633
Il s’intéresse en outre à la situation des entreprises de sécurité privées qui pourraient
utiliser la Suisse comme base pour des opérations à l’étranger dans des zones
de conflits ou de troubles. Le Conseil fédéral est prêt à examiner l’opportunité
d’assujettir de telles entreprises à l’obtention d’une autorisation ou d’une licence.
Enfin, le rapport donne un aperçu du droit international en la matière. A côté de
l’interdiction de l’utilisation de la force entre Etats et du devoir de non-ingérence,
les règles du droit humanitaire et les droits de l’homme s’appliquent. Le problème
principal réside toutefois dans le fait que les entreprises de sécurité privées et les
personnes privées actives dans ces domaines ne respectent pas toujours ces règles.
Le rapport trace quelques pistes que les Etats pourraient suivre, mais relève qu’une
réglementation au niveau national ne suffit pas. Il manque à cet égard un dialogue
international, un processus interétatique permettant de discuter des mesures appropriées
qui pourraient être prises afin de garantir un plus grand respect du droit
international humanitaire et des droits de l’homme.
De par sa tradition humanitaire et en sa qualité d’Etat signataire des conventions
de Genève, la Suisse pourrait contribuer judicieusement à la codification et à la
clarification des conditions légales et des restrictions applicables aux activités des
entreprises militaires et des entreprises de sécurité privées, mais aussi à la promotion
du respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Elle
pourrait lancer un processus au niveau international ou jouer le rôle de catalyseur.
Des réflexions ont déjà été entamées à ce sujet, en collaboration avec le CICR. Les
premières rencontres avec des spécialistes ont eu lieu durant l’été 2005. La mise sur
pied d’une conférence d’experts gouvernementaux est notamment prévue pour 2006.
D’autres mesures en vue de renforcer et de clarifier le droit international humanitaire
suivront. Avec ces mesures, le Conseil fédéral aura ainsi réalisé la motion
04.3796 précitée.
634
Table des matières
Aperçu 632
1 Mandat et organisation des travaux 637
1.1 Interventions parlementaires 637
1.2 Mandat de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité 638
1.3 Organisation des travaux 638
2 Introduction 638
2.1 Notions d’«entreprise de sécurité privée» et d’«entreprise militaire privée» 638
2.2 Le monopole de la puissance publique comme élément nécessaire de
l’Etat 639
2.3 La délégation de tâches de sécurité à des particuliers: une question
d’actualité 640
2.4 Problèmes concrets que peut poser le recours par l’Etat ou des particuliers
à des entreprises de sécurité ou à des entreprises militaires privées 642
2.5 Problèmes particuliers posés par l’intervention d’entreprises de sécurité et
d’entreprises militaires privées dans des zones de crise 643
2.6 Importance du développement de la situation au niveau international pour
la Suisse 644
3 Ampleur et nature des activités des entreprises de sécurité et des
entreprises militaires privées en Suisse et à l’étranger 645
3.1 Recours à des entreprises de sécurité privées sur le territoire suisse à des
fins de sécurité intérieure 645
3.2 Importance croissante des entreprises militaires et de sécurité privées sur
la scène internationale 648
3.3 Entreprises de sécurité privées et entreprises militaires privées opérant à
l’étranger depuis la Suisse 650
3.4 Recours à des entreprises de sécurité privées par les autorités fédérales 651
3.4.1 En général 651
3.4.2 Protection des représentations suisses à l’étranger 653
4 Le cadre juridique national 654
4.1 Bases constitutionnelles 654
4.2 Admissibilité des activités privées dans le domaine de la sécurité: limites
de droit constitutionnel 655
4.2.1 Problématique liée aux activités de sécurité privées par rapport aux
citoyens 655
4.2.2 Espaces privés 655
4.2.3 Espaces semi-publics 656
4.2.4 Espace public 657
4.2.5 Protection privée des personnes et sécurisation du transport de biens
et de valeurs 657
4.3 Limites de la privatisation 658
4.4 La délégation de tâches étatiques de sécurité aux privés: limites
constitutionnelles 659
635
4.4.1 Base légale 660
4.4.2 Intérêt public 662
4.4.3 Proportionnalité 662
4.5 Législation fédérale applicable aux activités de sécurité privées 663
4.5.1 La législation fédérale sur les armes et sur le matériel de guerre 663
4.5.2 La législation en matière d’embargo 664
4.5.3 Responsabilité pénale pour les actes commis à l’étranger 665
4.5.3.1 Responsabilité de l’auteur 665
4.5.3.2 Responsabilité de l’entreprise 667
4.6 Traitement juridique du transfert de «savoir-faire» en cas de passage du
service public à des entreprises de sécurité privées 669
4.7 Compétence de légiférer sur les activités économiques lucratives privées
(art. 95, al. 1, Cst.) 670
4.8 Droit cantonal 670
4.8.1 Le Concordat des cantons romands sur les entreprises de sécurité et
autres législations cantonales 670
4.8.2 Les dispositions modèles de la Conférence des commandants des
polices cantonales de Suisse 672
5 Cadre du droit international public 673
5.1 Les règles du droit international public concernant le mercenariat 673
5.1.1 Art. 47 du premier protocole additionnel de 1977 673
5.1.2 Instruments pertinents de l’ONU et de certaines organisations
locales 674
5.1.3 Conclusion: le droit international public coutumier n’interdit pas le
mercenariat 676
5.2 Droit international public général 676
5.2.1 Principes généraux du droit international public 676
5.3 Droit international humanitaire 677
5.3.1 Quelle est la teneur du droit international humanitaire ? 677
5.3.2 Applicabilité du droit international humanitaire aux entreprises de
sécurité privées 678
5.3.3 Obligations des Etats concernant les entreprises de sécurité privées 678
5.4 Les droits de l’homme 679
5.4.1 Le respect des droits de l’homme, une obligation traditionnelle des
Etats 679
5.4.2 Les droits de l’homme s’appliquent-ils aussi directement aux
entreprises de sécurité privées? 679
5.5 Conséquences de la violation du droit international public 680
5.5.1 Responsabilité des Etats 680
5.5.2 Responsabilité individuelle relevant du droit pénal international 681
5.5.2.1 Introduction et sources du droit 681
5.5.2.2 Les faits 681
5.5.2.3 La juridiction nationale comme instrument d’application du
droit international public 682
5.5.2.4 La juridiction internationale 682
636
5.6 Obligations de droit international public et rôle de la Suisse en sa qualité
d’Etat signataire et dépositaire des conventions de Genève 683
5.7 Le droit de la neutralité en droit international 683
6 Conclusions et propositions de mesures 684
6.1 Perspective nationale 684
6.1.1 Délégation de tâches de sécurité à des privés 684
6.1.2 Surveillance de l’Etat sur les activités des entreprises de sécurité
privée 685
6.1.3 Entreprises de sécurité privées actives dans les zones de crise et de
conflit 686
6.1.4 Responsabilité pénale, civile et de droit public 687
6.1.5 Transfert de «savoir-faire» par d’anciens employés de la
Confédération à des entreprises de sécurité privées 688
6.2 Perspective de politique étrangère 688
6.2.1 Esquisses de solutions possibles du point de vue international 688
6.2.2 Le rôle que peut jouer la Suisse sur la scène internationale 690
6.3 Enumération des mesures qu’entend prendre le Conseil fédéral 692
637
Rapport
1 Mandat et organisation des travaux
1.1 Interventions parlementaires
Le présent rapport a pour origine le postulat 04.3267 du 1er juin 2004 «Entreprises
privées chargées de sécurité» (ci-après: postulat Stähelin) que le Conseil des Etats a
transmis au Conseil fédéral en date du 22 septembre 2004. Ce postulat charge le
Conseil fédéral de présenter une vue d’ensemble de ses organes de conduite chargés
de la politique de sécurité concernant l’origine, les interventions et les méthodes des
entreprises de sécurité privées qui oeuvrent dans le domaine du monopole de la
puissance publique. Le rapport doit en particulier déterminer si le droit suisse et le
droit international suffisent pour relever les défis actuels, si la législation suisse régit
les interventions de telles entreprises en Suisse et le recours par la Suisse à de telles
entreprises à l’étranger et si des juridictions internationales existent pour réprimer
les violations des droits de l’homme et des Conventions de Genève commises par de
telles entreprises ou leurs employés.
Une motion du 16 décembre 2004 «Recours de la Suisse à des entreprises militaires
et de sécurité privées. Encadrement légal» (ci-après: motion Wyss 04.3748)
demande en outre au Conseil fédéral d’édicter des dispositions légales contraignantes
sur les entreprises militaires et les forces de sécurité privées mandatées par la
Confédération pour des missions à l’étranger, ainsi que sur l’engagement d’anciens
officiers et de hauts fonctionnaires suisses par de telles entreprises. Le Conseil
fédéral a proposé de rejeter la motion le 16 février 2005, parce que cette problématique
devait être examinée dans le cadre de la réalisation du postulat «Stähelin» qui a
une portée plus large et qu’il était prématuré pour lui de s’engager à légiférer avant
d’avoir procédé à un examen de la situation.
Le 4 mars 2005, le Conseil fédéral a proposé d’accepter une motion du 17 décembre
2004 «Entreprises militaires et de sécurité privées. Application des règles internationales
» (ci-après: motion Wyss 04.3796) qui lui demande de veiller à ce que la Suisse
s’engage, au niveau international, en faveur d’une réglementation contraignante qui
fixe les responsabilités des entreprises militaires et des forces de sécurité privées en
matière de respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Dans
sa réponse, le Conseil fédéral renvoie également au présent rapport pour l’examen
de ces questions. Cette motion a été adoptée par le Conseil national le 17 juin 2005.
Une interpellation du 17 juin 2005 «Entreprises de sécurité privées. Critères de
sélection et implantation en Suisse» (ci-après: interpellation Wyss 05.3432)
demande quels sont les critères de sélection appliqués par la Confédération pour
confier à des entreprises de sécurité privées la protection de ses représentations
diplomatiques à l’étranger et si certaines de ces sociétés mettent à disposition, outre
des services de sécurité classiques, du personnel armé pour des tâches militaires ou
des services d’appui à des forces belligérantes. Cette interpellation demande en outre
si des entreprises privées militaires sont implantées en Suisse et si elles forment ou
recrutent du personnel dans ce pays. L’interpellation demande également au Conseil
fédéral de se prononcer sur la nécessité de légiférer ou de prendre d’autres mesures
de surveillance. Dans sa réponse, le Conseil fédéral renvoie au présent rapport.
638
1.2 Mandat de la Délégation du Conseil fédéral
pour la sécurité
Parallèlement au mandat donné au Conseil fédéral d’établir un rapport à l’intention
du Parlement suite aux interventions parlementaires «Stähelin» et «Wyss», la Délégation
des commissions de gestion des Chambres fédérales a pris connaissance d’un
rapport rédigé à l’intention de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité qui
prévoyait de charger l’administration d’examiner plusieurs questions en relation
avec la problématique des entreprises militaires privées.
Sur cette base, la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales a
souhaité pouvoir prendre connaissance du présent rapport pour sa séance du mois de
décembre 2005.
1.3 Organisation des travaux
Le DFJP a préparé le projet de rapport avec l’aide d’un groupe de travail interdépartemental
composé de représentants du DDPS, du DFAE, du DFE, du DETEC et du
DFF.
2 Introduction
2.1 Notions d’«entreprise de sécurité privée»
et d’«entreprise militaire privée»
Les interventions parlementaires précitées se réfèrent à la notion d’«entreprises de
sécurité privées» et d’«entreprises militaires privées». Ces notions peuvent être
définies de la manière suivante1.
Par entreprise de sécurité privée, on entend une entreprise qui fournit, dans un but
lucratif, des prestations matérielles ou de service concernant la protection ou la
surveillance de personnes ou de biens, notamment dans les domaines suivants:
– la surveillance et la garde de biens mobiliers ou immobiliers (p.ex. surveillance
d’aéroports ou d’ambassades);
– la protection de personnes (p.ex. de personnalités officielles);
– le transport de fonds ou de personnes (p.ex. prisonniers), l’escorte de
convois d’aide humanitaire;
– l’entraînement de corps de police pour la protection de personnes et de
biens;
– le conseil en matière de sécurité, d’organisation et de logistique;
– la logistique, telle que la construction de camps de réfugiés, de centres de
détention ou d’hôpitaux;
1 Centre pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées – Genève (DCAF), Privatising
Security: Law, Practice and Governance of Private Military and Security Companies,
Genève (mars 2005), pp. 19 à 36.
639
– la gestion d’établissements de détention (prisons);
– l’investigation, telle que l’activité de détective privé2.
Par entreprise militaire privée, on entend une entreprise qui fournit, dans un but
lucratif, des prestations de nature militaire telles que conseil, logistique et combat
militaire. On distingue trois sortes d’entreprises:
– Les entreprises militaires de services («military support firms») qui accomplissent
des tâches de logistique telles que l’approvisionnement et l’hébergement
des troupes, le transport, les liaisons de ravitaillement et autres
prestations semblables.
– Les entreprises militaires de conseil («military consulting firms») qui fournissent
des prestations en matière de conseil et d’entraînement de corps de
police et d’institutions militaires et paramilitaires; ces entreprises sont également
spécialisées en matière d’analyse des forces armées sur le plan organisationnel,
stratégique et opérationnel.
– Les entreprises militaires de combat («military fighting firms») qui fournissent
un soutien actif sur le plan militaire; elles opèrent directement dans la
zone de combat en mettant par exemple à disposition des unités, des spécialistes
ou des pilotes de combat3.
2.2 Le monopole de la puissance publique
comme élément nécessaire de l’Etat
Le fait de confier des tâches de sécurité à des entreprises privées entre en conflit
avec la conception que de telles tâches forment le noyau dur des tâches étatiques et
avec la notion de monopole de la puissance publique.
Le monopole étatique de la puissance publique constitue à n’en pas douter le coeur
du dispositif sécuritaire de l’Etat. Depuis l’apparition de l’Etat territorial moderne
aux 16e et 17e siècles, le monopole de la puissance publique est l’un des piliers de la
légitimation de l’Etat et, partant, une composante indispensable de l’ordre étatique.
En tant que composante centrale du pouvoir étatique, il est l’un des trois éléments
constitutifs classiques de l’Etat développés par la doctrine du droit constitutionnel
(territoire, peuple et pouvoir)4. En vertu du monopole de la puissance publique,
l’exercice de la contrainte physique est exclusivement du ressort de l’Etat. Le
recours à la force par des privés est restreint à quelques rares droits d’exception,
étroitement limités soit temporellement (légitime défense, état de nécessité, droit
d’interpellation) soit spatialement (droit du domicile). Ces principes s’appliquent à
la sécurité intérieure, mais sont aussi valables dans le contexte de la sécurité extérieure.
Avant la naissance des Etats nationaux de l’époque moderne, le maintien de la
tranquillité et de l’ordre dans l’espace public, mais aussi le soin apporté à la sécurité
personnelle et la sanction des infractions au droit et aux moeurs du pays se répartis-
2 DCAF, pp. 26 à 33.
3 DCAF, pp. 17 à 26.
4 Voir à ce sujet Pierre Tschannen, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft,
Berne 2004, §1, ch. 3.
640
saient entre des instances très différentes. Le recours à la justice privée jouait un rôle
important à cet égard5.
Ce n’est qu’aux 16e et 17e siècles que cette justice personnelle a été réprimée et
remplacée par le monopole étatique de la puissance publique. Outre des raisons
économiques et celles relevant de la politique de puissance (développement de
formes absolutistes de pouvoir et concentration des forces suite à l’expansion coloniale),
l’expérience horrible de conflits de religions acharnés, qui ont gravement
ébranlé les structures de l’ordre social traditionnel sous forme de guerres civiles, a
joué un rôle particulièrement important6.
Ce large évincement de la justice personnelle par l’Etat a toutefois son prix: le
monopole étatique de la puissance publique oblige en contrepartie l’Etat à garantir
efficacement la sécurité privée et à sanctionner les violations du droit dans l’espace
public aussi bien que dans l’espace privé. Du fait que l’Etat ne saurait atteindre ses
buts, par exemple dans le domaine social, que si la sécurité intérieure et la sécurité
extérieure sont garanties, il a l’obligation de recourir aux moyens de contrainte à sa
disposition pour imposer un ordre stable et la sécurité du droit. A cette fin, il doit
également disposer des moyens financiers nécessaires.
Du fait du partage des tâches entre la Confédération et les cantons, la protection de
la sécurité intérieure relève principalement des cantons, tandis que la Confédération
est compétente dans le domaine de la sécurité extérieure.
2.3 La délégation de tâches de sécurité à des particuliers:
une question d’actualité
On ne se saurait affirmer que l’Etat doit prendre en charge toutes les tâches d’intérêt
public. En effet, si certaines circonstances sociales se modifient, il peut paraître
opportun de privatiser certaines tâches, c’est-à-dire de libérer l’Etat de toute responsabilité
à cet égard7. En revanche, les tâches indispensables de l’Etat sont celles qui
doivent obligatoirement être assumées par ce dernier, selon un large consensus de la
société qui se reflète également dans la Constitution. La protection de la sécurité
publique fait partie du noyau dur des tâches de l’Etat. Une privatisation de ces tâches
remettrait en question l’existence même de l’Etat ou du moins sa légitimité. Elle ne
pourrait donc être envisagée que de manière complémentaire (voir sur ce point le
ch. 4.3 ci-dessous).
5 Dans certaines sociétés contemporaines, où des structures rurales archaïques coexistent
avec une autorité publique relativement peu développée, il arrive que des mécanismes
d’ordre et de sanctions privés revêtent encore une certaine importance. C’est le cas par
exemple en Albanie du Nord, où s’est répandu le «kanun», ce régime de droit coutumier
vieux de plusieurs centaines d’années qui recourt à la vengeance comme principal instrument
pour faire valoir le droit, notamment l’honneur (masculin). Voir à ce propos le
commentaire de Robert Elsie, Der Kanun der albanischen Berge: Hintergrund der nordalbanischen
Lebensweise, Peja 2001.
6 Marco Gamma, Möglichkeiten und Grenzen der Privatisierung polizeilicher Gefahrenabwehr,
Berne/Stuttgart/Vienne 2000, p. 51. Concernant le remplacement de la justice
personnelle par le monopole étatique de la puissance, voir ibid. pp. 50 à 56.
7 La privatisation doit être distinguée de la délégation de tâches de droit public. Dans le
cadre de la délégation, l’Etat conserve la haute responsabilité par rapport à
l’accomplissement de la tâche mais délègue l’exécution à des privés (voir ch. 4.4).
641
Certaines tâches de sécurité peuvent toutefois être confiées par la collectivité à des
particuliers sans échapper entièrement à la responsabilité de l’Etat. C’est à tel phénomène
que l’on assiste actuellement. Il ne s’agit pas alors d’une privatisation au
sens strict, mais d’une délégation de tâches publiques à des particuliers.
Indépendamment de la délégation de tâches publiques, les particuliers peuvent aussi
être tentés d’assurer eux-mêmes leur sécurité en recourant aux services d’entreprises
de sécurité privées pour remédier aux lacunes de l’Etat si celui-ci ne fournit plus des
prestations jugées suffisantes, ce qui peut être le cas lorsque l’Etat réduit ses coûts
ou que les besoins augmentent.
Dans les deux cas de figure, la question se pose de savoir jusqu’à quel point et à
quelles conditions des tâches de sécurité peuvent être confiées à des agents de sécurité
privés sans remettre en cause le monopole de la puissance de l’Etat. Qu’il se
fasse pour le compte de l’Etat ou de particuliers, l’engagement de forces de sécurité
privées pose, de manière plus ou moins aiguë, la question de la légitimité de l’Etat.
L’étendue et les limites des tâches de l’Etat en matière de sécurité ont été, depuis
toujours, sujettes à discussion dans les sociétés démocratiques.
La question de savoir quels sont les besoins fondamentaux qui doivent être couverts
par l’Etat en matière de sécurité et ceux qui peuvent être confiés à des particuliers
est devenue particulièrement d’actualité. Au plan interne, cela s’explique par plusieurs
facteurs. D’une part, on assiste à une multiplication de grands événements
d’ordre culturel, sportif ou politique, qui créent des besoins accrus en matière de
sécurité intérieure. D’autre part, le sentiment d’insécurité alimenté par certains faits
divers tend à se répandre dans la population, laquelle attend davantage qu’autrefois
des forces de l’ordre qu’elles assurent une présence visible (patrouilles) à proximité
des habitations, dans les centres urbains, etc. Or, l’Etat arrive difficilement à mobiliser
les ressources nécessaires pour répondre à ces besoins accrus, compte tenu des
moyens financiers limités dont il dispose, surtout en période de difficultés budgétaires.
Les agents de sécurité privés représentent à cet égard une alternative, notamment
au niveau des coûts, pour combler des besoins, qui peuvent être ponctuels (par
exemple organisation d’un sommet international) ou durables (par exemple manque
d’effectifs policiers pour assurer la police de proximité dans les quartiers).
Dans le domaine international, la problématique se présente de manière différente:
aujourd’hui, le problème se pose dans les pays qui ne disposent que d’une structure
étatique faible ou qui sont dépourvus de toute structure étatique («failed states»).
Dans ces Etats, une force de l’ordre centralisée, qui pourrait prendre en charge les
tâches élémentaires en matière de sécurité, fait défaut. Ainsi, la sécurité devient
affaire privée, ce d’autant plus que beaucoup d’Etats démocratiques ont réduit leur
armée et qu’ils ne sont en partie pas disposés, en tant que forces externes qui pourraient
intervenir par exemple dans le cadre d’opérations de l’ONU, à exposer leurs
effectifs et leurs unités de police aux risques existants dans de telles situations chaotiques.
La sécurité devient également un enjeu vital pour de nombreux acteurs présents
sur les lieux du conflit pour différentes raisons et qui, sans être directement
parties au conflit, sont les cibles d’actes d’agression de toutes sortes (enlèvements,
attentats, etc.) comme les organisations humanitaires, les représentations diplomatiques
ou les fournisseurs privés de services et de biens. Ces acteurs extérieurs sont
contraints de recourir de manière accrue à des agents de sécurité privés qui présentent
l’avantage d’être familiarisés avec les circonstances locales et d’avoir déjà été
confrontés à des situations extrêmes (actes terroristes, guérilla, guerre civile, etc.).
642
On assiste ainsi à la multiplication d’entreprises de sécurité privées qui offrent toutes
sortes de services aussi bien à des gouvernements étrangers (par exemple protection
des ambassades), qu’à des sociétés privées (par ex. garde de sites de production
énergétique) ou à des organisations non gouvernementales (par ex. escorte de convois
humanitaires).
2.4 Problèmes concrets que peut poser le recours
par l’Etat ou des particuliers à des entreprises
de sécurité ou à des entreprises militaires privées
Indépendamment de la question de savoir quelles tâches l’Etat doit assumer luimême,
l’engagement d’agents privés pour des tâches de sécurité pose un certain
nombre de problèmes concrets tant au niveau interne qu’au niveau international.
Même si de nombreuses entreprises de sécurité privées offrent des garanties de
sérieux et de professionnalisme, ce secteur d’activité en pleine expansion peut aussi
attirer des sociétés ou des individus douteux. Or, de par leur nature, les tâches de
sécurité impliquent un risque d’utilisation abusive de la force ou de la contrainte,
surtout lorsqu’elles sont assumées par du personnel peu ou pas formé, insuffisamment
encadré et recruté à la légère. Il s’agit donc pour les Etats nationaux et pour la
communauté internationale, de savoir dans quelle mesure il convient de poser des
garde-fous dans le but de protéger l’intérêt public. Il faut se demander qui assume la
responsabilité d’un éventuel dommage et quelle responsabilité pénale entraîne
l’utilisation abusive de la force ou de la contrainte, en particulier lorsque des exactions
sont commises hors du territoire national dans des zones où leurs auteurs
disposent d’une immunité de fait en raison d’une situation de trouble.
Le recours à des entreprises de sécurité privées ou à des entreprises militaires privées
pose aussi un problème de légitimité et de transparence vis-à-vis du public. Les
citoyens n’ont pas toujours les moyens de faire la différence entre les forces de
l’ordre mises à disposition par l’Etat et un agent de sécurité privé qui porte un uniforme,
des signes distinctifs ou des accessoires pouvant prêter à confusion (par
exemple badge ou insigne). Les citoyens auront automatiquement tendance à obéir à
toute personne qui revêt l’apparence des forces de l’ordre, ce qui peut engendrer une
certaine confusion. D’autre part, les citoyens ne savent pas toujours quelles sont les
limites des compétences des agents de sécurité privés. Ils ne sont donc pas en mesure
de juger si l’agent de sécurité auquel ils sont confrontés outrepasse ses compétences,
ni même de savoir pour le compte de qui il agit.
Enfin, la possibilité pour des particuliers d’assurer eux-mêmes leur propre sécurité
par le biais de services de protection privés pose le problème délicat de l’accès à la
sécurité pour tous. Les habitants de quartiers aisés peuvent s’offrir les services
d’entreprises de sécurité privées, ce que ne peuvent pas faire les habitants de quartiers
plus populaires. La sécurité devient donc un bien dont l’accès n’est pas garanti
pour tous.
643
2.5 Problèmes particuliers posés par l’intervention
d’entreprises de sécurité et d’entreprises militaires
privées dans des zones de crise
L’intervention d’entreprises de sécurité et d’entreprises militaires privées pose des
problèmes encore plus aigus, lorsqu’elle se fait dans un contexte de structures étatiques
défaillantes, sur fond de conflit militaire ou de guerre civile.
La motivation principale de la personne privée ou de l’entreprise de sécurité mandataire
est alors de nature pécuniaire et ne coïncide donc pas nécessairement avec
l’intérêt public de l’Etat mandant. Ce point est délicat, car les entreprises militaires
et de sécurité privées qui sont engagées dans des zones de conflit exercent un pouvoir
particulier sur les civils ou les prisonniers en raison de leur armement et de leur
mandat. En situation de conflit, les entreprises engagées sont de plus fortement
éloignées de la surveillance de l’Etat mandant, qui n’est souvent pas, de surcroît,
l’Etat cible où se déroulent les opérations.
La plupart des Etats ne réglementent pas l’engagement d’entreprises de sécurité
privées dans les régions étrangères en proie à des conflits. A défaut d’une réglementation
nationale, on constate que dans certains Etat il est plus simple aujourd’hui
d’être mandaté par une entreprise de sécurité privée pour exécuter des tâches dans
un territoire étranger en crise en utilisant une arme automatique, que de se faire
engager comme portier dans un bar local. Dans quelques rares pays, on a créé ces
dernières années des réglementations (par exemple en Afrique du Sud, aux Etats-
Unis, en Australie, en Sierra Leone et en Irak). Mais les observateurs estiment que la
plupart de ces normes sont (encore) insuffisantes ou peu efficaces.
Le droit international public général, comme nous le montrons au ch. 5, ne comporte
pas non plus de normes juridiques spécifiquement adaptées aux entreprises de sécurité
privées ni de standards particuliers («soft law»). C’est pour cette raison que se
pose souvent la question de savoir si des normes spécifiques de droit international
public ou du moins des directives ou standards reconnus par la communauté internationale
ne devraient pas être créés pour des entreprises de sécurité privées opérant
dans des situations de conflit.
On ne saurait toutefois prétendre qu’il n’existe aucune norme de droit international
public applicable. Outre les règles de l’interdiction de l’emploi de la force entre les
Etats et l’obligation de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat,
le droit international humanitaire et les droits de l’homme ont une importance
pratique. Le problème principal réside dans leur application. Il existe des indices
selon lesquels les entreprises militaires et de sécurité privées actives dans des zones
de conflit respectent parfois moins le droit international humanitaire et les droits de
l’homme que des forces armées et policières régulières. Ce phénomène peut être
expliqué de la manière suivante:
– l’absence de formation ou la formation insuffisante des employés d’entreprises
de sécurité privées en droit international humanitaire et en matière de
droits de l’homme;
– l’absence d’une chaîne de commandement stricte et d’un ordre disciplinaire
rigoureux;
– le contrôle insuffisant du passé des entreprises et de leurs employés, surtout
par rapport au respect du droit international public;
644
– le fait qu’il est très difficile pour les Etats mandants d’assurer une surveillance
(monitorage) et l’absence dans les contrats de mécanismes de surveillance
et d’autres mesures tels que l’obligation de rendre compte;
– la définition trop vague du mandat;
– l’application déficiente du droit dans le pays hôte, soit parce que ses structures
étatiques sont insuffisantes, voire totalement inopérantes (Etat failli,
«failed state»), soit parce que des entreprises de sécurité privées s’y sont vu
accorder l’immunité pénale;
– l’insuffisance de jure ou de facto des sanctions ou une mise en oeuvre déficiente
de la responsabilité pénale dans les Etats mandants, dans les Etats où
les entreprises de sécurité privées ont leur siège et dans les Etats où le personnel
de ses entreprises a son domicile, y compris l’application lacunaire
du principe de l’universalité du droit8;
– la difficulté à identifier l’entreprise ou ses employés sur le terrain;
– les intérêts propres des entreprises de sécurité privées, prioritairement axés
sur le gain, qui ne correspondent pas nécessairement aux valeurs fondamentales
des Etats.
2.6 Importance du développement de la situation
au niveau international pour la Suisse
La Suisse ne s’ingère pas dans les conflits étrangers en raison de sa neutralité et de
sa politique extérieure caractérisée traditionnellement par un engagement en faveur
du droit international public et du renforcement des droits de l’homme. Cependant,
pour trois raisons, notre pays ne peut pas se soustraire aux développements concernant
les entreprises de sécurité privées actives au plan international:
– Des groupes multinationaux établis en Suisse, mais aussi nombre d’entreprises
plus petites axées sur l’exportation, sont actifs dans les régions de
crise et de conflit. S’y ajoutent les représentations officielles de notre pays,
les projets d’aide organisés par l’Etat et les implantations de diverses organisations
non gouvernementales suisses dans des Etats instables. Dans de tels
cas se pose la question de savoir comment protéger le plus efficacement possible
le personnel, les établissements et les biens, une tâche qu’en l’absence
de structures étatiques opérationnelles ou d’une présence militaire internationale
fiable des entreprises de sécurité privées sont parfois seules à vouloir
ou à pouvoir accepter.
– La menace d’organisations terroristes qui opèrent globalement, fortement
accrue depuis le 11 septembre 2001, ne s’arrête pas aux frontières de notre
pays. Notre neutralité et une politique étrangère prudente n’offrent pas de
protection complète contre les attaques terroristes sur le territoire national
suisse, notamment si elles sont dirigées contre des représentations étrangères,
des groupes d’entreprises, des associations internationales, des confé-
8 Ainsi, des membres des forces armées ont certes été traduits en justice pour les forfaits
commis à Abu Ghraib, mais ce ne fut pas le cas des employés d’entreprises de sécurité
privées pourtant également impliqués.
645
rences ou de grandes manifestations internationales (p.ex. des manifestations
sportives), des filiales d’organisations internationales, des compagnies
d’aviation étrangères et des touristes, des personnalités étrangères en vue, ou
encore des objets représentant un grand potentiel de dommage (p.ex. les centrales
nucléaires). Non seulement la coopération internationale dans la lutte
anti-terroriste, mais aussi la protection préventive des personnes et des
objets ont connu un fort développement ces dernières années. Eu égard aux
ressources financières limitées de l’Etat, aux effectifs stagnants des corps de
police cantonaux et au recul des effectifs de l’armée, la question se posera
toujours plus à l’avenir de savoir si et dans quelle mesure des entreprises de
sécurité privées peuvent assumer des tâches de protection et de contrôle
supplémentaires.
– Enfin, la Suisse pourrait devenir une base organisationnelle et logistique de
plus en plus attractive pour des entreprises de sécurité privées qui opèrent
mondialement, en raison de la stabilité de ses structures sociales, de la liberté
économique garantie par sa Constitution et de sa forte position sur le marché
financier global. Comme l’indiquent les explications présentées sous ch. 3.3,
on connaît déjà dans certains cantons des entreprises actives dans des zones
de crise et de conflit ou qui n’excluent pas une activité future dans de telles
régions.
3 Ampleur et nature des activités des entreprises
de sécurité et des entreprises militaires privées
en Suisse et à l’étranger
3.1 Recours à des entreprises de sécurité privées sur
le territoire suisse à des fins de sécurité intérieure
Selon le rapport USIS du 26 février 2001, on dénombrait en 1998 quelque 250 à 300
entreprises de sécurité privées en Suisse, la plus grande d’entre elles comptant à
l’époque environ 1500 employés fixes et 3500 employés à titre accessoire. En 1998,
on estimait que l’effectif total des employés engagés dans l’ensemble des entreprises
de sécurité et des bureaux d’investigation privés se situait entre 8000 et 10 300
personnes9. De nouvelles estimations établies par les médias en 2005 évaluent leur
nombre, pour les six cantons romands seulement, à 5800 dans le domaine de la
sécurité, soit 1000 personnes de plus que dans les corps de police du périmètre
concerné. Rien que dans le canton de Genève, on recenserait 80 entreprises de
sécurité représentant quelque 2650 employés10. Le canton de Vaud fait état de
42 entreprises de ce type11. Quant au canton du Tessin, on y dénombre 119 entre-
9 Voir Réexamen du système de sécurité intérieur de la Suisse. Partie I: Forces et faiblesses
du système actuel, rapport du 26.2.2001 (USIS I), p. 90. Le rapport USIS, qui
s’appuie sur un article de la Weltwoche du 5.6.1998, table sur 8000 personnes. Dans un
rapport intermédiaire du 17.8.2000 établi pour le projet USIS, la Conférence des directrices
et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) mentionne le
nombre de 10’300 unités de personnel en s’appuyant sur des données du DDPS.
Voir annexe 1 du rapport USIS I, p. 18 (version allemande).
10 «Dans la jungle des polices privées», L’Hebdo du 18.8.2005, p. 13.
11 Liste jointe à la réponse faite par la police cantonale vaudoise, en date du 29.7.2005,
à une enquête de l’Office fédéral de la justice auprès des cantons.
646
prises privées qui fournissent des services d’enquêtes, de surveillance et de transport
de valeurs12.
Cet accroissement s’explique principalement comme suit:
– Pénurie de personnel en raison des restrictions budgétaires: en 2001, lors
de la clarification effectuée dans le cadre du projet USIS, les cantons ont
constaté une sous-capacité de 800 à 1000 policiers civils13. On relève aussi
un manque chronique de personnel d’au moins 200 unités14 parmi le corps
des garde-frontières, qui ne sont pas engagés seulement à la frontière, mais
qui coopèrent également fructueusement avec la police dans la lutte contre la
criminalité transfrontalière15. Cette sous-dotation en personnel est essentiellement
liée aux restrictions budgétaires, qui découlent des budgets publics
déficitaires. Les études parviennent le plus souvent à la conclusion que la
police travaille à un coût sensiblement supérieur à celui des services de sécurité
privés, à tout le moins là où elle est au plus proche des citoyens et où
elle apparaît le plus familière, à savoir dans le service d’ordre des communes16.
Typiquement, il est de nos jours usuel de confier le service d’ordre à
des privés lors de fêtes de village ou de manifestations sportives locales par
exemple, tandis que la police locale, aux capacités réduites, se concentre sur
des tâches de surveillance et de coordination d’ordre supérieur. Les ressources
de la police ne lui permettent également guère d’assurer, dans les quartiers
d’habitation, les patrouilles nocturnes qui peuvent cependant contribuer
à améliorer considérablement le sentiment subjectif de sécurité17. On ne peut
garantir le degré élevé de professionnalisme exigible du personnel engagé
que par une formation solide, donc coûteuse. Par conséquent, il ne faut pas
que les seuls aspects financiers soient déterminants. Mais les restrictions
budgétaires jouent assurément un rôle important s’agissant du recours plus
fréquent aux prestataires de services privés dans le domaine de la sécurité.
12 Selon l’article du 19.8.2004 d’Andrea Leoni, paru sur le site géré par trois journaux
tessinois, Corriere del Ticino, La Regione Ticino et Giornale del Popolo: «Ticinonline»,
http://www.tio.ch/common_includes/pagine_comuni/articolo
_interna.asp?idarticolo=178582&idtipo=3.
13 Groupe pilote de Police XXI, procès-verbal des réponses au questionnaire USIS du
5.7.2001, cité dans USIS. Réexamen du système de sécurité intérieure de la Suisse. Partie
II: Variantes de solutions, mesures d’urgence. Rapport du 12.9.2001 (Rapport USIS II),
pp. 85 à 86, voir http://www.usis.ch/deutsch/berichte/pdf_usis2_voll/franz.pdf.
14 Voir rapport USIS I, ibid. (note 9), p. 63. En date du 25.11.2003, la Commission de
politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-E) a même postulé une sous-capacité de
290 unités de personnel.
15 Concernant les tâches du corps des gardes-frontières dans le domaine de la sécurité
intérieure, voir Rapport USIS I, ibid. (note 9), pp. 61 à 64.
16 Voir à ce sujet Marco Gamma, ibid. (note 6), pp. 222 à 223.
17 Ces engagements de patrouille et de contrôle nocturnes se sont développés pour constituer
en Suisse un champ d’activité important des services de sécurité privés. On trouvera des
descriptions correspondantes pour la Suisse romande dans L’Hebdo du 18.8.2005 («Dans
la jungle des polices privées»), pp. 17 à 18.
647
– Changements en matière de criminalité et quant au sentiment subjectif de
sécurité: la criminalité grave a nettement augmenté au cours des dernières
décennies18. Hormis les homicides, toutes les formes d’atteintes à l’intégrité
sexuelle et corporelle ont fortement progressé entre 1992 et 2003. La propension
à la violence des auteurs s’est accrue. La délinquance des mineurs a
même décuplé entre 1956 et 200319. Les actes de violence, qui insécurisent
le plus les particuliers, bénéficient également du plus fort retentissement
médiatique. L’augmentation objective des actes de violence, mais aussi
l’accroissement du sentiment subjectif d’insécurité entraînent un plus grand
besoin en services de sécurité, que la police n’est plus en mesure de fournir
dans chaque cas en raison de la stagnation de ses effectifs.
– Augmentation des grandes manifestations privées et publiques et développement
de l’offre des transports publics: on observe, par rapport aux décennies
passées, un accroissement du nombre des grandes manifestations sportives,
culturelles et politiques. Songeons par exemple aux courses à pied
urbaines très fréquentées, à l’EURO 2008, à la Street Parade, aux concerts
en plein air, au Forum économique mondial (WEF) de Davos. De telles manifestations
se caractérisent souvent par une forte participation internationale
et se déroulent en outre fréquemment dans le centre des villes. Le besoin de
services de sécurité y est donc important. Les forces de police achoppent à la
limite de leurs capacités. De plus, s’agissant des organisateurs privés de
grandes manifestations, on accorde toujours plus d’importance à ce qu’ils
participent à l’ordre et à la sécurité en engageant leurs propres moyens. Au
cours des dernières décennies, on a également assisté à un développement
marqué de l’offre des transports publics, en particulier dans les agglomérations
urbaines aux heures nocturnes creuses. En raison des impératifs
d’économies, le propre personnel à disposition pour couvrir les besoins de
sécurité des passagers est devenu toujours plus rare (trains non accompagnés).
L’engagement ponctuel d’entreprises de sécurité s’est présenté
comme une échappatoire dans de telles situations.
18 La comparaison des statistiques de la criminalité des années 1990 et 2000 indique une
forte augmentation des actes de violence tels que l’homicide, les lésions corporelles, la
contrainte, le brigandage, l’extorsion et le chantage, les menaces, l’enlèvement, la prise
d’otage, le viol et les autres atteintes punissables à l’intégrité sexuelle (voir Rapport
USIS I, ibid. note 9, p. 43). Dans le canton de Zurich, le nombre total des délits recensés
selon la statistique cantonale de la criminalité a doublé entre 1980 et 1997 (ibid. p. 44).
De même, selon une étude de l’Université de Lausanne basée sur des enquêtes auprès des
victimes, le nombre d’effractions dans les appartements enregistrées en Suisse a doublé
entre la fin des années 1980 et 1997 (ibid. p. 44: Martin Kilias/Philippe Lamon, Zunahme
der Kriminalität? Eine differenzierte Lagebeurteilung, Criminoscope, n° 12, décembre
2000, Université de Lausanne).
19 NZZ Online du 25.5.2004, http://nzz.ch/2004/05/25/il/newzzDUNQDWNN-12.html;
jsessionid=DD17B20763A6CAFF9582E157DFE4F767.
648
3.2 Importance croissante des entreprises militaires
et de sécurité privées sur la scène internationale
Les interventions coercitives d’organisations non étatiques ou de personnes privées
visant à imposer un ordre déterminé ou une structure de pouvoir à l’étranger ne sont
en rien des phénomènes d’un nouveau genre, comme le montrent régulièrement
certains événements récents (Irak).
Ainsi, dès le 13e siècle, les Etats-villes italiens émergents ont étayé leur pouvoir
presque exclusivement sur des armées professionnelles privées conduites par les
«condottieri», qu’ils engageaient sur une base contractuelle. Un autre exemple
connu sont les sociétés commerciales privées, extrêmement influentes, qui ont
ouvert la voie aux puissances coloniales britannique et hollandaise dans le souscontinent
indien et en Asie du Sud-Est durant la première moitié du 17e siècle, et
qui disposaient d’un puissant appareil militaire. En 1782 encore, alors que la puissance
coloniale britannique était établie en Inde depuis longtemps, la Compagnie des
Indes orientales britannique y disposait d’une armée privée comptant plus de
100 000 hommes, ce qui la rendait sensiblement plus puissante que l’armée coloniale
britannique20. Cependant, de telles «organisations militaires privées» qui
n’étaient pas soumises aux structures d’autorités instituées, restèrent plutôt exceptionnelles.
Jusqu’au 20e siècle, le mercenariat fut beaucoup plus répandu: on regroupe
communément sous cette dénomination les personnes qui s’engageaient
contractuellement, contre une rémunération, à se mettre au service d’une puissance
étrangère en tant que combattant et à combattre pour elle en cas de guerre21.
Les développements internationaux récents témoignent de l’importance en forte
hausse des prestations privées dans les domaines militaire et sécuritaire. De nos
jours, il s’agit d’un potentiel de marché important qui représente l’engagement de
plusieurs milliers de personnes à l’échelle mondiale. Le cas de l’Irak fournit un
exemple particulièrement éclatant de cette évolution. Selon des estimations, on y
dénombrait au printemps 2003 quelque 15 à 20 000 personnes engagées contractuellement
par des entreprises de sécurité privées, un effectif qui a encore augmenté
depuis lors22. Le marché global compte aujourd’hui une centaine d’entreprises
actives internationalement dans quelque cent pays23. Le volume commercial mondial,
estimé à environ 100 milliards de dollars US, devrait doubler d’ici à 2010 selon
les pronostics24. Dans certains pays, les dépenses publiques et privées pour les
20 P.W. Singer, Corporate Warriors, Cornell University Press, Ithaca (N.Y.) 2003, p. 35.
21 Dans l’ancienne Confédération en particulier, le mercenariat revêtait aussi une grande
importance, notamment économique: entre le début du 14e siècle et la fin du 19e siècle,
dans le cadre des enrôlements de mercenaires (la «Reisläuferei»), un nombre de mercenaires
estimé à 2 millions d’hommes issus de la Confédération entrèrent en service militaire
à l’étranger (voir Schweizer Lexikon 91, tome 2, Lucerne 1992, p. 745 (mot-clé
«fremde Dienste»). Bien que les contrats de droit international qui accordaient aux pays
étrangers le droit de recruter des personnes sur le territoire suisse aient été interdits dès la
première Constitution fédérale du 12 septembre 1848 et que, peu de temps plus tard,
l’entrée au service militaire d’un pays étranger devint punissable, la Légion étrangère
française, par exemple, continua de demeurer attractive. On pense qu’environ 60 000
Suisses y ont fourni leurs services depuis 1831. Ibid. p. 746 (mot-clé: «Fremdenlegion»).
22 Daniel Berger, «The Other Army», The New York Times du 14.8.2005, avance le nombre
de 25 000 personnes armées à avoir été engagées sur une base privée en juin 2005. Voir
Caroline Holmquist, Private Security Companies. The Case for Regulation, SIPRI Policy
Paper No. 9, Stockholm, janvier 2005, p. 1.
23 Holmquist, ibid. (note 22), p. 1.
24 Singer, ibid. (note 20), p. 78.
649
entreprises de sécurité privées se montent d’ores et déjà à un tiers, dans certains cas
même à 100 % des dépenses consenties pour les armées régulières. Certains mandats
confiés à des entreprises de sécurité privées atteignent des volumes d’affaires de
plusieurs centaines de millions de dollars US25. Dans des pays en crise comme
l’Algérie ou la Colombie, les entreprises privées versent environ 9 % de leurs
dépenses opérationnelles au titre de mesures de sécurité26. Les entreprises privées
qui opèrent sur la scène internationale dans les domaines militaire et sécuritaire ne se
bornent pas à procurer un appui logistique, en personnel et en infrastructures à leurs
mandants, il arrive qu’elles mettent à leur disposition du matériel de guerre lourd,
par exemple des avions de combat, des blindés et de l’artillerie27.
L’importance accrue des services privés militaires et sécuritaires sur la scène internationale
est essentiellement liée à la fin de la Guerre froide: des vides de pouvoir
sont survenus dans diverses régions, qui ont favorisé la ruine complète ou partielle
d’Etats ethniquement ou politiquement instables. Les «failed states» (Etats faillis),
les «failing states» (Etats défaillants) ou les «weak states» (Etats faibles), sont des
pays dépourvus de toute structure étatique ou disposant de structures gouvernementales
et administratives qui ne sont pas en état de fonctionner correctement, dans
lesquels le monopole de la puissance publique est remis en question sur tout le
territoire national ou dans certaines régions. De tels Etats se sont multipliés.
Au vu des risques liés à différentes interventions conduites sous le commandement
de l’ONU, d’organisations régionales ou d’Etats isolés, qui visaient à établir un
ordre minimal ou à éviter des catastrophes humanitaires (p.ex. en Somalie en 1992,
en Bosnie de 1992 à 1995, au Libéria en 1994), une discussion a été entamée
notamment dans les démocraties occidentales sur l’engagement de propres soldats
ou de forces de police dans des territoires en crise ou en guerre. Les risques
d’escalade difficilement appréciables lors d’interventions visant à maintenir ou à
établir l’ordre («peace keeping», «peace building») ou lors de missions humanitaires,
mais aussi la sensibilisation et la médiatisation démocratiques croissantes des
sociétés occidentales ont conduit à une conception plus restrictive des conditions
juridiques préalables requises pour envoyer des forces militaires ou policières étatiques.
Par ailleurs, nul ne conteste que les représentations étatiques et les collaborateurs
exposés des organisations supranationales et non gouvernementales (ONG)
requièrent une protection particulière lorsqu’ils opèrent dans des régions dépourvues
de structures d’ordre étatiques ou qui disposent d’une structure qui ne fonctionne pas
de manière satisfaisante. Des entreprises privées actives dans les domaines militaire
et sécuritaire proposent une telle protection. Contrairement à ce qui se passe pour les
membres des unités de combat, les pertes en vie humaine pour de telles entreprises
ne font l’objet d’aucune statistique.
L’importance accrue des entreprises militaires privées s’explique aussi par le fait
que, une fois la Guerre froide terminée, des grandes puissances se sont retirées de
conflits internes en cours. Par manque de soutien étatique, les parties prenantes aux
guerres civiles, qui sont fortement fragmentées et ne disposent souvent pas du
savoir-faire nécessaire pour maîtriser et entretenir les systèmes d’armes modernes,
recourent aux entreprises militaires privées. Quant à l’offre, elle favorise de surcroît
25 Singer, ibid. (note 20), p. 80.
26 Singer, ibid. (note 20), p. 81.
27 C’est à l’évidence le cas en Angola: voir Singer, ibid. (note 20), p. 10, avec une référence
à Al Venter, «Out of State and Non-State Actors Keep Africa Down», Janes Intelligence
Review, 11 (1.5.1999).
650
cette évolution, puisque le redimensionnement important des forces armées des pays
de l’ancien bloc de l’Est, de l’OTAN et de l’Afrique du Sud après la fin de
l’apartheid a libéré des ressources substantielles en matériel et en hommes.
3.3 Entreprises de sécurité privées et entreprises
militaires privées opérant à l’étranger depuis
la Suisse
Dans le cadre de ses travaux, le groupe de travail interdépartemental s’est intéressé à
l’existence d’entreprises de sécurité ou d’entreprises militaires privées qui déploieraient
des activités depuis la Suisse vers l’étranger, en particulier dans des zones de
troubles. Comme il n’existe pas en Suisse une obligation générale de s’annoncer
auprès des autorités pour exercer de telles activités, il s’est avéré difficile d’obtenir
une vue d’ensemble complète de l’importance du phénomène. Ces entreprises ne
font pas l’objet d’une surveillance particulière.
Les informations obtenues essentiellement auprès des cantons montrent que les
entreprises de sécurité privées intervenant dans des zones de troubles à l’étranger
depuis la Suisse sont encore un phénomène marginal. Certains indices laissent
penser que ce phénomène pourrait toutefois prendre de l’ampleur. En particulier, il
n’est pas exclu que des entreprises installent leur siège sur le territoire suisse pour
bénéficier de la bonne image de notre pays, en particulier en relation avec notre
politique de neutralité.
Si la plupart des cantons affirment ne pas connaître d’entreprises de sécurité ou
d’entreprises militaires privées qui opèreraient dans des zones à risque depuis leur
territoire, plusieurs cantons nous ont annoncé l’existence de telles entreprises ou
n’ont en tout cas pas exclu qu’elles puissent exister sur leur territoire.
En particulier, le canton de Bâle-Campagne compte trois entreprises qui opèrent
dans des zones de guerre ou de troubles et qui sont au bénéfice d’une autorisation.
Deux de ces entreprises ont leur siège en Suisse; la troisième a son siège à l’étranger
et une succursale en Suisse. Les activités exercées sont les suivantes: surveillance de
biens et protection de personnes, observation, mesures techniques en matière de
vidéo-surveillance, système d’alarme et intervention. Selon l’enquête des autorités
de Bâle-Campagne, douze autres entreprises ont déclaré que dans le futur elles
pourraient opérer dans des zones à risque.
En juin 2005, une entreprise de sécurité privée établie dans le canton du Tessin a
offert spontanément ses services au DFAE. A l’appui de son offre, elle faisait valoir
qu’elle était spécialisée dans la fourniture de prestations de service dans le domaine
de la sécurité en faveur d’organisations gouvernementales, de représentations
diplomatiques et de multinationales actives dans des zones à risque. Selon ses indications,
ses employés sont des ressortissants de l’Union européenne et ont une
expérience professionnelle en matière d’opérations militaires, de lutte contre le
terrorisme, d’utilisation d’explosifs et en tant que tireurs d’élite. Ils ont également
participé à des opérations de l’ONU et de l’OTAN en Irak, Afghanistan, Somalie,
Sierra Leone, Guatemala, Bosnie et Kosovo. Selon les informations obtenues des
651
autorités tessinoises28, cette entreprise n’est au bénéfice d’aucune autorisation, au
motif que les activités qu’elle exerce sur le territoire tessinois sont de nature strictement
administrative (comptabilité et conclusion de contrats). En effet, selon la
législation tessinoise en vigueur, ce genre d’activités ne nécessite pas d’autorisation.
Il semblerait que cette entreprise se soit installée dans le canton du Tessin pour une
question d’image principalement liée à la neutralité de la Suisse.
Une affaire qui a eu lieu il y a dix ans exactement montre que des personnes ou des
entreprises privées agissant depuis la Suisse peuvent également être impliquées dans
des activités problématiques à l’étranger.
Le 28 septembre 1995, un groupe de 34 hommes armés, sous la conduite du célèbre
mercenaire français Robert «Bob» Denard, a tenté un coup d’Etat dans l’archipel des
Comores sur la côte est-africaine. Un conflit armé a éclaté, auquel ont participé les
putschistes étrangers, les sympathisants du pays et les forces de sécurité. Les 4 et
5 octobre, l’armée française est intervenue; elle a interpellé les 34 mercenaires et les a
conduits en France pour les remettre à la justice française. Parmi les personnes arrêtées
se trouvaient également un ressortissant suisse et un citoyen de l’UE établi en Suisse.
Suite à ces faits, les autorités françaises ont ouvert une instruction contre 28 personnes
et ont requis l’entraide judiciaire de la Suisse. L’enquête n’est terminée que depuis peu
et l’affaire a été transmise au Ministère public français. En Suisse, les autorités judiciaires
militaires ont ouvert une enquête à l’encontre du ressortissant suisse impliqué.
En 1996, le Ministère public de la Confédération a rejeté une demande de l’ancienne
Police fédérale d’ouvrir une enquête à l’encontre du citoyen de l’UE établi en Suisse
pour violation de l’art. 299, al. 2, CP (violation de la souveraineté territoriale étrangère)
et de la législation sur le matériel de guerre, en raison de la procédure française
en cours. La demande de la Police fédérale était motivée par le fait que des annonces
recrutant des personnes pour une mission de sécurité avaient été publiées en 1995 dans
des revues spécialisées en matière de mercenariat. Les personnes intéressées devaient
s’annoncer à une adresse postale en Suisse, qui était utilisée aussi bien par l’entreprise
de sécurité privée du citoyen de l’UE établi en Suisse que par le chef des mercenaires
Robert Denard. Le citoyen de l’UE établi dans notre pays était également soupçonné
d’avoir participé non seulement au coup d’Etat mais aussi d’avoir pris part à la planification
et au recrutement des mercenaires.
3.4 Recours à des entreprises de sécurité privées
par les autorités fédérales29
3.4.1 En général
Dans le cadre de ses travaux, le groupe de travail interdépartemental a procédé à une
enquête auprès de l’ensemble de l’administration fédérale, des Services du Parlement,
de la Poste et des CFF pour évaluer dans quelle mesure les autorités fédérales
recourent aux services d’entreprises privées pour l’exécution de tâches de sécurité,
voire de tâches militaires, en Suisse ou à l’étranger. Sur les 56 unités administratives
et autres organismes qui ont répondu à l’enquête, 21 recourent aux services d’entreprises
de sécurité privées dans le cadre de mandats ponctuels ou pour une durée plus
longue. Les services fournis par les entreprises de sécurité portent principalement
28 Lettre du Département des institutions du 6 septembre 2005 à l’Office fédéral de la
justice.
29 L’ampleur de la délégation de tâches de sécurité à des entreprises privées par les cantons
et les communes n’a pas été examinée dans le cadre du présent rapport. D’une part, cette
question dépasse le cadre du mandat; d’autre part, elle nécessiterait une étude approfondie
qui ne pouvait être faite dans un si court laps de temps.
652
sur la protection des bâtiments et autres installations, l’accueil des visiteurs à
l’entrée des bâtiments et le contrôle des entrées, le transport de biens (p.ex. transport
de fonds provenant de la vente de vignettes autoroutières ou transport de documents
à éliminer) et la protection de personnes (p.ex. magistrats).
Les cas suivants méritent d’être mentionnés plus particulièrement:
– Le Secrétariat d’Etat à l’éducation et à la recherche (DFI) et le DFAE recourent
aux services d’entreprises de sécurité privées pour la protection de leurs
bureaux et représentations diplomatiques à l’étranger ainsi que pour les
logements de leurs collaborateurs (voir ci-après ch. 3.4.2). Les mandats sont
confiés à des entreprises locales à l’étranger.
– L’Office fédéral des migrations fait appel à des entreprises de sécurité pour
assurer la centrale téléphonique et la réception des centres d’accueil pour
requérants d’asile, qui se trouvent à la frontière suisse. Lorsque des requérants
d’asile sont soumis à un interrogatoire collectif dans les bâtiments de
Wabern, les entreprises de sécurité sont chargées d’assurer la protection des
personnes et des lieux et de contrôler la liste des personnes à interroger en
collaboration avec la police (art. 17 de l’ordonnance 1 sur l’asile relative à la
procédure du 11 août 199930).
– L’Office fédéral de la police recourt aux services d’entreprises de sécurité
pour assurer la protection de bâtiments et celle de magistrats ou d’autres personnalités
jouissant d’une protection spéciale en vertu du droit international
(art. 22 à 24 de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant
au maintien de la sûreté intérieure [LMSI]31 et art. 3 de l’ordonnance du
27 juin 2001 sur la sécurité relevant de la compétence fédérale [OSCB]32).
Les entreprises de sécurité privées sont en outre chargées d’assurer le transport
intercantonal de personnes privées de liberté. L’Office fédéral de la police
recourt également à leurs services pour assurer le transport de personnes
en vue de leur expulsion du territoire suisse; il s’agit de l’accord «Jail-Train-
Street» qui sera remplacé après 2005 par une nouvelle convention à laquelle
la Confédération ne sera pas partie.
– La Poste recourt aux services d’entreprises de sécurité pour l’exploitation de
la centrale d’alarme, ainsi que la protection des bâtiments et des personnes
dans certaines situations.
– Les CFF recourent aux services d’entreprises de sécurité privées pour «exercer
la police de la voie» conformément à l’art. 12, al. 1, de la loi fédérale du
18 février 1878 concernant la police des chemins de fer33. Ces entreprises
ont notamment pour tâche de maintenir l’ordre public (prévention d’infractions,
arrestation et dénonciation des faits punissables à l’autorité compétente),
de protéger les personnes et de surveiller les infrastructures.
30 Ordonnance 1 sur l’asile, OA 1; RS 142.311.
31 RS 120
32 RS 120.72
33 RS 742.147.1
653
3.4.2 Protection des représentations suisses à l’étranger
Aux fins de protection des représentations suisses à l’étranger (ambassades, consulats
généraux, consulats, bureaux de coordination), des résidences et des logements
des collaborateurs, la Confédération emploie constamment, par l’entremise du
DFAE, des entreprises de sécurité privées établies sur place. Leurs tâches, comparables
à celles des entreprises de surveillance privées établies en Suisse, concernent le
contrôle des entrées et des accès, ainsi que la surveillance des bâtiments. Il est de
cette façon possible de remplir le mandat, donné par la Confédération, d’entretenir
un réseau de représentations suisses à l’étranger. Dans ce contexte, aucune tâche
ressortissant à la souveraineté de l’Etat n’est transférée à des tiers. En ce qui
concerne la protection des bureaux de coordination pour le développement et la
coopération, la loi fédérale sur la coopération au développement et l’aide humanitaire
internationales ainsi que l’arrêté fédéral concernant la coopération avec les
Etats d’Europe de l’Est constituent les bases légales indirectes, puisqu’il s’agit de
garantir l’accomplissement du mandat légal (organisation des conditions cadre
requises).
Actuellement, quelque 80 représentations bénéficient de ces mesures de surveillance.
Si elles n’étaient pas sous surveillance, la protection du personnel ne serait
pas garantie et les représentations devraient être fermées, ce qui ne serait pas justifiable
du point de vue de la politique extérieure et de la politique économique extérieure.
En règle générale, la protection est assumée par les autorités du pays hôte, dans des
cas exceptionnels par des entreprises de surveillance locales ou par le personnel de
sécurité engagé localement. Les mesures se rapportent pour ainsi dire exclusivement
à la protection des bâtiments. Lors du choix des entreprises de sécurité, leur expérience
active des conditions locales et les capacités requises pour remplir le mandat
de protection sont déterminantes. L’envoi de membres d’un service de sécurité
assignés à la protection d’une représentation diplomatique n’entre pas en contradiction
avec le droit international humanitaire. Ces personnes sont également
tenues de respecter le droit international public et les droits de l’homme (voir ch. 5
ci-dessous). Comme des normes de qualité internationalement contraignantes font
défaut quant à l’engagement de forces de sécurité privées, il convient de consacrer
un soin accru à leur sélection. On peut recourir aux membres de formations militaires
professionnelles suisses pendant un temps limité pour des missions sécuritaires à
l’étranger. Si l’engagement dure plus de trois semaines, l’Assemblée fédérale doit
l’approuver aux termes de l’art. 70 de la loi fédérale sur l’armée et l’administration
militaire34. Lors du contrôle d’un tel engagement, il y a lieu de vérifier le risque
sécuritaire encouru par les membres de l’armée. Dans le cas concret de l’Irak, il faut
admettre que l’engagement de personnel militaire augmente le risque d’attentats
contre la représentation suisse35.
34 RS 510.10
35 Pour le reste, nous renvoyons aux réponses suivantes du Conseil fédéral: question de
Haering Barbara, Forces de sécurité privées, du 4.5.2004 (04.1045); question urgente de
Lang Josef, Mercenaires et soldats en Irak, du 2.6.2004 (04.1066); heure des questions du
7.6.2004, question de Leuenberger Ueli: La Suisse doit immédiatement cesser sa collaboration
avec des mercenaires (Question 04.5094), heure des questions du 14.3.2005, question
de Wyss, Ursula: Sociétés de sécurité privées (Question 05.5075).
654
4 Le cadre juridique national
4.1 Bases constitutionnelles
Il incombe aux cantons de garantir l’ordre et la sécurité publics sur leur propre
territoire; cette tâche est traditionnellement dévolue à la police (souveraineté cantonale
originaire en matière de police)36. La Confédération, quant à elle, dispose d’une
compétence constitutionnelle implicite pour prendre les mesures nécessaires en
matière de sécurité extérieure et intérieure dans le but de garantir sa propre protection
et celle de ses institutions et de ses organes (protection de personnes, d’objets et
de manifestations de la Confédération). Cette compétence se fonde sur la souveraineté
de la collectivité suisse en tant qu’Etat37. La Confédération dispose en outre de
la compétence exclusive et complète en matière de défense nationale (art. 58 Cst.)38.
En vertu de l’art. 57, al. 1, Cst., la Confédération et les cantons «pourvoient à la
sécurité du pays et à la protection de la population dans les limites de leurs compétences
respectives». Tel qu’il est formulé, l’art. 57, al. 1, Cst. ne crée pas de nouvelles
compétences fédérales dans le domaine de la sécurité, mais se borne à confirmer
les compétences constitutionnelles de la Confédération et des cantons39.
L’art. 57, al. 2, Cst. tient compte du fait que la sécurité est indivisible: la Confédération
et les cantons doivent coordonner «leurs efforts en matière de sécurité intérieure
». Cette obligation concerne aussi bien les cantons qui, en cas de besoin,
doivent harmoniser leurs activités en matière de sécurité, que la Confédération. En
vertu de l’art. 57, al. 2, Cst., la Confédération peut assurer elle-même la coordination
de la sécurité pour des événements importants (WEF, Euro 2008) ou légiférer,
lorsque la sécurité intérieure exige absolument une coordination pour l’ensemble de
la Suisse avec la participation, voire sous la direction de la Confédération.
Dans certains domaines de tâches spécifiques qui revêtent une importance nationale
(transports publics et droit des étrangers), la Confédération a, ces dernières années,
édicté davantage de réglementations qui ont entre autres pour objet la délégation de
tâches de sécurité à des privés. Les exemples les plus récents sont le projet de loi
fédérale sur le service de sécurité des entreprises de transport (LSST)40 ainsi que le
projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte dans le cadre du droit des étrangers
et des transports de personnes ordonnés par une autorité fédérale (LUsC)41. Ces
deux projets prévoient une description précise de l’étendue et des limites des pouvoirs
d’action conférés aux privés (voir ch. 4.4.1).
36 Message Cst., FF 1997 I 239.
37 Voir ATF 117 Ia 202 et Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel
suisse, vol. I, Berne 2000, p. 331, ch. 961.
38 Rainer J. Schweizer/Gabriella Küpfer in: Bernhard Ehrenzeller/Philippe Mastronardi/
Rainer J. Schweizer/Klaus A. Vallender (éd..), Die Schweizerische Bundesverfassung,
Zürich/Bâle/Genève 2002, remarques préliminaires concernant les art. 57 à 61, ch. 11.
39 Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale,
FF 1997 I 1 ss, 239 (message Cst.); Schweizer/Küpfer. Ibid (note 38), sur l’art. 57 Cst.,
ch. 1.
40 Concernant le projet et le message relatifs à la LSST, voir FF 2005 2425 ss.
41 Concernant le projet et le message relatifs à la LUsC, voir la page Internet de l’Office
fédéral de la justice, http://www.ofj.admin.ch/f/index.html, rubrique «législation», motclé
«usage de la contrainte».
655
Enfin, les normes générales relevant du droit fédéral s’appliquent également aux
entreprises de sécurité privées, notamment la loi sur les armes, la loi sur le contrôle
des biens, le droit pénal, le droit pénal militaire, le droit civil ou encore le droit de la
responsabilité.
A ce jour, les prescriptions concernant l’autorisation et les activités d’entreprises de
sécurité privées et leur personnel ont surtout été édictées par les cantons, sur la base
des compétences policières territoriales qui leur sont dévolues. Mais aucune réglementation
uniforme n’existe à ce stade, comme nous le verrons au ch. 4.8. La
Confédération aurait toutefois la compétence de légiférer sur la base de l’art. 95,
al. 1, Cst. (activité économique lucrative privée).
4.2 Admissibilité des activités privées dans le domaine
de la sécurité: limites de droit constitutionnel
4.2.1 Problématique liée aux activités de sécurité privées
par rapport aux citoyens
Dans une société démocratique, la puissance publique a pour fonction importante de
faire respecter l’ordre juridique et en particulier les droits fondamentaux des
citoyens garantis par la Constitution et par le droit des gens. Les activités des entreprises
de sécurités privées et des individus actifs dans le domaine de la sécurité
peuvent, à cet égard, poser des problèmes délicats en pratique. Le premier problème
à signaler est celui des pouvoirs d’intervention de l’agent de sécurité, des mesures de
contrainte qu’il peut prendre à l’encontre d’une personne et des moyens qu’il est en
droit d’utiliser (p.ex. matraque, menottes, armes à feu, sprays pour se défendre,
chiens etc.). A ce propos, on peut notamment se demander si un agent de sécurité a
par exemple le droit d’interpeller une personne, de la retenir en utilisant, si nécessaire,
des entraves, de la soumettre à une fouille corporelle et de lui séquestrer ses
biens, ou si ses compétences doivent se limiter à des tâches de protection et de
surveillance, au maintien de l’ordre public et à la prévention d’infractions.
La question de savoir jusqu’à quel point les particuliers sont autorisés à intervenir
pour faire régner l’ordre et la sécurité, y compris par l’usage de la contrainte, se pose
de manière un peu différente selon que l’intervention a lieu dans un espace privé ou
dans un espace public. Peut être considéré comme un espace public (ou semi-public)
tout espace qui n’est pas réservé à un usage privé. La délimitation entre espace privé
et espace public n’est pas toujours facile à faire, ainsi qu’en témoigne dans un
contexte un peu différent, la jurisprudence relative à l’art. 261bis du Code pénal
suisse (discrimination raciale)42.
4.2.2 Espaces privés
Il incombe finalement à l’Etat d’imposer l’ordre public et la sécurité en raison de
son monopole de la puissance publique, même dans les espaces purement privés, si
l’on fait abstraction des droits de défense privés étroitement limités, tels que la
42 RS 311.0. Voir par exemple ATF 130 IV 111: le Tribunal fédéral a jugé que des allégations
contenues dans un discours qui a eu lieu lors d’une réunion fermée, dans un refuge
forestier, devant 40 à 50 skinheads avaient un caractère public.
656
légitime défense, l’état de nécessité et l’assistance à un tiers (légitime défense et état
de nécessité). Toujours est-il que l’ordre constitutionnel autorise en l’occurrence une
gestion privée limitée de la sécurité, qui se fonde sur le principe de la responsabilité
propre, reconnu par la Constitution aux titres de la protection de la sphère privée
(art. 13 Cst.) et de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Au-delà des droits de
défense privés, c’est avant tout le droit du domicile, étayé par le droit au respect du
domicile fixé à l’art. 13, al. 1, Cst. et garanti par toutes les constitutions cantonales,
qui détermine l’étendue des activités de sécurité privées autorisées.
Une pesée d’intérêts tenant compte du principe de proportionnalité entre la responsabilité
privée propre et le monopole étatique de la puissance publique conduit au
résultat suivant:
– les mesures privées autorisées dans des locaux privés sont par exemple: les
mesures préventives telles que la protection des objets (contrôle à l’intérieur
et à l’extérieur des immeubles), le renvoi de personnes, le refus de l’accès.
– les mesures privées non autorisées dans des locaux privés sans l’accord des
intéressés sont par contre: les contrôles d’identité, les fouilles, la confiscation
d’objets.
4.2.3 Espaces semi-publics
Les espaces semi-publics sont des locaux qu’il est possible de classer comme privés,
mais qui sont accessibles au public dans le cadre de leur affectation. Citons comme
exemples les stades de football exploités par des privés, les écoles privées, les places
de sport (délimitées), les établissements de bain, les restaurants, les foires, les cinémas,
les discothèques, les magasins et les centres d’achats, mais aussi les moyens de
transport exploités par des privés comme le bus, le tram, le train ou l’avion.
En de tels endroits également, on peut appliquer les droits inhérents à la justice
personnelle toujours valables que sont la légitime défense, les cas de nécessité,
l’assistance à un tiers (légitime défense et état de nécessité) ainsi que le droit du
domicile. De surcroît, les exploitants privés disposent encore de compétences supplémentaires
en matière de sécurité. Dans certaines limites, les organisateurs privés
sont juridiquement responsables du bon déroulement de leurs manifestations.
L’organisation ou la réalisation déficiente d’une manifestation peut, dans certaines
circonstances, déclencher une procédure en responsabilité civile entraînant une
demande en dommages et intérêts.
Comme les mesures de sécurité autorisées pour maintenir l’ordre dans l’espace
semi-privé ne sont couvertes ni par le droit de domicile ni par les autres droits inhérents
à la justice personnelle, une base juridique particulière est nécessaire en
l’occurence. Elle consiste en règle générale en un consentement contractuel. Le
recours à une prestation contractuelle, par exemple l’achat d’un billet d’entrée ou
d’un titre de transport, implique également l’acceptation de mesures de sécurité
portant atteinte à la liberté personnelle. Dans ce contexte, il convient toutefois de
distinguer entre les mesures qui sont couvertes par le consentement et celles qui ne
le sont pas.
Le principe de proportionnalité joue à cet égard un rôle essentiel. Il permet de
procéder à la délimitation suivante:
657
– les mesures de sécurité privées autorisées dans l’espace semi-public à
l’appui du consentement contractuel des intéressés sont, par exemple: les
contrôles à l’entrée, les interventions visant à séparer spatialement les
groupes de personnes (p.ex. les groupes de fans), les fouilles, lorsqu’elles
sont en rapport avec la sécurité de la manifestation concernée, la confiscation
d’objets, lorsqu’elle est en rapport avec la sécurité de la manifestation
concernée, l’enregistrement des données personnelles;
– par contre, les exploitants privés ne seraient pas autorisés à appliquer des
mesures d’identification proprement dites.
4.2.4 Espace public
Dans les espaces publics, c’est-à-dire en des lieux qui ne sont attribuables à aucun
privé, le personnel de sécurité privé ne peut pas en principe prétendre à des droits
d’intervention au-delà des droits d’autodéfense (légitime défense et état de nécessité)
et des devoirs d’assistance à des tiers (légitime défense et état de nécessité)
revenant à tout un chacun. Par définition, le maintien de l’ordre dans les espaces
publics est l’affaire de l’Etat. Tout droit d’intervention privé supplémentaire requiert
une autorisation spéciale du législateur dans le cadre d’une délégation de tâches
(voir ch. 4.4). En l’absence d’une telle autorisation, la limite dans l’espace public se
définit comme suit:
– outre les droits relevant de la justice personnelle (autodéfense), sont autorisées
les activités de pure prévention qui n’empiètent pas sur la liberté personnelle
d’autrui, par exemple des patrouilles privées dans les quartiers résidentiels;
si l’on constate que l’ordre public est menacé ou qu’un autre
événement inaccoutumé se produit, on ne peut y remédier qu’en avertissant
les organes de sécurité de l’Etat. Les personnes qui sont en train de commettre
une infraction peuvent être interpellées pour une courte durée jusqu’à
l’arrivée des forces de l’ordre de l’Etat (droit d’interpellation).
– en l’absence d’une délégation de tâches, toute intervention coercitive est
proscrite si elle empiète sur la liberté personnelle des intéressés et dépasse le
cadre des droits d’autodéfense (on entend ici par exemple les contrôles
d’identité, la confiscation d’objets ou les barrages de rues).
4.2.5 Protection privée des personnes et sécurisation
du transport de biens et de valeurs
Bien qu’elles surviennent dans l’espace public, la protection des personnes et la
sécurisation du transport de biens et de valeurs constituent des cas particuliers, dans
la mesure où on peut les assimiler à un besoin de protection individuel, c’est-à-dire
qu’elles se concentrent ponctuellement et sont reconnaissables et délimitables pour
le public.
– Sont autorisées non seulement les mesures préventives telles que l’observation
et la surveillance, mais aussi, par exemple, la couverture des personnes
à protéger ou de leurs véhicules par le maintien des tiers hors de la proximité
immédiate des objets à protéger, si cette mesure reste proportionnée (main658
tien d’un espace libre dans la sphère de proximité immédiate, à l’exclusion
toutefois d’un barrage de rue).
– En l’absence d’une délégation particulière des tâches légalement établie
(voir ch. 4.4), l’usage de la contrainte, de quelque nature que ce soit, est par
contre illicite au-delà des droits d’autodéfense (légitime défense, état de
nécessité) et des devoirs d’assistance à des tiers (légitime défense et état de
nécessité), lorsque la liberté personnelle des intéressés s’en trouve préjudiciée.
On entend ici, par exemple, les contrôles d’identité, la confiscation
d’objets, les barrages de rues ou les renvois. Toutefois, il peut arriver que la
distinction soit délicate entre l’usage autorisé de la force et l’usage illicite de
la contrainte: si la contrainte à titre préventif n’est pas autorisée, le recours à
des armes à feu par un personnel de sécurité privé peut même constituer un
recours admissible à l’autodéfense lorsqu’il s’agit de se protéger contre une
menace immédiate pour la vie ou l’intégrité corporelle.
4.3 Limites de la privatisation
Garantir la couverture des besoins de sécurité élémentaires privés et imposer l’ordre
public relèvent à n’en pas douter des tâches indispensables de l’Etat. Une privatisation43
de ces tâches serait certes possible de iure, puisque la Constitution fédérale et
les constitutions cantonales ne comportent aucune limite matérielle intrinsèque.
Mais elle est exclue de facto, car la légitimité de l’Etat, c’est-à-dire en définitive la
justification de son existence serait mise en question si l’on éliminait le monopole
étatique de la puissance publique, ou même, se bornait à le saper.
Une privatisation est donc envisageable dans les secteurs marginaux de l’activité
sécuritaire et policière, mais non en son centre. Dans la littérature, on évoque à cet
égard les tâches périphériques telles que le conseil préventif en matière de criminalité,
que la police assure aujourd’hui en partie, ou des activités techniques d’aide et de
contrôle en matière de circulation routière44.
Il faut examiner cas par cas si une activité policière ou sécuritaire appartient aux
tâches centrales de l’Etat, dont la privatisation est de facto exclue, ou s’il s’agit d’un
secteur marginal qui peut être privatisé. Les critères restrictifs suivants, notamment,
sont prioritaires à ce sujet:
– Risque élevé de l’usage de la contrainte physique: les activités au cours desquelles
il faut d’emblée s’attendre à l’usage direct de la contrainte physique
aux fins d’écarter un danger ou d’éliminer des perturbations (p.ex. interventions
armées pour établir ou maintenir l’ordre public, arrestations, restriction
importante de la liberté de mouvement par la détention de personnes pour
une assez longue durée) doivent être réservées à l’Etat en tant que tâches
qui lui sont indispensables; elles ne sont donc pas privatisables de facto.
43 C’est-à-dire le fait de libérer une activité de la responsabilité de l’Etat, voir ch. 2.3.
44 Voir Gamma, ibid. (note 6), pp. 157 à 159. Toujours est-il que selon certaines estimations
internes de la police, environ 30 à 40 % du travail journalier de la police n’appartient pas
à son domaine central d’activité, ibid. p. 127.
659
– Atteintes aux droits fondamentaux: dans les cas où il faut prévoir des atteintes
considérables aux droits fondamentaux, une privatisation n’entrera pas
en question. Dans le cas de l’usage direct de la contrainte physique (interventions
armées pour établir ou maintenir l’ordre public, arrestations ou restriction
de la liberté de mouvement dépassant le droit – étroitement limité –
d’interpeller une personne commettant une infraction), le monopole nécessaire
de la puissance publique plaide contre une privatisation. Des mesures
préventives comme les écoutes téléphoniques, les immixtions dans le secret
postal ou la surveillance de personnes sont toutefois également apparentées à
des atteintes massives aux droits fondamentaux; elles doivent donc aussi rester
réservées à l’Etat.
– Egalité de traitement en matière de sécurité: s’agissant des tâches qu’il
assume, l’Etat est tenu d’assurer l’égalité de traitement. La privatisation partielle
des activités policières et sécuritaires confine à ses limites lorsque la
garantie uniforme de la sécurité publique ne peut plus être assurée. Il n’est
par exemple guère imaginable de privatiser la protection locale contre les
dangers, car seules les personnes (ou les rues, les quartiers) qui peuvent se le
permettre économiquement bénéficieraient alors d’une protection. Si les
pouvoirs publics ne sont pas en mesure d’offrir à eux seuls une protection
efficace à des coûts acceptables, on peut éventuellement envisager, par le
truchement d’une délégation de tâches, de recourir dans une certaine mesure
au soutien de privés, la responsabilité supérieure incombant toujours à la
collectivité (voir ch. 4.4).
4.4 La délégation de tâches étatiques de sécurité
aux privés: limites constitutionnelles
En ce qui concerne la Confédération, l’art. 178, al. 3, Cst. prescrit que «la loi peut
confier des tâches de l’administration à des organismes et à des personnes de droit
public ou de droit privé qui sont extérieurs à l’administration fédérale».
Pour les cantons, il y a lieu de vérifier spécialement dans chaque cas si la situation
juridique est comparable à celle de la Confédération ou si la délégation de tâches
étatiques à des privés présuppose une autorisation spécifique de la constitution
cantonale.
Selon la doctrine et la pratique généralement admises, la délégation de tâches n’est
en outre autorisée que si les trois conditions suivantes, prévues à l’art. 5, al. 1 et 2,
Cst. pour toute action de l’Etat et à l’art. 36, al. 1 à 3, Cst. pour toute restriction des
droits fondamentaux, sont respectées:
– elle doit se fonder sur une base légale suffisante45;
– elle doit répondre à un intérêt public;
– elle doit respecter le principe de proportionnalité.
45 Pour la Confédération, l’art. 178, al. 3 Cst. le prévoit explicitement.
660
4.4.1 Base légale
A l’instar de toute délégation de tâches de l’administration, la délégation de tâches
dans le domaine de la sécurité et de la police à des privés doit reposer sur une base
légale formelle. Cette exigence doit être respectée non seulement en raison du principe
reconnu selon lequel toute action étatique doit être fixée dans une loi (principe
de légalité) mais aussi en raison de la brèche ouverte dans le principe d’organisation
fixé dans la Constitution, en vertu duquel l’Etat exécute en principe ses tâches luimême46.
Il se pose également la question de savoir quel devra être le contenu de la loi au sens
formel. La doctrine recourt fréquemment au critère des «tâches qui ne relèvent pas
de la souveraineté de l’Etat»47. Le législateur adopte parfois le même critère, par
exemple à l’art. 17 de l’ordonnance 1 sur l’asile qui prescrit que l’office compétent
peut, en vue d’assurer le fonctionnement des centres d’enregistrement, confier à des
tiers des «tâches qui ne relèvent pas de la souveraineté de l’Etat»48. La différence
faite entre les tâches qui relèvent de la souveraineté de l’Etat et celles qui n’en
relèvent pas, est certes souvent appropriée d’un point de vue juridique. Sur le plan
pratique, elle ne permet cependant pas de résoudre certains problèmes fondamentaux
en rapport avec les activités de sécurité de personnes privées. En effet, le fait qu’une
tâche relève de la souveraineté de l’Etat ne constitue pas un critère déterminant pour
la personne concernée, pour qui il en va plutôt de la probabilité réelle de l’usage
direct de la contrainte et du risque d’atteinte à des droits fondamentaux protégés.
Ainsi, lorsque le personnel d’une entreprise de sécurité privée exécute des tâches
auxiliaires qui ne relèvent pas de la souveraineté de l’Etat aux fins de maintenir
l’ordre et la sécurité dans un espace semi-public (p.ex. stades, aéroports) ou dans le
domaine public aux côtés de la police, il peut se retrouver dans une situation qui
dégénère en un affrontement violent. La loi au sens formel doit par conséquent
régler les questions primordiales relatives aux pouvoirs et aux moyens d’intervention,
à l’organisation du personnel de sécurité privé et au système de contrôle et
de surveillance de l’Etat.
Deux projets de lois fédérales touchant le domaine de la sécurité et de la police et
ayant fait récemment l’objet d’une procédure de consultation, visent à tenir compte
de ces exigences:
– Le projet de loi fédérale sur le service de sécurité des entreprises de transport
(LSST)49 remplacera la loi fédérale sur la police des chemins de fer qui
date de plus de 120 ans50. Ce projet ne fixe pas seulement l’objectif, les
tâches et l’organisation des services de sécurité (art. 2 et 3) mais aussi leurs
compétences d’intervention telles que le pouvoir d’interroger des personnes,
de contrôler leur identité, de les interpeller, de les exclure du transport et de
46 La délégation de tâches de la Confédération à des privés doit par conséquent être considérée
en règle générale comme une «disposition importante qui fixe une règle de droit» au
sens de l’art. 164, al. 1, Cst. et doit donc être édictée sous la forme d’une loi fédérale.
47 Voir p.ex. Gamma, (note 6), p. 204.
48 Ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la procédure (ordonnance 1 sur l’asile
[OA1], RS 142.311).
49 Concernant le projet et le message relatifs à la LSST, voir FF 2005 2425 ss.
50 Loi fédérale du 18 février 1878 concernant la police des chemins de fer (RS 742.147.1).
L’art. 12, al. 1 prescrit que chaque compagnie de chemin de fer désigne les employés et
fonctionnaires qui ont le droit d’exercer la police de la voie. En vertu de cette disposition,
une délégation de tâches de sécurité à des personnes privées est possible, voir ch. 3.4.1.
661
confisquer des objets afin de garantir les preuves (art. 5, al. 1 et 2). Il fixe en
outre des limites aux moyens d’intervention (usage de la contrainte uniquement
à l’encontre des personnes qui gênent les entreprises de transport dans
l’exercice de leurs activités, art. 5, al. 4 en relation avec art. 5, al. 1, du projet).
– L’avant-projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte dans le cadre du
droit des étrangers et des transports de personnes ordonnés par une autorité
fédérale (loi sur l’usage de la contrainte [LUsC])51, mis en consultation le
24 novembre 2004, prévoit expressément que les autorités peuvent recourir à
des services privés pour l’exécution de leurs tâches (art. 1, al. 1, let. c, du
projet). La LUsC fixe non seulement l’objectif visé (art. 3) mais limite aussi
les moyens d’intervention par exemple en ce qui concerne l’usage de la
force physique; elle détermine en outre les moyens auxiliaires qui sont
admissibles ou interdits (art. 3 et 4 et art. 6 à 8) ainsi que les pouvoirs des
autorités amenées à faire usage de la contrainte.
Dans d’autres domaines, le législateur fédéral s’est limité à édicter de simples clauses
d’autorisation sans préciser l’objectif, l’étendue et les pouvoirs d’intervention
conférés dans le cadre de la délégation aux personnes privées:
– L’art. 22, al. 2, de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures
visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)52 autorise l’autorité fédérale
à déléguer à des services privés la tâche de droit public consistant à
assurer la protection des autorités, des personnes et des bâtiments de la
Confédération. L’ordonnance du 27 juin 2001 sur la sécurité relevant de la
compétence fédérale (OSF)53 règle les tâches des organes chargés de la protection
des personnes et des bâtiments en vertu des art. 22 à 24 LMSI (art.
1). Selon l’art. 3 de cette ordonnance, les services fédéraux compétents peuvent
confier à des services privés la surveillance des bâtiments de la Confédération
dans lesquels le personnel affecté à cette tâche doit être renforcée
ainsi que la protection de manifestations de la Confédération en vue
d’épauler la police (al. 1 et 2). En vertu de l’al. 3, le DFJP fixe les exigences
auxquelles les services de protection privés doivent satisfaire pour remplir
un mandat auprès de la Confédération54.
– Selon l’art. 6, al. 2, let. b, de l’ordonnance du 2 mai 1990 concernant la protection
des ouvrages militaires55, la surveillance et la garde des ouvrages
militaires peuvent notamment être assurées par des personnes ou des entreprises
engagées à cet effet par contrat.
Il convient de relever que dans ce dernier cas la délégation a uniquement pour base
légale une ordonnance.
51 Concernant le projet et le message relatifs à la LUsC, voir la page Internet de l’Office
fédéral de la justice, http://www.ofj.admin.ch/f/index.html, rubrique «législation»,
mot-clé «usage de la contrainte».
52 RS 120.
53 RS 120.72.
54 Le département n’a pas encore fait usage de cette délégation.
55 Ordonnance du 2 mai 1990 sur la protection des ouvrages militaires (ordonnance sur la
protection des ouvrages); RS 510.518.1.
662
4.4.2 Intérêt public
Contrairement à ce qui prévaut lors d’une privatisation (ch. 4.3), la responsabilité
ultime de l’exécution correcte des tâches continue à incomber à l’Etat en cas de
délégation à des privés56. A la différence des privés exécutant leurs propres tâches,
ceux qui assument des tâches étatiques sont tenus de respecter les droits fondamentaux,
conformément à l’art. 35, al. 2, Cst.57. L’Etat peut également révoquer en tout
temps la délégation par une modification de la loi. C’est pourquoi la marge de manoeuvre
est plus grande, lorsque l’intérêt public consiste à déléguer l’exécution d’une
tâche, que lorsqu’il y a privatisation.
Il est dans l’intérêt public de déléguer l’exécution d’une tâche à des privés dans le
domaine de la sécurité et de la police lorsque, par exemple, la fourniture de prestations
par des privés est plus économique ou qu’elle permet d’accroître l’efficacité
dans l’exécution d’une tâche (concentration des forces de l’Etat sur des engagements
sécuritaires et policiers prioritaires). On peut considérer qu’on est en présence d’un
intérêt public dans les cas suivants:
– Les seuls moyens de l’Etat ne suffisent pas à garantir des besoins importants
relevant de la sécurité et de l’ordre publics. Une solution purement étatique
impliquerait une mobilisation de ressources disproportionnée.
– Il s’avère plus opportun de déléguer des tâches de surveillance à des privés,
par exemple en raison de leurs connaissances particulières des circonstances
ou parce qu’ils sont familiarisés avec elles: songeons notamment à d’anciens
«supporters» qui pourraient être associés au contrôle et à la surveillance de
groupes de fans potentiellement problématiques lors de manifestations sportives
dans des stades.
– La délégation de tâches de sécurité étatiques à des privés vise à couvrir des
besoins exceptionnels qui excèdent ponctuellement les capacités de l’Etat.
Lors de grandes manifestations prévues longtemps à l’avance, l’engagement
judicieux des ressources de l’Etat peut requérir, par exemple, que des tâches
de service d’ordre clairement définies et réputées sans problème soient déléguées
à des privés, afin que l’Etat dispose encore de forces d’intervention
suffisantes pour d’autres tâches de sécurité, notamment pour les situations de
crise imprévisibles.
4.4.3 Proportionnalité
La délégation de tâches de sécurité étatiques à des privés est soumise, comme tout
acte de l’Etat, au principe de proportionnalité. Cela signifie notamment que les
cantons ne peuvent pas simplement déléguer l’ensemble de leurs activités de police
à des services de sécurité privés sous prétexte que ceux-ci travaillent plus économi-
56 L’art. 19, al. 1, let. a, de la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération,
des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (loi sur la responsabilité;
RS 170.32) prévoit une responsabilité subsidiaire de la Confédération pour les dommages
causés dans le cadre de l’exécution d’une tâche de droit public confiée à un organisme
privé.
57 «Quiconque assume une tâche de l’Etat est tenu de respecter les droits fondamentaux et
de contribuer à leur exécution».
663
quement. En l’occurrence, non seulement l’intérêt public ferait défaut, mais on
contreviendrait aussi au principe de proportionnalité.
Cela signifie aussi que les exigences doivent être particulièrement strictes pour
l’examen de la proportionnalité, tout comme pour la question de la base légale
(ch. 4.4.1), lorsque la délégation concerne des mesures de contrainte susceptibles de
porter atteinte aux droits fondamentaux des intéressés. La proportionnalité repose
toujours sur une pesée des intérêts entre le souci de la collectivité de bénéficier
d’une sécurité publique optimale moyennant une utilisation efficace des ressources,
et le souci des intéressés potentiels de voir leurs droits fondamentaux protégés.
Comme les domaines sécuritaire et policier soulèvent des questions particulièrement
sensibles, cette pesée des intérêts devra souvent déjà s’effectuer au niveau de la loi
au sens formel. Les critères restrictifs suivants doivent en particulier être pris en
compte:
– Retenue lors de la délégation de compétences susceptibles d’entraîner
l’usage direct de la contrainte à l’encontre de personnes: comme déjà indiqué
pour la base légale (ch. 4.4.1), non seulement le but de l’engagement,
mais aussi les conditions et les moyens de cet engagement devraient être
déterminés déjà au niveau de la loi au sens formel.
– Retenue en cas d’ordres ou de mesures à caractère contraignant, lorsqu’il
n’y a pas urgence: cette retenue repose sur l’idée selon laquelle il ne faudrait
faire appel à des privés qu’à titre subsidiaire dans les domaines sécuritaire et
policier. L’intérêt public légitime le recours à la coopération de privés dans
l’accomplissement de mandats de sécurité publique notamment pour couvrir
des besoins exceptionnels (voir ch. 4.4.2).
4.5 Législation fédérale applicable aux activités
de sécurité privées
Bien que les entreprises de sécurité en Suisse soient principalement régies par le
droit cantonal, certaines de leurs activités peuvent tomber sous le coup du droit
fédéral, en particulier de la législation sur les armes. La fourniture de prestations de
nature militaire vers l’étranger peut ainsi être soumise à des dispositions spéciales de
droit fédéral. Nous nous sommes également intéressés aux possibilités offertes par le
droit pénal et le droit pénal militaire pour sanctionner les infractions commises par
des agents de sécurité privés, particulièrement lors d’opérations à l’étranger.
4.5.1 La législation fédérale sur les armes et sur le matériel
de guerre
La loi sur les armes58 limite les compétences des personnes privées et des organismes
privés dans le domaine de la police et de la sécurité. Elle s’applique aux activités
commerciales et non commerciales exercées par des privés.
58 Loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions
(loi sur les armes [LArm]); RS 514.54.
664
L’acquisition d’une arme dans le commerce nécessite un permis d’acquisition
d’armes qui est délivré si certaines conditions personnelles sont remplies (art. 8
LArm). Différentes dispositions de la loi et de l’ordonnance sur les armes59 prévoient
que la personne doit être capable d’utiliser une arme sans constituer un danger
pour autrui (voir art. 8, al. 2, LArm et 32, al. 1, OArm). Lorsqu’une arme peut
être acquise sans permis d’acquisition, par exemple auprès d’un privé, ce dernier
doit également s’assurer que ces conditions sont remplies.
Toute personne qui entend porter une arme en public doit être titulaire d’un permis
de port d’armes qui est délivré par l’autorité compétente du canton du domicile,
pour une durée de cinq ans au maximum (art. 27, al. 1 et 3, LArm). Le permis est
délivré uniquement si la personne remplit les conditions d’octroi du permis
d’acquisition d’armes, si elle rend vraisemblable qu’elle a besoin d’une arme pour se
protéger ou protéger des tiers ou des choses et si elle a passé un examen attestant
qu’elle est capable de manier une arme et qu’elle connaît les dispositions légales en
matière d’utilisation d’armes (art. 8, al. 2, OArm). Conformément au principe de
proportionnalité, l’art. 31 OArm prescrit qu’une arme ne peut être transportée plus
longtemps que l’activité qui s’y rapporte ne peut raisonnablement le justifier (al. 1)
et que, lors du transport d’armes à feu à épauler ou de poing, les magasins ne doivent
pas contenir de munitions (al. 2).
Il convient également de signaler la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel
de guerre60, qui régit la fabrication et le commerce de matériel de guerre, ainsi que le
transfert de biens immatériels concernant le matériel de guerre.
4.5.2 La législation en matière d’embargo
Le droit fédéral n’interdit pas de manière générale les activités liées à la fourniture
de prestations de nature militaire (prestations matérielles et prestations de service),
mais contient certaines dispositions spéciales. En effet, en vertu de la loi fédérale du
22 mars 2002 sur l’application de sanctions internationales61, la Confédération peut
prendre des mesures de coercition pour appliquer les sanctions internationales visant
à faire respecter le droit international public. Ces mesures peuvent notamment
restreindre le trafic de marchandises et des services ou prendre la forme d’interdictions
ou d’obligations de demander une autorisation (art. 1, al. 1 et al. 3, LEmb).
La Confédération a fait usage de cette faculté en édictant un certain nombre
d’ordonnances62.
59 Ordonnance du 21 septembre 1998 sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions
(ordonnance sur les armes [OArm]. RS 514.541.
60 LFMG; RS 514.51.
61 Loi sur les embargos; RS 946.231.
62 Les ordonnances édictées en vertu de la législation en matière d’embargos sont publiées
sur le site du Secrétariat d’Etat à l’économie (seco) à l’adresse suivante: www.seco.ch.
665
4.5.3 Responsabilité pénale pour les actes commis
à l’étranger
Dans la mesure où il n’est pas exclu que des entreprises de sécurité privées déploient
des activités à l’étranger depuis notre territoire ou que des ressortissants suisses
soient recrutés pour des opérations à l’étranger, il convient d’examiner si les dispositions
du droit pénal suisse permettent de sanctionner les infractions qui pourraient
être commises hors du territoire national. La motion Wyss 04.3748 soulève notamment
la question de savoir si les crimes commis par des personnes employées par
des entreprises de sécurité privées travaillant pour le compte de la Suisse, seraient
poursuivis. Il convient donc d’examiner, dans un premier temps, dans quelle mesure
les crimes seraient poursuivis en vertu du droit suisse. Nous renvoyons en outre au
ch. 5.5.2 pour ce qui est de la poursuite devant une juridiction internationale.
4.5.3.1 Responsabilité de l’auteur
Le code pénal63 réprime différentes infractions qui peuvent concerner les activités
des entreprises de sécurité privées comme les actes exécutés sans droit pour un Etat
étranger (art. 271 CP), les actes d’hostilité contre un belligérant ou des troupes
militaires (art. 300 CP), la violation de la souveraineté territoriale étrangère (art. 299
CP) et l’espionnage militaire au préjudice d’un Etat étranger (art. 301 CP).
Certaines dispositions du code pénal militaire du 13 juin 192764 pourraient, en outre,
s’appliquer au personnel d’une entreprise de sécurité privée, si certaines conditions
personnelles sont remplies. Elles pourraient, par exemple, s’appliquer aux personnes
qui suivent les forces armées sans en faire directement partie (art. 4, ch. 1, CPM),
aux civils qui commettent certaines infractions en temps de guerre (art. 4, ch. 2
CPM) ou aux personnes qui participent à certaines infractions, notamment à une
infraction contre le droit des gens en cas de conflit armé, avec d’autres personnes
soumises au droit pénal militaire (art. 6 CPM).
Le CPM réprime notamment les infractions suivantes: les actes d’hostilité contre un
belligérant ou des troupes étrangères (art. 92 CPM, violation de la neutralité),
l’espionnage militaire au préjudice d’un Etat étranger (Art. 93 CPM, violation de la
neutralité), le service militaire étranger (art. 94 CPM, atteintes à la puissance défensive
du pays), la violation d’obligations contractuelles (art. 97 CPM), la violation de
secrets militaires (art. 106 CPM) et les infractions commises contre le droit des gens
en cas de conflit armé (art. 108 à 114 CPM).
63 CP; RS 311.0. La partie générale du CP a fait l’objet d’une révision: voir à cet égard la
modification du code pénal du 13 décembre 2002 (FF 2002 7658 ss). Le Conseil fédéral
n’a pas encore fixé sa date d’entrée en vigueur. Elle est provisoirement prévue pour le
1er janvier 2007.
64 CPM; RS 321.0. Le CPM a fait l’objet d’une révision: voir à cet égard la modification du
code pénal militaire du 21 mars 2003 (FF 2003 2494 ss). Le Conseil fédéral n’a pas
encore fixé sa date d’entrée en vigueur. Elle est provisoirement prévue pour le 1er janvier
2007.
666
Un acte commis par le personnel d’une entreprise de sécurité privée peut être considéré
comme licite s’il est ordonné par la loi, par un devoir de fonction ou de profession
(art. 32 CP)65, si l’auteur se trouve dans une situation de légitime défense
(art. 33 CP)66 ou s’il a agi dans un état de nécessité (art. 34 CP)67. A l’instar du CP,
le CPM prévoit que les actes commis en état de légitime défense (art. 25 CPM) ou
en état de nécessité (art. 26 CPM) sont des actes licites68.
Si l’auteur a commis son infraction à l’étranger, le code pénal suisse lui est applicable
dans les hypothèses suivantes:
– L’auteur a commis un crime ou un délit contre l’Etat (art. 4 CP)69.
– (1) L’auteur a commis un crime ou un délit contre un Suisse; (2) l’acte est
aussi réprimé dans l’Etat où il a été commis; (3) l’auteur se trouve en Suisse
et n’est pas extradé à l’étranger ou est extradé à la Confédération à raison de
cette infraction (art. 5 CP); cette disposition consacre le principe de la personnalité
passive.
– (1) L’auteur du crime ou du délit est de nationalité suisse; (2) l’acte est aussi
réprimé dans l’Etat où il a été commis; (3) l’acte peut donner lieu à extradition
selon le droit suisse; (4) l’auteur se trouve en Suisse ou est extradé à la
Confédération à raison de son acte (art. 6 CP). Cette disposition consacre le
principe de la personnalité active.
– L’auteur a commis à l’étranger un crime ou un délit que la Confédération, en
vertu d’un traité international, s’est engagée à poursuivre (art. 6bis CP)70.
Cette disposition élargit le champ d’application de la loi pénale suisse. En
effet, elle oblige les autorités suisses à exercer l’action pénale dans des affaires
où les principes de la territorialité et de la personnalité ne s’appliquent
pas, si les conditions suivantes sont remplies: (1) l’auteur se trouve en
Suisse; (2) il n’est pas extradé à l’étranger; (3) l’infraction est punissable en
Suisse et au lieu de commission; (4) la Suisse s’est engagée, en vertu d’un
traité international, à poursuivre cette infraction. Les différents traités qui
entrent dans le champ d’application de l’art. 6bis CP ne sont pas énumérés
par cette disposition.
65 A la différence de l’art. 32 CP, l’art. 14 nCP limite les sources de justification à
l’obligation légale et à l’autorisation légale; il ne mentionne plus le devoir de fonction ni
le devoir professionnel.
66 La modification du code pénal du 13 décembre 2002 prévoit la légitime défense (art. 15
nCP) et la défense excusable (art. 16 nCP): la première disposition correspond en substance
à l’actuel art. 33, al. 1, CP, la seconde à l’art. 33, al. 2, CP.
67 La modification du code pénal du 13 décembre 2002 prévoit l’état de nécessité licite
(art. 17 nCP) et l’état de nécessité excusable (art. 18 nCP): la première disposition correspond
en substance à l’actuel art. 34, ch. 1, CP; la seconde reprend le principe posé à
l’art. 34, ch. 1, al. 2, CP en y apportant deux modifications.
68 La modification du CPM du 21 mars 2003 prévoit les actes autorisés par la loi (art. 15
nCPM), la légitime défense (art. 16 nCPM), la défense excusable (art. 16a nCPM), l’état
de nécessité (art. 17 nCPM) et l’état de nécessité excusable (art. 17a nCPM).
69 Les art. 3 et 4 de la nouvelle partie générale du code pénal (nCP) correspondent en
substance aux art. 3 et 4 CP.
70 L’art. 6 de la nouvelle partie générale du code pénal (nCP) correspond en substance à
l’art. 6bis CP.
667
En ce qui concerne la nouvelle partie générale du CP, il convient de signaler l’art. 7,
dont l’al. 2 étend le champ d’application de la loi pénale suisse en consacrant le
nouveau principe de la compétence déléguée. Cette disposition vise l’hypothèse où
l’auteur qui n’est pas de nationalité suisse a commis à l’étranger un crime ou un délit
contre une personne étrangère. L’auteur peut être poursuivi par les juridictions
suisses si les conditions cumulatives suivantes sont remplies: (1) l’acte est aussi
réprimé dans l’Etat où il a été commis ou le lieu de commission de l’acte ne relève
d’aucune juridiction pénale; (2) l’auteur se trouve en Suisse ou est remis à la Suisse
en raison de cet acte; (3) l’acte peut donner lieu à extradition selon le droit suisse
mais l’auteur n’est pas extradé; (4) la demande d’extradition a été rejetée pour un
motif autre que la nature de l’acte; (5) l’auteur a commis un crime particulièrement
grave proscrit par la communauté internationale.
Conformément à l’art. 9, al. 1, CPM, le droit pénal militaire s’applique aux infractions
commises en Suisse et à celles qui ont été commises à l’étranger. La Suisse
revendique la compétence primaire de juger ses ressortissants qui ont commis, en
Suisse ou à l’étranger, une infraction au CPM, ainsi que de poursuivre les étrangers
qui ont commis un tel acte dans notre pays. Le nouvel al. 1bis71 a relativisé le principe
fixé à l’art. 9, al. 1, CPM: les étrangers qui commettent à l’étranger une infraction
au droit des gens en cas de conflit armé (art. 108 à 114 CPM), ne sont jugés par
des tribunaux suisses que si trois conditions cumulatives sont remplies, à savoir:
(1) l’auteur de l’infraction doit se trouver en Suisse (let. a); (2) il doit avoir un lien
étroit avec la Suisse (let. b); (3) il ne peut être ni extradé ni remis à un Tribunal
pénal international (let. c). Les art. 218 à 223 CPM prévoient également un certain
nombre de règles de compétence concernant la juridiction militaire.
Au niveau international, il y a lieu de relever le Statut de Rome de la Cour pénale
internationale du 17 juillet 199872 (voir également ch. 5.5.2.3 et 5.5.2.4). L’art. 1
prévoit que la Cour pénale internationale est complémentaire des juridictions pénales
nationales. Sa compétence est limitée aux crimes les plus graves qui touchent
l’ensemble de la communauté internationale, à savoir le crime de génocide, les
crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression (art. 5).
4.5.3.2 Responsabilité de l’entreprise
En vertu de l’art. 100quater CP73, une infraction commise par le personnel d’une
entreprise peut engager la responsabilité pénale de cette dernière, si cette infraction a
été commise au sein de l’entreprise, si elle a été commise dans l’exercice d’activités
commerciales et si l’activité dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise est
conforme aux buts de l’entreprise.
Ces conditions objectives de la punissabilité ont pour fonction de limiter la portée de
l’art. 100quater CP. Il s’agit d’éviter que l’entreprise ne puisse être poursuivie pour
n’importe quelle infraction. La répression de l’entreprise doit donc être limitée aux
71 RO 2004 2693; FF 2003 693
72 RS 0.312.1. Afin d’adapter le droit pénal matériel au Statut de Rome, le code pénal suisse
fait actuellement l’objet d’une révision pour faciliter la poursuite pour génocide, crime
contre l’humanité et crime de guerre.
73 L’art. 102 nCP correspond pour l’essentiel à l’art. 100quater CP.
668
comportements interdits concrétisant des risques typiques liés à l’activité licite et
normale de l’entreprise.
L’art. 100quater, al. 1, CP, prévoit un cas de responsabilité subsidiaire de l’entreprise:
cette dernière ne peut être tenue pour responsable que si le crime ou le délit ne peut
être imputé à aucune personne physique déterminée en raison du manque
d’organisation de l’entreprise. En ce qui concerne les entreprises de sécurité privées,
les infractions devraient pouvoir être imputées en règle générale à une personne
physique, de sorte que la responsabilité pénale de l’entreprise ne devrait pas être
engagée.
L’al. 2 va plus loin que l’al. 1 en fixant une responsabilité primaire de l’entreprise
pour une certaine catégorie d’infractions, qui entre en ligne de compte indépendamment
de la responsabilité de la personne physique ou parallèlement à cette dernière.
En ce qui concerne les conditions de lieu, l’entreprise répondant aux conditions
posées par l’art. 100quater CP encourt une responsabilité pénale et est passible des
juridictions suisses, si l’infraction est commise en Suisse; cette règle vaut également
pour les entreprises ayant leur siège à l’étranger74. En effet, le principe de la territorialité
veut qu’une entreprise étrangère qui a commis un délit en Suisse puisse être
poursuivie en Suisse. Si l’infraction est commise à l’étranger, il convient de distinguer
les hypothèses suivantes:
– Art. 4 CP (crimes ou délits commis à l’étranger contre l’Etat): la responsabilité
pénale de l’entreprise pourra toujours être engagée, que son siège se
situe en Suisse ou à l’étranger75.
– Art. 5 CP (crimes ou délits commis à l’étranger contre un Suisse), art. 6 CP
(crimes ou délits commis à l’étranger par un Suisse) et art. 6bis CP (autres
crimes ou délits commis à l’étranger): seule l’entreprise ayant son siège en
Suisse pourra être poursuivie en application de l’art. 100quater CP76. En outre,
il est également possible de poursuivre pénalement en Suisse les personnes
ou les entreprises qui, en qualité de coauteurs, ont pris part depuis la Suisse à
une infraction commise (en partie) à l’étranger. Il faut cependant signaler
que ce domaine comporte encore beaucoup de questions ouvertes, qui n’ont
encore fait l’objet d’aucune jurisprudence.
Afin d’adapter le CPM à la nouvelle partie générale du CP, la modification du CPM
du 21 mars 2003 introduit les art. 59a et 59b nCPM concernant la responsabilité
pénale de l’entreprise. Ces deux dispositions sont plus ou moins identiques à celles
des art. 100quater et 100quinquies CP77.
74 Alain Macaluso, La responsabilité pénale de l’entreprise, Commentaire des art. 100quater
et 100quinquies CP, Zurich 2004, p. 177, ch. 1028.
75 Alain Macaluso, ibid. (note 74), p. 177 ch. 1034.
76 Alain Macaluso, ibid. (note 74), p. 177 ch. 1036.
77 Alain Macaluso, ibid. (note 74), p. 196–197, ch. 1150–1155.
669
4.6 Traitement juridique du transfert de «savoir-faire»
en cas de passage du service public à des entreprises
de sécurité privées
Dans sa motion 04.3748 du 16 décembre 2004, «Recours de la Suisse à des entreprises
militaires et de sécurité privées. Encadrement légal», Mme Ursula Wyss, conseillère
nationale, aborde également accessoirement la question du transfert de savoirfaire
par d’anciens hauts fonctionnaires militaires, qui exercent une activité de
conseil rémunérée auprès d’entreprises militaires privées après avoir quitté le service
public. Il convient de distinguer diverses situations si l’on veut évaluer de telles
activités du point de vue juridique:
– Obligations de garder le secret: les employés sont tenus de respecter le
secret de fonction, le secret d’affaires et le secret professionnel également
après le terme de leurs rapports de services. Le devoir d’observer le secret
s’étend aux affaires qui doivent demeurer secrètes en raison de prescriptions
ou de par leur nature. L’obligation de garder le secret s’applique aux rapports
de travail de droit privé (secret de fabrication et d’affaires)78 aussi bien
qu’au service public79. La violation des obligations de garder le secret
entraîne la responsabilité pénale du contrevenant même après la fin des rapports
de travail80.
– Prohibition de faire concurrence: l’obligation de garder le secret se limite à
la sphère assez étroite des secrets professionnels et de fonction. Par contre,
elle ne saurait couvrir l’ensemble du savoir-faire acquis professionnellement
au sens des capacités, des connaissances générales et de l’expérience, car
une telle mesure reviendrait de fait à une interdiction d’exercer une activité
professionnelle. Or, le droit fondamental de la liberté économique protège
«le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice
». S’agissant de rapports de travail régis par le droit privé, les art. 340 ss
CO prévoient toutefois la possibilité de convenir d’une prohibition de
concurrence qui déploie son effet après la fin du rapport de travail81. Le
Conseil fédéral est d’avis «que, fondamentalement, les dispositions correspondantes
du code des obligations (art. 340 ss CO) peuvent également
s’appliquer aux rapports de travail du personnel de la Confédération, en respectant
toutefois des conditions très restrictives. Une telle limitation de la
liberté personnelle doit, d’une part, être fondée par un intérêt public prépondérant.
D’autre part, il faut que la nouvelle activité de l’ancien employé
fédéral représente une concurrence effective avec son activité précédente
78 Art. 321a, al. 4, CO.
79 Art. 22 de la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération [LPers],
RS 172.220.1 et art. 94, al. 2, de l’ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la
Confédération [OPers], RS 172.220.111.3. Comme la Délégation des commissions de
gestion des Chambres fédérales le note, l’employeur doit, au moment où les employés
quittent leurs fonctions, leur rappeler par écrit l’obligation de garder le secret qui les lie;
il peut par exemple établir la liste des principaux thèmes requérant le secret et demander
que cet engagement soit confirmé par une signature. Voir Rapport annuel 2004 des
Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres
fédérales du 21 janvier 2005; FF 2005, p. 1765 ss, 1802.
80 Art. 320 à 321ter CP.
81 Un accord écrit est nécessaire entre l’employeur et les employés (art. 340, al. 1, CO). Il
est fréquemment déjà stipulé au moment de la conclusion du contrat. Une disposition unilatérale
de l’employeur n’est pas possible.
670
auprès de la Confédération. Ces deux conditions ne sont que rarement
réunies.»82 Dans le cas de prestations militaires notamment, il n’est guère
imaginable que des acteurs privés puissent concurrencer la Confédération83.
4.7 Compétence de légiférer sur les activités
économiques lucratives privées (art. 95, al. 1, Cst.)
En vertu de l’art. 95, al. 1, Cst., la Confédération peut légiférer sur l’exercice des
activités économiques lucratives privées. Cette disposition attribue à la Confédération
une compétence législative très générale84. Bien qu’elle n’en ait pas fait usage
jusqu’ici, la Confédération pourrait donc légiférer sur les activités des entreprises de
sécurité privées principalement dans le but de protéger un intérêt de police. Il s’agit
d’une compétence concurrente, et les cantons, comme nous le verrons au ch. 4.8
ci-dessous, ont pour la plupart légiféré dans ce domaine.
4.8 Droit cantonal
La Confédération n’ayant pas fait usage de sa compétence de légiférer, la législation
de police sur les entreprises de sécurité privées relève aujourd’hui essentiellement du
droit cantonal, comme nous le verrons ci-dessous.
4.8.1 Le Concordat des cantons romands
sur les entreprises de sécurité et autres législations
cantonales
Tous les cantons romands ont adhéré au Concordat du 18 octobre 1996 sur les
entreprises de sécurité (ci-après: le Concordat), qui fixe les règles communes régissant
l’activité des entreprises de sécurité et de leurs agents. En vertu du Concordat,
toute activité dans le domaine de la sécurité doit faire l’objet d’une autorisation.
Neuf autres cantons85 ont adopté une législation en matière d’entreprises de sécurité
privées qui, à l’instar du Concordat, soumet toute activité dans ce domaine à
l’obligation d’obtenir une autorisation. Dans onze autres cantons86, il n’est prévu
aucune obligation d’obtenir une autorisation. Dans trois de ces cantons87, toute
82 Rapport annuel 2004 des Commissions de gestion et de la Délégation des Commissions
de gestion des Chambres fédérales du 21 janvier 2005; FF 2005, p. 1765 ss, 1802.
83 L’art. 58 Cst. attribue la responsabilité de l’organisation et de l’engagement de l’armée à
la Confédération et, dans une faible mesure, aux cantons. Le militaire ressortit aux
domaines centraux du monopole de la puissance publique de l’Etat. De ce fait, il n’est pas
possible que des activités militaires privées viennent concurrencer l’armée sur le territoire
national. Pour ce qui est d’engagements militaires à l’étranger, une situation de concurrence
serait certes en principe imaginable, mais l’art. 66a, al. 2 de la loi fédérale du 3
février 1995 sur l’armée et l’administration militaire (loi militaire, [LAAM], RS 510.10)
interdit les actions de combat même dans le but d’imposer la paix, ce qui élimine également
un tel scénario.
84 Jean-François Aubert/Pascal Mahon, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich/Bâle/Genève, 2003, ad art. 95, p. 743, § 5.
85 AR, BL, BS, LU, NW, SG, SO, TG et TI.
86 AG, AI, BE, GL, GR, OW, SH, SZ, UR, ZG et ZH.
87 BE, SH et ZH.
671
personne active dans le domaine de la sécurité doit toutefois respecter les obligations
suivantes: informer la police sur les mesures prises ou prévues ainsi que sur tout fait
particulier, garder le secret sur toute observation faite dans le domaine d’activité de
la police et s’abstenir de tout acte pouvant gêner la police dans l’accomplissement de
ses tâches88.
Les activités visées par le Concordat ainsi que par les législations cantonales applicables
en la matière sont les suivantes: la protection des personnes, la surveillance
de biens mobiliers ou immobiliers et le transport de valeurs. Certaines législations
cantonales mentionnent également la surveillance de marchandises dangereuses.
Les activités exercées à l’étranger par des entreprises de sécurité privées établies en
Suisse ne sont pas régies par des dispositions spéciales. La portée de l’obligation
d’obtenir une autorisation pour exercer de telles activités dépend en fait de la réglementation
adoptée par le canton dans lequel l’entreprise a son siège. Ainsi, les
cantons concordataires exigent une autorisation non seulement pour exercer sur leur
territoire une des activités visées par le Concordat, mais aussi pour exploiter une
entreprise de sécurité dans un canton concordataire. Les autres cantons connaissant
un système d’autorisation se limitent à définir les activités soumises à autorisation89
ou prévoient que l’obligation d’obtenir une autorisation concerne les activités exercées
sur leur territoire90.
Le Concordat et les législations cantonales qui connaissent un système d’autorisation,
prévoient que le responsable de l’entreprise doit remplir un certain nombre
de conditions personnelles, telles que la nationalité suisse ou un permis d’établissement,
l’exercice des droits civils, l’absence de condamnation pénale et de poursuite
pour dettes. Seul le droit concordataire prévoit un examen cantonal pour le
responsable de l’entreprise.
Le personnel d’une entreprise de sécurité doit également obtenir une autorisation
dans certains cantons. Selon le droit concordataire, il peut être engagé s’il remplit
certaines conditions qui sont analogues à celles prévues pour le responsable de
l’entreprise. Les cantons non concordataires qui connaissent un système
d’autorisation91, prévoient en règle générale que l’obligation d’obtenir une autorisation
vaut également pour le personnel de l’entreprise.
Quatre cantons non concordataires92 tiennent un registre qui est accessible au public.
Le Concordat ne contient en revanche pas de disposition à ce sujet. La plupart des
cantons concordataires ont toutefois adopté des dispositions complémentaires dans
leur législation d’application. Dans deux cantons93, les autorisations sont publiées
dans la Feuille officielle cantonale.
Plusieurs législations cantonales94 prévoient expressément que les personnes physiques
ou morales actives dans le domaine de la sécurité ne disposent pas de compé-
88 Les données concernant le droit cantonal se basent sur une étude de droit comparé cantonal
réalisée par l’Institut du Fédéralisme de l’Université de Fribourg à la demande de
l’OFJ.
89 AR, BL, BS, LU, SG, SO.
90 NW, TG et TI.
91 AR, BL, BS, LU, NW, SG, TG.
92 AR, SO, SG et TG.
93 VD et TI.
94 AG, BL, BS, LU, NW, SG, SO, VD et ZH.
672
tences relevant de la puissance publique ou précisent que les mesures de contrainte
policières et les actes d’instruction pénale sont de la compétence de la police.
Seul le droit concordataire prévoit expressément que le recours à la force par des
personnes privées actives dans le domaine de la sécurité doit être limité à la légitime
défense et à l’état de nécessité au sens du code pénal suisse.
Selon le droit concordataire et plusieurs lois cantonales, l’achat et le port d’armes
sont régis par la législation spéciale y relative. Dans un canton (SG), le port d’armes
est interdit sauf autorisation spéciale de l’autorité compétente, notamment en cas de
protection de personnes et de transport de valeurs.
La plupart des cantons concordataires ont adopté des dispositions d’exécution
concernant l’utilisation de chiens.
Dans le canton de Genève, un projet de loi sur la formation des agents de sécurité est
en cours. Le canton du Tessin prévoit également de modifier sa législation en rendant
le brevet fédéral d’agent de sécurité obligatoire.
4.8.2 Les dispositions modèles de la Conférence
des commandants des polices cantonales de Suisse
A la demande de l’Association des entreprises suisses de service de sécurité (AESS),
la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS) a élaboré
des dispositions modèles sur les entreprises de sécurité privées95. Il s’agirait de
recommander aux cantons de transposer ces dispositions modèles dans leur législation.
En effet, suite à quelques difficultés ponctuelles de la part de certaines entreprises
de sécurité de respecter les règles professionnelles en la matière, l’AESS a
considéré que des lignes directrices pour favoriser une pratique uniforme entre les
différents cantons seraient opportunes, notamment en ce qui concerne l’obligation
pour le responsable d’une entreprise de sécurité privée d’obtenir une autorisation
d’exploiter.
Les dispositions modèles de la CCPCS s’inspirent de la législation soleuroise. Le
responsable d’une entreprise de sécurité est tenu d’obtenir une autorisation s’il
envisage d’exercer une activité dans les domaines suivants: la protection des personnes,
la surveillance et la protection de biens, le transport de valeurs, l’exécution de
tâches de sécurité sur mandat d’une autorité et la profession de détective. Les noms
des titulaires d’autorisations sont publiés. Tout collaborateur engagé pour exécuter
des tâches de sécurité doit être annoncé à l’autorité cantonale compétente en matière
d’autorisations. La répartition des tâches entre les polices cantonales et communales
d’une part et les entreprises de sécurité privée d’autre part, telle qu’elle est définie
par la loi, est expressément réservée. Il est toutefois précisé que la délivrance d’une
autorisation ne confère pas de compétences relevant de la puissance publique. Les
dispositions modèles règlent la collaboration avec la police et prévoient que les
détenteurs d’une autorisation doivent faire en sorte de ne pas être confondus avec les
organes de police. L’uniforme doit en particulier se distinguer de celui porté par ces
derniers. Le port d’armes est régi par la législation fédérale applicable en la matière.
95 Le groupe de travail interdépartemental a eu l’occasion d’entendre une représentante de la
CCPCS.
673
Les dispositions modèles de la CCPCS ont fait l’objet d’une procédure de consultation;
les prises de position étaient dans leur ensemble positives. Les milieux consultés
se sont exprimés en faveur d’une solution uniforme, par exemple sous la forme
d’un concordat. Les résultats de cette procédure n’ont en revanche pas montré qu’il
existe un besoin spécifique de la part des milieux concernés d’adopter une législation
fédérale en la matière. Quant à la solution de recommander aux différents
cantons concernés d’adhérer au Concordat des cantons romands, elle n’a pas été
retenue. En effet, plusieurs cantons considèrent que les formalités prévues dans cette
convention par rapport à l’octroi d’une autorisation d’engager du personnel sont trop
contraignantes pour l’autorité compétente.
Les dispositions modèles de la CCPCS n’ont pas force de loi, mais elles devraient
inciter les cantons à adopter une législation uniforme. Les cantons romands ne
devraient pas changer de pratique puisqu’ils ont adhéré au Concordat.
5 Cadre du droit international public
Le droit international public ne réglemente pas explicitement les activités des entreprises
de sécurité privées dans les zones de conflit. Des normes de droit international
public n’existent qu’à propos de la thématique des mercenaires (ch. 5.1). Pourtant,
les règles générales du droit international public sont pertinentes, de même que
celles du droit international humanitaire et, dans certaines circonstances, celles des
droits de l’homme (ch. 5.2 à 5.4). Enfin, le droit de la neutralité impose certaines
obligations aux Etats neutres (ch. 5.7).
5.1 Les règles du droit international public concernant
le mercenariat
5.1.1 Art. 47 du premier protocole additionnel de 1977
Le droit international humanitaire contient en l’art. 47 du premier protocole additionnel
de 1977 (Protocole I)96, qui a été ratifié par une large majorité des Etats, une
seule disposition concernant spécifiquement les mercenaires97.
96 Protocole additionnel du 8 juin 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à
la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), avec annexes,
RS 0.518.521.
97 L’art. 47, intitulé «Mercenaires», est libellé comme suit:
1. Un mercenaire n’a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre.
2. Le terme «mercenaire» s’entend de toute personne:
a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour combattre dans un
conflit armé;
b) qui en fait prend une part directe aux hostilités;
c) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d’obtenir un avantage personnel
et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son
nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou
payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces
armées de cette Partie;
d) qui n’est ni ressortissant d’une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé
par une Partie au conflit;
e) qui n’est pas membre des forces armées d’une Partie au conflit; et
f) qui n’a pas été envoyée par un Etat autre qu’une Partie au conflit en mission
officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat.
674
Comme on le constate au premier paragraphe de cette disposition, l’art. 47 du Protocole
I n’interdit pas le mercenariat, bien que les Etats africains en particulier
l’eussent souhaité lors des négociations concernant cette norme. En vertu de l’art. 47
du Protocole I, il est toutefois possible de refuser aux mercenaires le statut privilégié
de combattants ou de prisonniers de guerre. En particulier, contrairement à ces
derniers, les mercenaires peuvent être poursuivis pénalement par l’Etat ennemi pour
le simple fait d’avoir participé activement à un conflit international armé.
Un Etat n’est certes pas contraint de refuser le statut de prisonnier de guerre à un
mercenaire, mais celui-ci ne peut faire valoir aucun droit. Il est vrai que même les
mercenaires à qui l’on a refusé le statut de prisonniers de guerre ne sont pas totalement
exempts de protection: ils bénéficient de la protection minimale prévue par
l’art. 75 du Protocole I, qui revêt un caractère de droit international public coutumier.
L’art. 47 du Protocole I perd toutefois toujours plus de son importance en pratique.
Les six conditions cumulatives énumérées au par. 2 sont tellement restrictives et de
ce fait souvent difficiles à prouver que les employés d’une entreprise de sécurité
privée ne sont guère concernés. Si la majorité des entreprises militaires privées
proposent des prestations de services de nature essentiellement militaire, elles ne
participent que dans de rares cas directement aux hostilités. Surtout, les citoyens
d’un pays prenant part à un conflit ne peuvent être par définition des mercenaires. Il
y a donc lieu d’admettre qu’en fait, même parmi les employés d’une entreprise de
sécurité privée qui exercent des fonctions militaires et qui sont actifs dans des situations
de conflit, une petite partie seulement pourrait être éventuellement qualifiée de
mercenaires.
5.1.2 Instruments pertinents de l’ONU et de certaines
organisations locales
La discussion sur le mercenariat conduite au sein des Nations Unies a été et est
toujours essentiellement marquée par des expériences post-coloniales. A l’époque de
la décolonisation, plusieurs des Etats alors en voie de constitution et des régimes qui
aspiraient à l’indépendance se sont trouvés directement menacés par des formations
de mercenaires. Les instruments de l’ONU conçus sur la base de ces expériences
visent notamment à empêcher que des mercenaires ne soient engagés contre des
gouvernements légitimes et leur autodétermination.
En 1970, l’Assemblée générale de l’ONU a approuvé la Déclaration 2625 (XXV)
relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats («Friendly Relations Declaration»). Cette déclaration
n’est pas formellement contraignante, mais on la considère comme l’un des documents
fondamentaux des Nations Unies et de l’interprétation de la Charte de l’ONU.
Le premier principe précisé dans la Déclaration est celui de l’interdiction du recours
à la force (sur la base du droit international coutumier), c’est-à-dire l’interdiction
faite aux Etats de toute menace ou de tout recours à la force dans les relations internationales
qui serait orienté contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique
d’un Etat ou qui serait par ailleurs incompatible avec les buts des Nations Unies. En
voici un extrait:
675
«Chaque Etat a le devoir de s’abstenir d’organiser ou d’encourager l’organisation de
forces irrégulières ou de bandes armées, notamment de bandes de mercenaires, en vue
d’incursions sur le territoire d’un autre État.»
Cette déclaration de 1970 établit donc une obligation pour les Etats de ne pas engager
de mercenaires contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance d’un autre Etat.
La mention explicite du mercenariat par l’Assemblée générale de l’ONU représente
une nouveauté dans le traitement international du mercenariat, car le droit international
public ne s’était jamais intéressé à cette problématique auparavant. Toutefois,
la déclaration ne définit pas ce qu’il faut entendre par «forces irrégulières» ou «bandes
armées».
L’actuelle Union africaine (UA), anciennement Organisation de l’unité africaine
(OUA), a adopté le 3 juillet 1977 une Convention pour l’élimination du mercenariat
en Afrique, dont l’art. 1, al. 1, définit les mercenaires presque selon les mêmes
termes que l’art. 47 du Protocole I. Comme décrit plus haut, il est de ce fait difficile
en pratique de qualifier juridiquement une personne de mercenaire sur cette base98.
La convention n’interdit toutefois pas aux Etats signataires tout recours à des mercenaires,
notamment leur engagement contre des groupes dissidents à l’intérieur du
pays même99.
La Convention de l’ONU du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l’utilisation, le
financement et l’instruction des mercenaires définit ceux-ci à l’art. 1, al. 1 de façon
très similaire à l’art. 47 du Protocole I. De ce fait, même en se référant à la convention
de l’ONU, il est difficile en pratique de qualifier quelqu’un de «mercenaire».
Toujours est-il que la définition retenue par la convention de l’ONU va légèrement
plus loin que celle du premier protocole additionnel: outre les situations de conflits
armés, elle couvre le recours organisé à la force qui vise à renverser un gouvernement
ou à saper d’une autre manière l’ordre constitutionnel ou l’intégrité territoriale
d’un Etat.
La Convention de l’ONU qualifie de crimes le recrutement, le financement,
l’instruction et l’utilisation de mercenaires ainsi que la participation active des
mercenaires aux actes de violence organisée. Les Etats signataires sont tenus
d’interdire de telles activités.
98 L’art. 1, al. 2, de la convention qualifie de crime l’organisation, le financement,
l’instruction ou d’autres formes de soutien ou de mandat à des bandes de mercenaires,
lorsque ces mesures sont dirigées contre un processus d’autodétermination ou contre
l’intégrité territoriale d’un autre Etat et qu’elles font recours au combat armé. De tels crimes
peuvent être le fait de groupes, d’associations, voire d’Etats signataires. Est réputé
crime également le fait qu’un Etat autorise, éventuellement passivement, de telles activités
de mercenariat sur le territoire qu’il contrôle ou qu’il permette le transit ou le transport
de mercenaires. L’art. 3 refuse aux mercenaires le statut de combattants ou de prisonniers
de guerre. L’art. 6 prévoit que les Etats signataires doivent empêcher le recrutement,
l’instruction, le financement et l’équipement de mercenaires ainsi que les activités de
mercenariat exercées par leurs citoyens ou par des étrangers sur le territoire des Etats
concernés.
99 24 pays africains ont ratifié la convention, dont l’Egypte, le Nigéria, le Sénégal, le Soudan
et la Tunisie, mais pas l’Afrique du Sud, la Sierra Leone ou la Libye.
676
La convention n’est entrée en vigueur que plus de dix ans après son acceptation100.
A ce stade, la Suisse n’a pas ratifié la convention. La question de la ratification
n’était pas prioritaire dans les années 1990, d’autant que les avis divergeaient déjà à
l’époque quant à son efficacité. La convention ne reflète pas un droit international
public coutumier, comme le souligne le nombre réduit des ratifications.
5.1.3 Conclusion: le droit international public coutumier
n’interdit pas le mercenariat
Tandis que l’art. 47 du Protocole I et la Déclaration de l’ONU relative aux principes
du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
(«Friendly Relations Declaration») n’interdisent pas le mercenariat, la Convention
de 1977 de l’UA tout comme la convention de 1989 de l’ONU ne constituent de loin
pas des instruments juridiques universellement acceptés. Ainsi, le droit international
public coutumier n’interdit pas le mercenariat et il ne comporte également aucune
norme qui le restreigne spécifiquement.
S’agissant des conventions de l’UA et de l’ONU, il faut noter que plusieurs notions
qui y sont définies sont tellement restrictives et difficiles à prouver que la portée
pratique de ces conventions est limitée même pour les Etats qu’elles engagent. En
outre, ces deux conventions concernent surtout les individus qui agissent à
l’encontre de gouvernements nationaux et elles ne sont pas destinées à réglementer
l’engagement d’entreprises de sécurité privées dans des situations générales de
conflit. Pour ces raisons, la notion de «mercenaire» a été qualifiée en partie
d’obsolète et d’inappropriée pour réglementer judicieusement le phénomène des
entreprises militaires et de sécurité privées, dont le développement s’est poursuivi.
Il faut par conséquent examiner les normes de droit international public généralement
valables, qui ne concernent donc pas spécifiquement les mercenaires, pour
trouver d’éventuelles dispositions de droit international public réglementant
l’engagement et le comportement des entreprises de sécurité privées.
5.2 Droit international public général
5.2.1 Principes généraux du droit international public
Selon le principe de la prohibition de la force relevant du droit international public
coutumier, principe fixé à l’art. 2, al. 4, de la Charte de l’ONU, il est interdit aux
Etats, «dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de
la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat,
soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies». La légitime
défense individuelle ou collective (art. 51 de la Charte de l’ONU) ou une réso-
100 Actuellement, 26 Etats sont liés par la convention, y compris l’Angola, la Nouvelle-
Zélande, le Nigéria et la République démocratique du Congo (ancien Zaïre). Six Etats
européens l’ont ratifié (la Belgique, l’Italie, la Croatie, l’Ukraine, le Bélarus, Chypre) et
quatre l’ont signée (l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie et la Serbie-Monténégro). Jusqu’ici,
les Etats occidentaux militairement influents tels que les Etats-Unis, la Grande-
Bretagne et la France, mais aussi la Russie et la République populaire de Chine, se sont
abstenus de la ratifier.
677
lution du Conseil de sécurité de l’ONU selon le chapitre VII de la Charte constituent
des exceptions à cet égard. Comme nous l’avons déjà relevé, la Déclaration de
l’ONU de 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats («Friendly Relations Declaration») impose
en outre aux Etats de «s’abstenir d’organiser ou d’encourager l’organisation de
forces irrégulières ou de bandes armées, notamment de bandes de mercenaires, en
vue d’incursions sur le territoire d’un autre Etat.» Les Etats ne peuvent violer
l’interdiction du recours à la force et l’obligation de non-intervention, que ce soit
par leurs propres forces armées ou par l’engagement d’entreprises de sécurité
privées.
5.3 Droit international humanitaire
5.3.1 Quelle est la teneur du droit international
humanitaire?
Le droit international humanitaire est aussi appelé droit des conflits armés, droit
international de la guerre ou «ius in bello». Il n’est applicable que dans les situations
de conflits armés. Le but de ce domaine du droit est d’atténuer les souffrances des
victimes potentielles et les autres effets négatifs de la guerre.
Les quatre conventions de Genève de 1949101 et leurs deux protocoles additionnels
de 1977102, les conventions de La Haye de 1907103 et plusieurs conventions interdisant
des armes spécifiques ou qui en limitent l’usage comptent parmi les principales
sources de droit international humanitaire. La quasi-totalité des Etats ont ratifié les
conventions de Genève, et les protocoles additionnels sont aussi contraignants pour
une large majorité d’Etats, dont la Suisse. Les conventions de La Haye, elles aussi,
sont largement reconnues. De fait, une part assez importante des obligations du
droit international humanitaire émane du droit international public coutumier.
Toutefois, les dispositions de droit international humanitaire applicables aux conflits
internationaux armés sont nettement plus nombreuses et détaillées que celles visant
les conflits domestiques.
Le droit international humanitaire contient d’une part des règles précises, à respecter
s’agissant des personnes qui se trouvent dans le domaine soumis à l’autorité d’une
partie au conflit (en particulier la population civile dans les territoires occupés et les
prisonniers), notamment l’interdiction de la torture, l’interdiction de traitements
inhumains, l’interdiction du transfert des populations civiles ou la libération des
prisonniers à la fin du conflit armé. En outre, le droit international humanitaire règle
les modalités de la conduite des combats lors de conflits armés en limitant les pratiques
autorisées. Ainsi, les attaques contre les personnes et les objets protégés, tels
que les personnes civiles, les objets civils ou le personnel et les objets de la Croix-
Rouge sont prohibées. De plus, les attaques contre des cibles militaires sont interdites
s’il faut s’attendre à ce que les dommages aux personnes civiles et aux objets
civils soient disproportionnés. L’utilisation de certaines armes est elle aussi interdite
(armes chimiques, armes biologiques). En outre, certaines méthodes de combat
comme la perfidie ou l’utilisation abusive de l’emblème de la Croix-Rouge sont
101 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
102 RS 0.518.521; 0. 518.522
103 RS 0.515.21; 0.515.22
678
exclues. Les puissances d’occupation sont encore astreintes à des obligations spécifiques
à l’endroit de la population et de l’administration des territoires occupés.
5.3.2 Applicabilité du droit international humanitaire
aux entreprises de sécurité privées
Le droit international humanitaire ne vise pas les Etats seulement. Il comporte de
nombreuses dispositions que les individus, voire les personnes civiles, sont tenus
de respecter. L’exemple peut-être le plus connu est l’art. 3, commun aux quatre
conventions de Genève104, selon lequel les civils et les membres des forces armées
qui ont rendu les armes, ainsi que les personnes qui, malades, blessées ou captives,
ne sont pas (ou plus) en état de combattre, doivent être traités avec humanité et ne
pas être exposés à des attaques contre leur vie ou leur intégrité corporelle, à des
mutilations, à la torture ou à des traitements cruels. Tous les individus qui participent
activement à des conflits armés domestiques ou internationaux, qu’ils soient les
membres de forces armées, des personnes civiles munies spontanément d’une arme
ou les employés d’une entreprise de sécurité privée, sont tenus, indépendamment de
leur nationalité, de respecter certaines règles minimales régissant la conduite de la
guerre. La même règle s’applique aux personnes qui surveillent des prisonniers dans
le cadre d’un conflit armé.
5.3.3 Obligations des Etats concernant les entreprises
de sécurité privées
L’art. 1 commun aux quatre conventions de Genève précise que les Etats signataires
sont tenus de respecter et de faire respecter les conventions de Genève en toutes
circonstances. Les Etats doivent donc d’une part veiller à ce que tous les acteurs
étatiques observent le droit international humanitaire. En outre, les Etats signataires
des conventions de Genève ont l’obligation de contribuer à ce que les tiers, qu’il
s’agisse d’autres Etats ou de privés, respectent le droit international humanitaire. Les
Etats ne peuvent pas se soustraire à leurs obligations afférentes au droit international
humanitaire en transférant certaines tâches à des entreprises privées. Bien plus,
ils sont tenus de veiller à ce que les entreprises de sécurité privées respectent le
droit international humanitaire lorsqu’ils les engagent dans une situation de conflit,
ou si elles ont leur siège sur leur territoire, ou encore si elles opèrent sur leur territoire.
De surcroît, les Etats signataires sont tenus de poursuivre les violations graves
aux conventions de Genève, indépendamment du lieu de l’infraction et de la nationalité
de son auteur ou de ses victimes.
104 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
679
5.4 Les droits de l’homme
5.4.1 Le respect des droits de l’homme, une obligation
traditionnelle des Etats
Les droits de l’homme, comme composante du droit international humanitaire,
n’obligent traditionnellement que les Etats envers leurs citoyens ou les autres personnes.
Il incombe aux Etats de veiller à ce que les acteurs qui opèrent pour eux
respectent les droits de l’homme.
En ce qui concerne les entreprises de sécurité privées, mandatées par des Etats sans
être intégrées dans le corps des forces policières ou armées d’un pays, la question se
pose en particulier de savoir si elles sont considérées comme des acteurs étatiques et,
par conséquent, si elles sont tenues de respecter les droits de l’homme garantis par le
droit international public.
A l’instar de ce qui prévaut pour le droit international humanitaire, les Etats ne
sauraient se défaire de leurs obligations en matière de droits de l’homme en
confiant certaines tâches à des privés.
En outre, les conventions internationales relatives aux droits de l’homme
s’appliquent aussi en situation de conflit armé, ainsi que la Cour internationale de
Justice105 et la Commission des droits de l’homme de l’ONU106 l’ont confirmé. Font
exception les droits de l’homme auxquels il est possible de déroger aux termes des
conventions. On ne saurait pas déroger, notamment, au droit à la vie, à l’interdiction
de la torture et à l’interdiction de traitements inhumains. En outre, le droit international
humanitaire constitue souvent la «lex specialis»: il indique comment il
convient d’interpréter concrètement un droit de l’homme dans une situation de
conflit armé.
5.4.2 Les droits de l’homme s’appliquent-ils aussi
directement aux entreprises de sécurité privées?
Lorsque des entreprises de sécurité privées sont mandatées par des personnes privées
physiques ou morales, et non par des Etats, elles ne constituent clairement pas des
acteurs étatiques. En pareil cas, la question se pose de savoir si les droits de
l’homme ou du moins certains d’entre eux s’appliquent aussi aux relations entre les
employés de ces entreprises de sécurité privées et d’autres personnes privées? La
question d’un tel effet horizontal des droits de l’homme est controversée.
Mentionnons toutefois que les privés, même en temps de paix, sont individuellement
punissables pénalement en application directe du droit international public, lorsqu’ils
ont commis de graves violations de certains droits de l’homme. Ce point est
notamment confirmé par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de
1998, ratifié par la Suisse107. En vertu de l’art. 7 de ce statut, les privés sont également
passibles de poursuites pénales pour crimes contre l’humanité, par exemple la
torture ou la disparition forcée de personnes.
105 Avis de droit du 9 juillet 2004 «Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé».
106 General Comment n° 31 du 29.3.2004.
107 RS 0.312.1
680
5.5 Conséquences de la violation du droit international
public
A ce stade, le droit international public ne prévoit pas, à l’encontre des entreprises,
de responsabilité pénale directement étayée par des dispositions de droit international
public, bien que des efforts aillent dans ce sens. Par contre, il est tout à fait
possible de poursuivre des individus au titre de leur responsabilité pénale en
s’appuyant sur le droit international public. De même, dans certaines circonstances,
les Etats peuvent être tenus responsables, en vertu du droit international public, des
dommages causés par des entreprises privées, s’ils ne respectent pas leur obligation
(relevant du droit international public) de renoncer à conduire ou tolérer sur leur
propre territoire des activités qui entraînent de graves dommages au-delà de leurs
frontières.
5.5.1 Responsabilité des Etats
Les actes ou les omissions qui, imputables aux Etats en vertu du droit international
public, sont contraires à ce droit même, entraînent la «responsabilité de ces Etats».
Des règles importantes de cette responsabilité des Etats sont contenues dans les
projets d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite
(«Draft Articles on Responsibility of State for Internationally Wrongful Acts»),
produits par la Commission du droit international (CDI) des Nations Unies, projets
d’articles qui reflètent le droit international public coutumier.
D’une part, un Etat peut se voir imputer un comportement illicite selon le droit
international public de l’un de ses organes108. D’autre part, le comportement
contraire au droit international public d’une personne physique, d’un groupe de
personnes physiques ou d’une personne morale, qui ne sont pas des organes étatiques,
sont également imputables à un Etat si le droit de celui-ci autorise ces acteurs
à exercer des activités relevant de sa souveraineté ou s’ils agissent de fait selon les
directives ou sous la conduite ou le contrôle de cet Etat. En outre, le comportement
d’une personne ou d’un groupe de personnes est assimilé, selon le droit international
public, aux actes de l’Etat, lorsque cette personne ou ce groupe de personnes assume
effectivement des fonctions relevant de la souveraineté de l’Etat en l’absence ou en
remplacement des autorités officielles alors que les circonstances commandent que
ces fonctions soient assurées (art. 5, 8 et 9 des projets d’articles de la CDI).
La conséquence de cette responsabilité de l’Etat est l’obligation d’indemniser complètement
(p. ex. par la reconstitution, la compensation du dommage ou la réparation)
les autres Etats lésés ou éventuellement la «communauté internationale» (projets
d’articles de la CDI, 2e partie).
Ainsi, en particulier, les actes d’entreprises de sécurité privées mandatées par un
Etat sont imputables selon les circonstances à cet Etat en vertu du droit international
public.
108 Il est en l’occurrence indifférent que l’organe étatique exerce une fonction législative,
exécutive, judiciaire ou autre, la position qu’il occupe dans l’organisation de l’Etat
n’importe pas, de même que de savoir s’il est ou non subordonné à une unité centrale ou
fédérale (art. 1, 2 et 4 des projets d’articles de la CDI).
681
Tandis que les projets d’articles de la CDI décrivent la responsabilité des Etats par
rapport à d’autres Etats ou à la communauté internationale, les particuliers peuvent
eux aussi poursuivre en justice, devant certaines instances nationales et internationales,
un Etat qui a violé certaines règles du droit international public (à savoir le droit
international humanitaire ou les droits de l’homme). L’examen des diverses possibilités
au niveau national ou régional de poursuivre un Etat en vertu du droit international
public excède toutefois le cadre de ce rapport.
5.5.2 Responsabilité individuelle relevant du droit pénal
international
5.5.2.1 Introduction et sources du droit
Certaines violations du droit international public entraînent une responsabilité
pénale individuelle reposant directement sur le droit international public. Les
sources du droit pénal international y afférentes sont, d’une part, certains traités
internationaux tels que les conventions de Genève109 ou la Convention de l’ONU de
1984 contre la torture110; d’autre part, le droit international coutumier est de très
grande importance. Il s’est développé sous l’impulsion de la pratique aux niveaux
national et international, notamment en s’inspirant des lois nationales, des manuels
militaires et des bases juridiques écrites et non écrites des tribunaux nationaux et
internationaux tels que les tribunaux ad hoc institués au terme de la Deuxième
Guerre mondiale à Nuremberg et à Tokyo, mais aussi les tribunaux de l’ex-
Yougoslavie et du Rouanda. Les crimes de droit international public cités dans le
Statut de Rome de la Cour pénale internationale111 reflètent le droit international
coutumier, comme il est largement reconnu.
5.5.2.2 Les faits
Les faits qui pourraient être potentiellement pertinents quant à l’engagement
d’entreprises de sécurité privées dans des situations de conflit comprennent les
crimes de guerre112 et les crimes contre l’humanité113 ainsi que des faits particuliers
tels que la torture114 ou la disparition forcée de personnes115.
109 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
110 RS 0.105
111 RS 0.312.1
112 Les crimes de guerre sont des violations du droit international humanitaire considérées
comme des crimes par le droit international public, par exemple la torture exercée sur des
prisonniers en relation avec un conflit armé, le meurtre de personnes civiles sans armes ou
le pillage de valeurs.
113 Les crimes contre l’humanité sont pour l’essentiel des violations des droits de l’homme
perpétrées systématiquement et à large échelle.
114 RS 0.105
115 Le 29 septembre 2005, un groupe de travail de la Commission des droits de l’homme de
l’ONU a élaboré un projet de convention pour la protection de toutes les personnes contre
les disparitions forcées: http://www.ohchr.org/english/issues/disappear/group/index.htm.
682
5.5.2.3 La juridiction nationale comme instrument
d’application du droit international public
S’agissant de l’application du droit international pénal, les tribunaux nationaux
fondent traditionnellement leur compétence avant tout sur les principes suivants: le
principe de territorialité (le crime a été perpétré sur le territoire de l’Etat du for), le
principe de personnalité active (l’auteur du crime est un citoyen de l’Etat en question),
le principe de personnalité passive (la victime est un citoyen de l’Etat en
question) et le principe d’universalité (en particulier pour les crimes graves contre le
droit international public, sans qu’un rattachement à l’Etat du for soit requis).
Certaines conventions comportent l’obligation pour les Etats signataires de poursuivre
pénalement par leurs propres tribunaux certaines violations desdites conventions.
Tant les conventions de Genève116 que la Convention de l’ONU contre la torture117
obligent en outre les Etats signataires à poursuivre pénalement les graves infractions
aux deux traités. Cette obligation s’appuie sur le principe d’universalité, elle
s’applique donc également si le crime a été commis dans un autre pays et si son
auteur ou sa victime ne sont pas des citoyens de l’Etat concerné.
La législation suisse prévoit par conséquent, en cas de graves violations des conventions
de Genève, ou d’autres crimes de guerre, ou d’usage de la torture, une juridiction
pénale suisse fondée sur le principe d’universalité. Une révision du droit pénal
visant à instituer la juridiction pénale également en cas de crime contre l’humanité
est en préparation suite à la ratification par la Suisse du Statut de Rome.
5.5.2.4 La juridiction internationale
Comme de nombreux Etats n’ont pas rempli à ce jour leurs obligations de poursuite
pénale de crimes relevant du droit international public, la communauté internationale
a institué plusieurs tribunaux ad hoc et la Cour pénale internationale (CPI) permanente.
Toutefois, selon le Statut de Rome118, la CPI n’est compétente que si le crime
s’est produit sur le territoire de l’un des Etats signataires ou s’il a été perpétré par
l’un de ses ressortissants, ou encore si le Conseil de sécurité de l’ONU défère une
situation à la CPI. Cette dernière n’est pas compétente lorsque les faits allégués font
l’objet d’une enquête dans le cadre d’une procédure pénale sérieuse au niveau national.
De plus, en raison de ses ressources limitées, elle ne peut examiner qu’un petit
nombre de crimes de droit international public parmi les plus graves.
116 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
117 RS 0.105
118 RS 0.312.1
683
5.6 Obligations de droit international public et rôle
de la Suisse en sa qualité d’Etat signataire
et dépositaire des conventions de Genève
La Suisse a des obligations quant au respect du droit international humanitaire et à la
promotion de ce dernier, davantage en sa qualité d’Etat signataire des conventions
de Genève119 qu’en sa qualité d’Etat dépositaire. Il n’en demeure pas moins que
récemment la communauté internationale lui a aussi confié, en tant qu’Etat dépositaire,
certaines tâches visant à promouvoir le droit international humanitaire.
Comme Etat signataire des conventions de Genève, la Suisse est tenue de les respecter
et de les faire respecter. Elle doit notamment veiller à ce que les autres Etats et
les privés observent les conventions de Genève, y compris, le cas échéant, les entreprises
de sécurité privées établies en Suisse et actives dans des zones de conflit, et ce
d’autant plus lorsqu’elle mandate elle-même des entreprises de sécurité privées pour
qu’elles assument certaines tâches dans des situations de conflit.
La Suisse en tant qu’Etat signataire des conventions de Genève a également
l’obligation de poursuivre pénalement les Suisses ou les étrangers séjournant sur
son territoire, qu’ils soient ou non employés d’entreprises de sécurité privées, s’ils
ont commis des crimes de guerre.
En outre, elle s’engage régulièrement sur le plan international pour que les conventions
de Genève soient systématiquement respectées. La partie finale de ce rapport
(ch. 6.2) présente les initiatives possibles que la Suisse pourrait prendre au plan
international.
5.7 Le droit de la neutralité en droit international
Les Etats neutres sont tenus d’avoir une position neutre par rapport aux conflits
armés internationaux et de ne pas prendre part aux hostilités. Une participation
indirecte de leur part par l’intermédiaire d’entreprises de sécurité ou d’entreprises
militaires privées chargées de soutenir militairement une des parties au conflit, n’est
pas non plus admissible. Le droit de la neutralité ne s’applique pas aux conflits
armés qui ne sont pas de nature internationale.
Les art. 4 et 5 de la Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les
devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre (Convention
de La Haye)120 prescrivent en outre que les puissances neutres ne doivent pas
tolérer que des corps de combattants soient formés ou que des bureaux
d’enrôlements soient ouverts sur leur territoire au profit de belligérants.
Il convient dès lors de se demander si la Suisse doit agir à titre préventif pour éviter
que des entreprises de sécurité ne recrutent activement du personnel sur son territoire
pour participer à des affrontements militaires dans le cadre d’un conflit armé
international. Le recrutement de combattants au sens de la convention susmentionnée
par des entreprises ayant leur siège en Suisse pourrait être interdit moyennant
l’adoption d’une base légale prévoyant un système de licence. De plus, en vertu de
l’art. 184, al. 3, Cst., le Conseil fédéral peut adopter les ordonnances ou prendre les
119 RS 0.518.12; 0.518.23; 0.518.42; 0.518.51
120 RS 0.515.21
684
décisions nécessaires si la sauvegarde des intérêts du pays l’exige. Toutefois, il ne
s’agirait pas d’une solution satisfaisante à long terme. A cet égard, il y a lieu de
rappeler que l’offre de forces de combat constitue clairement l’exception sur le
marché mondial des prestations de sécurité.
Selon l’art. 6 de la Convention de La Haye, la responsabilité d’une puissance neutre
n’est toutefois pas engagée par le fait que des individus passent isolément la frontière
pour se mettre au service de l’un des belligérants. Une puissance neutre n’est
pas non plus tenue d’empêcher l’exportation ou le transit, pour le compte de l’un ou
de l’autre belligérant, d’armes, de munitions, et, en général, de tout ce qui peut être
utile à une armée ou à une flotte (art. 7 de la Convention de La Haye). Selon l’art. 18
de cette même convention, les services rendus en matière de police ou
d’administration civile ne sont toutefois pas considérés comme actes commis en
faveur d’un belligérant. Il convient à ce propos de relever que les prestations en
faveur d’opérations pour établir ou maintenir la paix qui sont légitimées par une
résolution du Conseil de sécurité de l’ONU en tant que mesure de la communauté
internationale, ne sont pas non plus considérées comme des prestations en faveur
d’un belligérant.
6 Conclusions et propositions de mesures
6.1 Perspective nationale
6.1.1 Délégation de tâches de sécurité à des privés
Force est de constater qu’en l’état le recours par l’administration fédérale aux services
d’entreprises de sécurité privées ne pose pas de problèmes particuliers, au motif
que les tâches déléguées sont, dans les faits, étroitement limitées. La délégation de
tâches étatiques par les cantons et les communes au secteur privé semble en revanche
plus fréquente que pour la Confédération. Dans le cadre de leur autonomie
organisationnelle, les cantons peuvent déléguer de telles tâches. De nombreuses
entreprises de sécurité privées établies dans les cantons et les communes assument
des tâches traditionnelles de surveillance pour des privés ou pour le secteur public
(p.ex. surveillance d’objets, contrôle à l’entrée lors de grandes manifestations). La
collaboration entre les organes étatiques et les entreprises privées pour garantir
l’ordre et la sécurité publics est de manière générale satisfaisante. Il peut toutefois
survenir des problèmes lors de contrôles d’identité, lorsque les compétences et les
droits d’intervention des agents d’entreprises de sécurité ne sont pas clairement
définis.
Les tâches étatiques dans le domaine de la sécurité ne peuvent pas toutes être déléguées
au secteur privé. La puissance publique (voir ch. 2.2) expressément consacrée
dans la Constitution fédérale et dans celles des cantons (voir ch. 4.1 et 4.2), fixe au
contraire des limites relativement étroites121.
121 Récemment, la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP) a chargé le professeur
Walter Kälin d’établir un avis de droit sur la délégation de tâches de sécurité à des
privés et sur ses limites. Les travaux sont en cours.
685
Si la Confédération doit recourir à des privés pour des activités de sécurité et de
police dans un domaine de tâches qui peuvent être déléguées et qui relèvent de sa
compétence, une base légale suffisamment concrète est nécessaire. Vu l’importance
capitale du monopole de la puissance publique et de la protection des droits fondamentaux
pour toute démocratie libérale, une disposition légale générale de délégation
qui renvoie à une ordonnance ne suffit pas. Une loi au sens formel doit au
contraire contenir, en plus des principes d’organisation, les conditions de base et les
limites des activités de sécurité à régler. Cela signifie qu’elle doit en particulier
déterminer les buts, les restrictions ainsi que les mesures de contrainte autorisées et
interdites et qu’elle doit définir dans quelle mesure l’utilisation de la contrainte est
permise. Les principes de surveillance et de contrôle doivent également être fixés. A
titre d’exemple, on peut citer les récents projets de loi sur l’usage de la contrainte et
sur le service de sécurité des entreprises de transport, qui contiennent des dispositions
détaillées concernant les conditions et les limites de la délégation de tâches de
sécurité à des privés, notamment en cas d’usage de la contrainte.
Lorsque la Confédération mandate une entreprise de sécurité privée, le contrat
conclu entre les parties porte en règle générale sur les points suivants: les prestations
à fournir, la rémunération, les exigences concernant la formation et les compétences
du personnel de l’entreprise privée mandatée, les moyens que ce personnel est en
droit d’utiliser, les clauses de responsabilité en cas de dommages, la durée et le lieu
d’exécution du contrat, de même que le for en cas de litige sont généralement réglés
dans le contrat qui lie la Confédération à l’entreprise privée. Cette solution contractuelle
présente un certain nombre d’avantages au motif qu’elle offre la flexibilité
nécessaire au cas d’espèce. La question se pose toutefois de savoir si l’on ne devrait
pas régler de manière générale les critères minimaux qu’une entreprise de sécurité
doit remplir pour que la Confédération puisse recourir à ses services de même que
les points qui doivent impérativement être réglés dans le contrat.
6.1.2 Surveillance de l’Etat sur les activités des entreprises
de sécurité privée
Actuellement, la surveillance sur les entreprises de sécurité privées relève de la
compétence des cantons. Il se pose la question de savoir si la réglementation actuelle
est suffisante.
La réglementation des cantons concernant les entreprises de sécurité privées et les
personnes actives dans le domaine de la sécurité et de la police manque aujourd’hui
d’unité. Si l’on tient compte du fait que des événements d’une certaine envergure sur
le plan interrégional et international jouent un rôle plus important aujourd’hui, que
les menaces d’attentats terroristes à l’échelon mondial rendent nécessaire la mise en
place d’un large réseau de sécurité dépassant souvent les frontières cantonales et
qu’elles exigent une organisation adéquate de la part de l’organisateur de ces événements,
des législations cantonales uniformes seraient certainement à long terme
souhaitables. Il est également nécessaire que tous les cantons prévoient un système
minimal standard d’autorisation et de surveillance des entreprises de sécurité privées
et de leurs activités afin d’éviter des problèmes avec des fournisseurs de services peu
sérieux et peu professionnels.
686
Les efforts des cantons suisses allemands d’harmoniser davantage leur législation
concernant les entreprises de sécurité privées et les personnes actives dans le
domaine de la sécurité sont très prometteurs, ce d’autant plus qu’ils sont non seulement
le résultat d’une collaboration avec les professionnels de la branche mais qu’ils
répondent aussi au souhait de ces derniers. Quant aux cantons romands, ils ont choisi
la solution du concordat en vigueur depuis 1996. Le Conseil fédéral considère
qu’une plus grande harmonisation des législations cantonales n’est pas seulement
souhaitable mais qu’elle est nécessaire au vu du développement rapide des prestations
de sécurité privées. Il recommande par conséquent aux cantons qui n’ont pas
légiféré ou qui ont une législation succincte en matière de sécurité, de le faire dans
les meilleurs délais, en adhérant au Concordat concernant les entreprises de sécurité
ou en s’inspirant des dispositions modèles de la CCPCS. Au vu des efforts des
cantons d’harmoniser leur législation, le Conseil fédéral considère qu’en l’état il
n’est pas nécessaire d’édicter des dispositions de droit fédéral.
La question des entreprises qui opèrent à l’étranger depuis le territoire suisse mérite
toutefois un examen particulier (voir ch. 6.1.3 ci-dessous).
6.1.3 Entreprises de sécurité privées actives dans les zones
de crise et de conflit
L’enquête menée auprès des cantons a révélé que des entreprises de sécurité privées
sont aujourd’hui déjà actives dans certains cas à partir de la Suisse dans des zones de
conflit ou qu’elles envisagent à tout le moins un pas dans ce sens à brève échéance.
L’aperçu présenté sous ch. 3.3 des activités de fournisseurs de prestations militaires
et de sécurité privés, qui opèrent à l’étranger à partir du territoire national suisse,
révèle deux aspects:
– Il n’est actuellement guère possible de présenter une vue d’ensemble complète
de telles activités, car les entreprises concernées ne sont recensées
qu’au niveau cantonal, pour autant qu’elles le soient et elles ne sont pas
soumises à une surveillance particulière. De plus, les cantons appliquent des
règles disparates.
– Les recherches conduites auprès des cantons indiquent que quelques entreprises
militaires ou de sécurité privées actives dans des zones de conflit ou
de crise, ou qui n’excluent pas une telle activité, opèrent ou pourraient opérer
à partir du territoire national suisse. Il n’est actuellement pas possible
d’évaluer définitivement la portée de cette problématique. Eu égard aux risques
potentiels (implications dans les conflits internationaux délicates du
point de vue de la politique de neutralité; graves violations du droit international
public à partir du territoire national suisse), la Suisse a toutefois un
intérêt crucial à connaître les personnes et les entreprises éventuellement
actives à partir de son territoire dans des zones de crise et de conflit et à
pouvoir vérifier la conformité de leurs activités avec les dispositions du droit
national et celles du droit international public.
Pour ces raisons, le Conseil fédéral est prêt à examiner s’il faut soumettre les fournisseurs
de prestations militaires et de sécurité privés actifs dans les zones de crise et
de conflit à une autorisation ou un enregistrement fédéral obligatoire. D’autres pays,
par exemple les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud, le font déjà ou
687
l’envisagent concrètement. Il y aurait également lieu de vérifier la base constitutionnelle
d’une telle réglementation fédérale. Elle pourrait se fonder sur l’art. 95, al. 1,
Cst., mais aussi éventuellement sur la compétence globale de la Confédération en
matière de politique étrangère (art. 54, al. 2, Cst.), puisque la responsabilité de la
Confédération peut être mise en cause en vertu du droit international public si des
entreprises de sécurité privées venaient à violer ce droit à l’étranger tout en opérant à
partir du territoire national suisse avec l’assentiment de la Confédération. D’autre
part, les organes politiques suprêmes de la Confédération sont compétents pour
prendre des mesures destinées à préserver la sécurité extérieure et la neutralité de la
Suisse, de même que pour prendre les mesures nécessaires en vue de sauvegarder les
intérêts nationaux (art. 173, al. 1, let. a, 184, al. 3, et 185, al. 1, Cst.).
Dans ce contexte, le Conseil fédéral entend suivre l’évolution internationale et
examiner en profondeur la problématique des entreprises militaires et de sécurité
privées qui opèrent sur le plan international à partir du territoire national suisse.
6.1.4 Responsabilité pénale, civile et de droit public
De l’avis du Conseil fédéral, il n’est pas nécessaire actuellement d’étoffer la réglementation
en matière de responsabilité pénale, civile et de droit public pour les
entreprises et les personnes privées actives dans le domaine sécuritaire ainsi que
pour leurs mandants privés ou étatiques.
Le Conseil fédéral pense que la responsabilité civile et de droit public concernant les
dommages causés par un comportement illicite est suffisamment réglementée pour
le moment.
En ce qui concerne le droit pénal international, il existe suffisamment de dispositions
pénales concrètes qui permettent de sanctionner les violations graves des droits
protégés, notamment les droits de l’homme et le droit international humanitaire. Au
niveau interne, le droit suisse prévoit un certain nombre de principes (art. 3 à 6bis
CP) qui fixent non seulement le domaine d’application de la loi suisse, mais également
la compétence des autorités judiciaires suisses pour poursuivre l’auteur d’une
infraction. En vertu de ces principes, le droit suisse est applicable s’il existe une
circonstance de rattachement à la Suisse, notamment lorsque l’auteur de l’infraction
est établi en Suisse (voir p. ex. art. 6bis CP). D’autres législations étrangères connaissent
le même principe. En revanche, le droit suisse ne confère pas de compétence
universelle aux autorités judiciaires suisses pour poursuivre tout crime ou délit
commis à l’étranger. Cette réglementation a pour conséquence que le personnel
étranger d’une entreprise de sécurité privée établie dans notre pays et opérant à
l’étranger ne pourrait en principe pas être poursuivi en Suisse pour les infractions
commises par lui à l’étranger s’il n’est pas établi dans notre pays. En effet, une
circonstance légale de rattachement à la Suisse fait défaut. A ce propos, il convient
de rappeler que les compétences pénales des autorités suisses ne sauraient être
étendues sans tenir compte de la décision du Parlement selon laquelle les crimes de
guerre commis par un ressortissant étranger à l’étranger ne peuvent être poursuivis
par la justice suisse que s’il existe un lien étroit entre l’auteur de l’infraction et notre
pays122. Il est probable que cette décision fasse à nouveau l’objet de discussions au
Parlement par rapport à d’autres crimes graves lorsque ce dernier traitera du projet
122 BO CE 2003 938.
688
de loi relatif aux mesures complémentaires nécessaires à la mise en oeuvre du Statut
de Rome, qui se trouve actuellement au stade de la procédure de consultation. On ne
saurait en outre faire abstraction du fait qu’une compétence universelle des autorités
judiciaires suisses en matière pénale impliquerait un certain nombre de difficultés
procédurales importantes, notamment en ce qui concerne l’instruction et l’administration
des preuves. Comme exposé sous ch. 4.5.3.2, l’entreprise de sécurité
privée pourrait, le cas échéant, être poursuivie par les autorités suisses aux conditions
prévues à l’art. 100quater CP.
6.1.5 Transfert de «savoir-faire» par d’anciens
employés de la Confédération à des entreprises
de sécurité privées
Il n’est pas nécessaire d’édicter des dispositions particulières concernant le transfert
de «savoir-faire» par d’anciens employés de la Confédération à des entreprises de
sécurité privées. En effet, le Conseil fédéral est de l’avis que les dispositions en
vigueur, en particulier les art. 320 à 321ter CP qui sanctionnent la violation de
l’obligation de garder le secret, sont suffisantes. Si l’on voulait aller plus loin et
interdire aux anciens employés de la Confédération ou à certaines catégories d’entre
eux d’utiliser leurs connaissances au service d’un employeur privé, cela équivaudrait
bien souvent en pratique à une interdiction pour ces personnes d’exercer leur activité
professionnelle, surtout dans des secteurs offrant des débouchés limités. Une telle
mesure pourrait avoir des effets disproportionnés, d’autant que les collectivités
publiques ne sont plus toujours en mesure de garantir à ces personnes le maintien de
leur emploi.
6.2 Perspective de politique étrangère
6.2.1 Esquisses de solutions possibles du point
de vue international
Il y a lieu d’examiner de manière plus approfondie si de nouvelles normes de droit
international public, qui s’appliqueraient spécifiquement aux entreprises militaires et
de sécurité privées et aux personnes actives dans ces domaines doivent être édictées.
Dans tous les cas, la communauté des Etats se doit d’étudier, dans le cadre d’un
dialogue interétatique, l’opportunité d’édicter des réglementations sur le plan
national, qui permettent de contrôler efficacement l’engagement d’entreprises de
sécurité privées à l’étranger en situation de conflit.
On pourrait par exemple envisager les mesures et dispositions internes suivantes, qui
font aussi l’objet de discussions parmi les spécialistes:
a. retenue lorsqu’il s’agit de s’écarter du monopole étatique de la puissance
publique: les tâches relevant du monopole étatique de la puissance publique
ne devraient être déléguées qu’avec retenue à des privés;
b. réglementation de l’usage de la force par les entreprises de sécurité privées:
les entreprises appelées à s’engager dans des zones de conflit à l’étranger
pourraient être soumises en partie aux mêmes règles que les forces armées;
689
une structure de responsabilité adéquate (chaîne de commandement claire)
devrait être garantie dans la perspective d’un contrôle efficace de l’Etat;
c. surveillance efficace: des organisations ou des organes appropriés aux plans
national (p.ex. le Parlement) et international devraient disposer d’une vue
d’ensemble des activités des entreprises privées actives sur la scène internationale,
et être en mesure d’intervenir, le cas échéant, en exerçant leurs droits
de surveillance;
d. sanctions et responsabilités individuelles efficaces: les actes punissables
doivent être efficacement poursuivis et sanctionnés, en particulier lorsqu’il
s’agit de crimes de guerre ou d’autre crimes relevant du droit international
public;
e. système de licence ou procédure d’autorisation: l’octroi d’une licence d’Etat
pourrait constituer une condition préalable à l’activité d’une entreprise de
sécurité privée dans des zones de conflit à l’étranger; les rapports de propriété,
la structure et l’offre de services des entreprises devraient être déclarés;
on pourrait en outre imaginer que certains mandats soient soumis à autorisation;
les licences pourraient être publiées; les points suivants pourraient
jouer un rôle dans l’octroi de la licence:
– définition de conditions minimales régissant la formation de base et la
préparation du personnel à un engagement déterminé de même que le
comportement à observer dans le pays hôte («code de conduite» et
«Rules of Engagement»);
– examen et sélection: contrôle de l’aptitude du personnel sous l’angle du
caractère (p.ex. absence de condamnation pénale, bonne réputation);
– monitorage: garantie d’un contrôle régulier efficace (p.ex. obligation de
prévoir des clauses correspondantes dans les contrats passés entre les
Etats mandants et les entreprises privées);
– obligation de prévoir des conditions minimales dans les contrats: par
exemple, obligation de respecter le droit international humanitaire et les
droits de l’homme, obligation de former le personnel sous cet angle,
limites à respecter en matière de sous-traitance de tâches de sécurité à
des entreprises privées locales ou à d’autres entreprises privées étrangères,
obligation de respecter la législation de l’Etat hôte;
f. régime adéquat de contrôle des exportations: des contrôles praticables et
efficaces des exportations devraient être institués notamment pour les biens
à double usage («dual use»), qui sont utilisés pour la logistique et
l’infrastructure des entreprises de sécurité privées;
g. harmonisation de la législation sur les armes: les dispositions concernant les
entreprises de sécurité privées actives à l’étranger pourraient être harmonisées
avec la législation nationale sur l’exportation d’armes (cohérence entre
l’exportation de biens et celle de services militairement sensibles);
h. interdiction de certaines activités: il serait envisageable de prohiber totalement
certaines opérations, par exemple celles qui sont exécutées par des personnes
privées agissant en dehors d’une structure d’entreprise, ou les engagements
au combat, ou encore les prestations particulièrement délicates
telles que les enquêtes personnelles et les activités de renseignement.
690
Toutefois, une solution purement nationale ne suffit pas. D’une part, les entreprises
de sécurité privées actives internationalement, qui sont fréquemment organisées de
manière très flexible, peuvent déjouer une réglementation nationale en transférant
leur siège dans un autre Etat (en changeant ou non d’appellation), ou elles peuvent
se dissoudre et poursuivre la même activité en un autre lieu, sous un autre nom et
dans une nouvelle structure, avec les mêmes personnes. En outre, l’application
extraterritoriale de normes non reconnues internationalement achoppe à des limites
de fait, éventuellement aussi de droit.
6.2.2 Le rôle que peut jouer la Suisse sur la scène
internationale
L’intérêt du public pour la problématique de la délégation de tâches sécuritaires
jusqu’ici assumées par l’Etat à des entreprises privées spécialisées a considérablement
augmenté depuis le début de la guerre en Irak123. Malgré les efforts consentis
par différents pays soucieux de développer des solutions adaptées à leur propre
domaine de responsabilité, il manque à ce stade certainement un processus international
qui offre aux Etats un forum leur permettant de discuter d’une approche
commune en vue de définir des standards internationaux et nationaux ainsi que des
mécanismes garantissant un meilleur respect du droit international humanitaire et
des droits de l’homme.
La problématique des entreprises de sécurité privées actives sur la scène internationale
dans les zones de crise et de conflit a surtout gagné en acuité depuis les années
90. En raison de la récente guerre en Irak, surtout depuis l’année dernière, la population
suisse et le Parlement ont pris davantage conscience du problème. A l’été 2004,
le DFAE a fait part à des représentants de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis de
l’inquiétude de la Suisse quant aux infractions commises dans la prison d’Abu
Ghraib (Irak). Des employés d’entreprises de sécurité privées ont aussi pris part à
ces violations des droits de l’homme. En 2004, l’administration fédérale a donc
intensifié ses réflexions quant à l’opportunité et au potentiel d’initiatives internationales,
engagées au niveau intergouvernemental ou supranational.
Pour trois raisons notamment, la Suisse ne saurait fermer les yeux sur les développements
problématiques à l’échelle internationale qui concernent les entreprises
militaires et de sécurité privées:
– elle doit elle-même recourir occasionnellement aux services d’entreprises
de sécurité privées pour garantir la sécurité de ses représentations à
l’étranger, en particulier dans les zones de conflit;
– des recherches ponctuelles ont montré que des entreprises militaires et de
sécurité privées actives dans des zones de conflit peuvent opérer à partir du
territoire national suisse; or, la Suisse a intérêt à ce que son territoire ne
serve pas de base à des opérations illicites, ou du moins douteuses, à
l’étranger;
123 Les manifestations publiques sur ce sujet sont aussi toujours plus nombreuses et la bibliographie
s’allonge rapidement. Les approches à ce stade sont toutefois plutôt descriptives,
orientées en partie seulement selon une optique politologique et elles font très rarement
appel à l’analyse juridique.
691
– la mise en oeuvre du droit international public et, si nécessaire, son développement,
en particulier la promotion des droits de l’homme et du droit international
humanitaire, est une préoccupation traditionnelle de la Suisse.
En raison de sa tradition humanitaire et en sa qualité d’Etat signataire des conventions
de Genève, la Suisse pourrait contribuer judicieusement à la codification et à la
clarification des conditions et des limites juridiques de l’activité des entreprises
militaires et de sécurité privées et favoriser le respect du droit international humanitaire
et des droits de l’homme.
A l’heure actuelle, elle est en train d’initier un processus international, qui vise trois
objectifs:
– promotion d’un dialogue interétatique concernant les défis lancés par le
recours aux entreprises militaires et de sécurité privées;
– renforcement et clarification des obligations internationales des Etats et des
autres acteurs, notamment dans le domaine du droit international humanitaire
et des droits de l’homme;
– examen d’options et de modèles de réglementation ainsi que d’autres mesures
appropriées sur le plan national, régional et international.
La Suisse vise à lancer ce processus international en coopération avec le CICR, avec
lequel elle a déjà élaboré les grandes lignes communes de l’initiative intergouvernementale.
Au cours de l’été 2005 ont eu lieu de premières rencontres avec des
experts choisis. Dès l’automne 2005, divers Etats ont été consultés de manière
ciblée. On prévoit l’organisation d’une conférence d’experts gouvernementaux en
2006.
Idéalement, les discussions sur le fond conduites dans le cadre de ce processus
international et les résultats qui en ressortiront pourraient également influencer
favorablement les développements à l’intérieur des Etats: ceux-ci, mais aussi les
organisations supranationales et non gouvernementales ainsi que les entreprises
multinationales, clientes des entreprises de sécurité privées, pourraient être invités à
examiner leurs propres réglementations. Des normes définies sur le plan international
seraient également propices à la cohérence des diverses réglementations nationales
édictées par les Etats.
Il convient enfin de relever que l’initiative suisse est neutre par rapport à la question
de savoir si le phénomène lié aux entreprises militaires et de sécurité privées est
souhaitable ou non. Le recours à ces entreprises est toutefois une réalité; selon les
prévisions, il devrait même augmenter. C’est pour cette raison que l’initiative entend
discuter des mesures envisageables pour atténuer les conséquences négatives que
peut impliquer le recours à de telles entreprises.
692
6.3 Enumération des mesures qu’entend prendre
le Conseil fédéral
Le Conseil fédéral envisage de prendre les mesures suivantes:
1. Ordonner aux autorités administratives de tenir compte des limites fixées par
la Constitution, lorsqu’elles envisagent de déléguer des tâches de sécurité à
des entreprises privées.
2. Inviter les cantons à harmoniser leurs législations.
3. Examiner la possibilité de fixer des conditions minimales qu’une entreprise
de sécurité privée devrait remplir lorsqu’elle est chargée par la Confédération
d’exécuter des tâches de sécurité.
4. Examiner s’il est opportun de soumettre les fournisseurs de prestations militaires
ou de sécurité opérant dans des zones de crise ou de conflit depuis la
Suisse à une obligation d’autorisation ou d’enregistrement.
5. Lancer un processus au niveau international, de préférence en collaboration
avec le CICR, afin de contribuer à un dialogue interétatique, de réaffirmer et
de clarifier les obligations des Etats et des autres acteurs au regard du droit
international et d’étudier des modèles de réglementation au niveau national,
régional et international.
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